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Nouvelle économie : et si c'était vrai...

C'est un paradoxe : Internet va bien. Pourtant, depuis deux ans, l'actualité de la nouvelle économie a pris l'allure d'une interminable nécrologie. La plupart des start-up qui avaient fait une entrée fracassante au Nasdaq, le marché américain des nouvelles technologies, ont disparu corps et biens dans la tourmente boursière. Rien qu'aux Etats-Unis, 100 000 emplois ont ainsi été détruits dans le secteur d'Internet en 2001. Quant au rachat, début 2000, de Time Warner, la major de la musique et du film, par AOL, le fournisseur d'accès à Internet, il semblait signifier la victoire définitive de la nouvelle économie sur l'ancienne. Aujourd'hui, ce sont les activités d'AOL qui plombent les comptes du groupe dont la vieille Time Warner est devenue le moteur. Cependant, les déboires de la nouvelle économie n'ont pas freiné la diffusion des technologies de l'information et de la communication (TIC). 600 millions d'internautes dans le monde en 2002, contre 460 millions un an plus tôt. A ce rythme, le nombre d'internautes devrait frôler le milliard de personnes en 2006. En France, il a déjà dépassé les 18 millions en décembre 2002, selon Médiamétrie, soit 37 % de la population. Ils n'étaient que 15 millions en septembre 2002, soit une croissance de 20 % en trois mois. Les internautes bénéficiant d'une connexion à haut débit, permettant des usages « enrichis » (navigation plus rapide, téléchargement de musique, vidéo...), sont eux aussi de plus en plus nombreux. Entre le premier et le deuxième semestre 2002, le nombre d'abonnés à l'ADSL et au câble en France est passé de 620 000 à 960 000 personnes. Actuellement au nombre de 7 millions en Europe de l'Ouest, les utilisateurs du haut débit devraient être plus de 50 millions d'ici à 2005. Alors que le commerce traditionnel a plutôt fait grise mine, Noël 2002 a été une période faste pour le commerce de détail en ligne. Les ventes ont atteint 8,5 milliards de dollars aux Etats-Unis entre le 1er novembre et le 20 décembre 2002, soit 23 % de plus qu'en 2001 à la même époque . En France, les chiffres fournis par l'Acsel, la fédération des cybercommerçants, font apparaître une croissance des transactions de 63 % et une augmentation du chiffre d'affaires de 64 % pour les quinze principaux cybermarchands sur le seul dernier trimestre 2002 par rapport à 2001. Les ventes ont avoisiné les 2 milliards d'euros pour l'ensemble de l'année. Les autres pays d'Europe affichant des progressions similaires, le commerce électronique européen devrait représenter autour de 80 milliards d'euros en 2007. Mais, pour l'instant, cela représente toujours une part minime du commerce total, comprise entre 0,5 % et 1,5 % suivant les pays. Encore loin des espérances des pionniers. Car si le commerce électronique décolle, il reste cependant concentré sur quelques secteurs. Les ventes en ligne se partagent en effet pour l'essentiel entre quatre marchés principaux : les produits touristiques (voyages, billets de train, d'avion...) principal secteur en chiffre d'affaires, les produits culturels (disques, DVD, livres...), les produits informatiques (matériel, logiciels...), et les produits financiers (transactions en ligne). La vente par correspondance (VPC), en revanche, a trouvé avec Internet un outil idéal pour remplacer très avantageusement le Minitel. Aux Trois Suisses, les résultats du Web ont dépassé l'année dernière, pour la première fois, ceux du Minitel, et les ventes en ligne devraient à terme représenter à elles seules 20 % du chiffre d'affaires. Par ailleurs, pour certains acteurs traditionnels, la dématérialisation entraînée par les technologies de l'information et de la communication dans les relations entre entreprises ou entre administrations et particuliers est une très mauvaise affaire. C'est d'ores et déjà le cas pour La Poste, qui observe un infléchissement sensible du volume de courrier qu'elle traite depuis la diffusion de la carte Vitale ou de la télé-TVA, la déclaration en ligne de la TVA. Autre victime collatérale : la presse traditionnelle. Le succès des sites de petites annonces d'emploi et d'immobilier est un mauvais coup porté à l'équilibre fragile de certains journaux, qui voient ainsi diminuer les ressources qu'ils tiraient de ces rubriques. Les changements induits par l'Internet vont au-delà du chiffre d'affaires encore modeste réalisé en ligne. Les effets d'Internet se font aussi sentir dans les « vrais » magasins. La Fnac a ainsi constaté un effet d'accélération dans ses enseignes