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Quand la pensée commande l'ordinateur
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Dans mon éditorial de la lettre 309 du 5 novembre, "Demain, l'homme neuronique", j'évoquais les extraordinaires progrès des neurosciences et des neuro-prothèses et notamment des expériences récentes montrant qu'il est possible de commander un ordinateur par la pensée. Ce vieux rêve de la science-fiction devient aujourd'hui réalité avec des recherches menées conjointement aux États-Unis et en Europe. Plusieurs patients ont réussi à déplacer un curseur sur un écran d'ordinateur en pensant simplement au mouvement désiré. Ces techniques offrent de réelles possibilités d'aide à la communication ou au déplacement pour des personnes totalement paralysées. Depuis quelques mois, des expériences semblables avaient d'abord été réussies avec des singes, puis avec un jeune tétraplégique au début de l'année. Mais à chaque fois, il avait fallu implanter des électrodes directement dans le cerveau des «cobayes» pour que les signaux électriques soient plus faciles à enregistrer. Cette fois, l'exploit a été réalisé avec de simples casques à électroencéphalogramme posés sur la tête, sans aucune chirurgie. Les risques de dommages sur le cerveau sont ainsi éliminés, et la technologie devient potentiellement accessible pour le plus grand nombre de patients.
Deux équipes, une américaine et une européenne, ont annoncé presque simultanément cette semaine avoir réussi cet exploit, de manière indépendante. La première équipe est financée par un projet de la Commission européenne appelé Presencia.L'autre équipe est américaine. Elle est animée par Jonathan Wolpaw et Dennis McFarland, tous deux chercheurs au Wadsworth Center du département de la santé de l'État de New York à Albany. Les deux équipes utilisent des techniques très similaires, mais les Américains ont une longueur d'avance car leurs patients arrivent déjà à contrôler le déplacement d'un curseur dans deux dimensions (haut/bas et gauche/droite) avec une réussite des commandes qui dépasse largement les 90%.
Ce système permet assez facilement d'écrire, en sélectionnant des lettres sur un clavier virtuel, de contrôler le mouvement d'un fauteuil roulant ou d'une prothèse. Deux des quatre candidats de l'étude américaine sont des paralysés, victimes de lésions de la moelle épinière. De manière assez étonnante, ils sont plus doués que les deux autres, non paralysés, pour contrôler les mouvements du curseur. Dans tous les cas, les personnes portent un casque qui envoie leur encéphalogramme vers un ordinateur. Lors d'une phase d'apprentissage, les patients essaient de déplacer le curseur en imaginant son mouvement. Un programme informatique adaptatif analyse en permanence les signaux provenant du cerveau, et sélectionne ceux que les personnes arrivent le mieux à contrôler. La plupart des patients parviennent à contrôler «mentalement» le curseur au bout de quelques dizaines de minutes. Les progrès proviennent principalement des logiciels d'apprentissages qui sélectionnent les meilleurs signaux envoyés par l'électroencéphalogramme, malgré la faiblesse des ondes, qui sont fortement atténuées en traversant la barrière crânienne. Ces systèmes, encore expérimentaux, représentent d'importants espoirs d'autonomie pour de nombreux paralysés.
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