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Première mondiale en chirurgie : une greffe partielle du visage réalisée à Amiens

La "première allogreffe partielle de la face", qui porte sur le triangle nez-lèvres-menton, a été réalisée dimanche 27 novembre au CHU d'Amiens (Somme) sur une femme âgée de 38 ans, gravement défigurée par une morsure de chien en mai dernier, ont annoncé les Hôpitaux de Lyon et le CHU d'Amiens. La patiente, qui souhaite garder l'anonymat, est à ce jour "en excellent état général et l'aspect du greffon est normal", précisent-ils dans un communiqué, en expliquant que cette allotransplantation est le fruit d'une "collaboration étroite entre le service de chirurgie maxillo-faciale du CHU d'Amiens (Pr Bernard Devauchelle) et le service de chirurgie de la transplantation de l'hôpital Edouard Herriot du CHU de Lyon (Pr Jean-Michel Dubernard)".

Le greffon a été prélevé "chez une donneuse multiorganes en état de mort encéphalique avec l'accord de la famille", d'après les Hôpitaux de Lyon et le CHU d'Amiens qui ne donnent pas de précisions sur le lieu où a été effectué le prélèvement. Dans leur communiqué, les Hôpitaux de Lyon et le CHU d'Amiens ont précisé qu'au-delà des conséquences esthétiques de la morsure dont a été victime la patiente en mai dernier, la blessure s'est révélée "très invalidante tant au niveau de l'élocution que de la fonction de mastication". "Ce type de lésion est extrêmement difficile, voire impossible à réparer par les techniques de chirurgie maxillo faciale habituelle", ont-ils souligné.

Selon le Pr Dubernard, l'opération est une "première mondiale". Le chirurgien, également député UMP du Rhône, a déjà acquis une renommée internationale avec son équipe en dirigeant la première allogreffe d'une main en septembre 1998 à Lyon. L'opération avait été réalisée pour une seule main coupée à hauteur du poignet sur le Néo-Zélandais Clint Hallam. Cependant, durant six mois, le patient avait refusé de poursuivre son traitement immunosuppresseur anti-rejet. Et à sa demande, il s'était fait amputer sa main greffée, en février 2001, à Londres.

Le 13 janvier 2000, le Pr Dubernard avait franchi une nouvelle étape en réalisant la première double greffe bilatérale des mains et des avant-bras à Lyon sur Denis Chatelier, âgé à l'époque de 33 ans. Ce peintre en bâtiment, originaire de Charente-Maritime, avait perdu ses deux mains en 1996 en manipulant une fusée artisanale qu'il fabriquait pour ses neveux. Il portait depuis des prothèses myoélectriques ne lui permettant de réaliser que des gestes simples. Début 2005, le Pr Dubernard avait annoncé que la greffe avait "définitivement pris".

Interrogé en 2003 sur une éventuelle greffe du visage, Jean-Michel Dubernard s'y était déclaré "favorable à condition que cette greffe soit demandée par un patient". "Si une personne, suite à un accident, ne peut plus supporter son visage, on doit pouvoir lui faire une greffe", avait-il précisé. D'après le Pr Dubernard, les équipes médicales de Lyon et d'Amiens se sont accordées pour ne plus divulguer d'informations sur cette première allogreffe partielle de la face avant vendredi 2 décembre lors d'une conférence de presse organisée au Pavillon C de l'hôpital Edouard Herriot à Lyon.

Parmi les premières réactions dans la communauté médicale internationale, le Dr Chris Koo, président de l'Association britannique des spécialistes de chirurgie plastique a expliqué que "des inquiétudes concernant" la possibilité d'un rejet, "l'impact psychologique et les conséquences d'un échec" de l'opération empêchent "jusqu'à présent un accord sur le plan éthique de la procédure au Royaume-Uni". Le Dr Stephen Wigmore, président de la commission d'éthique de la Société britannique de transplantation, note pour sa part que les progrès de la microchirurgie et des traitements anti-rejet ont rendu possible techniquement la transplantation de la peau et des muscles faciaux d'un donneur décédé. Toutefois, souligne-t-il, il faudra probablement utiliser des médicaments anti-rejet à haute dose, sur une période prolongée, sans compter les conséquences d'un éventuel échec de l'intervention.

"Pour avoir repoussé les limites de la science, ils doivent être applaudis, du moment qu'ils ont eu le total consentement, en connaissance de cause, du patient et de la famille du donneur", a réagi le Dr Iain Hutchinson, directeur de la Fondation de recherche en chirurgie faciale, dont le siège se trouve à Londres. Prélever un visage, observe-t-il, peut avoir des conséquences pour la famille en deuil du donateur. Pour John Barker, directeur de recherche en chirurgie plastique à l'Université américaine de Louisville, l'intervention pourrait offrir "une nouvelle et potentiellement meilleure option" pour les personnes défigurées quand les autres traitements ne sont pas viables.

AP

BBC

NYT

WP

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