grâce à son site : un nombre croissant d'acheteurs consultent son offre sur le Net avant de se rendre dans la Fnac la plus proche pour conclure leur achat. Un constat confirmé par une étude américaine de l'institut Jupiter Research, qui évalue la contribution du commerce électronique au commerce « physique » à 232 milliards de dollars aux Etats-Unis en 2002, c'est-à-dire 14 % de l'ensemble du commerce de détail, alors que les ventes en ligne au sens strict ne dépassent pas 40 milliards de dollars. Les technologies de l'information et de la communication induisent bien d'autres changements, dans la manière de présenter les produits notamment. Elles donnent aussi la possibilité aux commerçants de mettre sur pied un marketing personnalisé d'une finesse inédite. Sans verser dans la science-fiction, on peut imaginer qu'avec les possibilités qu'offrent l'Internet et le haut débit, il sera bientôt fréquent de joindre un opérateur par téléphone en cliquant sur un lien de page Web. De plus, l'Internet modifie profondément la nature même des produits. Ceux-ci sont amenés à intégrer de plus en plus souvent une composante purement numérique. C'est déjà le cas pour nombre de logiciels d'ordinateurs, achetés sur cédérom dans le commerce, mais dont les mises à jour sont téléchargeables sur Internet. Pour l'instant, l'essentiel des échanges marchands en ligne ne se fait pas entre producteurs et consommateurs, mais entre entreprises. Le marché du B to B, le business to business, représente 150 milliards d'euros en Europe et environ 920 milliards d'euros aux Etats-Unis, soit dix fois plus que le B to C, le business to consumer, selon la Direction des relations économiques extérieures, la Dree. Dès les années 80, la recherche de gains de productivité avait poussé les plus grandes entreprises à adopter l'échange de documents informatisés (EDI). Ce système leur permet de passer commande et d'échanger des données avec leurs partenaires commerciaux réguliers. Les volumes impressionnants du B to B sur l'Internet sont en partie liés à la migration des flux échangés sous EDI. L'Internet présente en effet l'avantage d'être bien moins coûteux à mettre en oeuvre que l'échange traditionnel, ce qui permet notamment sa généralisation aux petites et moyennes entreprises. Celles-ci peuvent désormais pratiquer elles aussi la logique de juste- à-temps que l'EDI permet. Pour les entreprises, l'Internet est cependant beaucoup plus qu'un moyen de faire de l'échange de documents informatisés à bon marché. De nombreuses entreprises ont reconstruit leur système d'information autour d'une architecture Internet. Le réseau a parallèlement eu des effets contradictoires sur les firmes. Il a accéléré l'éclatement spatial de l'entreprise en facilitant le recours à l'externalisation. Mais il a aussi permis de fédérer davantage des structures jusque-là très atomisées : ces nouvelles technologies permettent le développement du travail collaboratif à distance, grâce à une communication plus riche et plus fluide entre les personnes. L'Internet a vu aussi le développement fantastique d'échanges non marchands entre particuliers. Ils n'en ont cependant pas moins un impact économique non négligeable. Le développement de la correspondance électronique entre particuliers ne paraît pas affecter pour l'instant le courrier traditionnel. Il en va autrement du peer-to-peer, c'est-à-dire l'échange de fichiers informatiques grâce à une connexion directe entre les ordinateurs des particuliers. Pas moins de 130 millions de fichiers MP3 illégaux s'échangent quotidiennement, selon l'industrie musicale et seul un Américain sur dix admet avoir payé pour pouvoir télécharger un fichier. Les maisons de disques tiennent le peer-to-peer pour responsable de la baisse de 15 % des ventes de disques enregistrée ces deux dernières années. D'où leur tentation de ne plus vendre que des disques impossibles à copier et la pression de plus en plus grande qu'elles exercent auprès du législateur afin de restreindre voire de supprimer le droit à la copie privée. L'Internet a également nourri le fantasme d'un marché sans intermédiaires, où chacun est à la fois consommateur, mais aussi un peu producteur des biens échangés. L'essor du C to C, les échanges marchands entre consommateurs, semble être la concrétisation de cette idée, même si, dans la pratique, un intermédiaire reste nécessaire pour organiser la rencontre entre l'offre et la demande.

Alternatives économiques :

http://www.alternatives-economiques.fr/site/nouvelles_pages/212_005.html

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