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Edito : La nouvelle économie doit avant tout ouvrir la voie de l'espérance

Dans deux semaines, nous allons quitter l'an 2000. Cette année aura fait évoluer de façon fondamentale l'image que nous nous faisons de l'avenir d'Internet et de la Nouvelle Economie. Il y a un an, il suffisait de prononcer le mot Internet pour que toutes les portes s'ouvrent devant vous et que les banquiers vous déploient de beaux tapis rouges si vous sous-entendiez simplement que vous pourriez avoir l'idée de créer une entreprise dans la Nouvelle Economie... Un an plus tard, tout a changé. Il suffit qu'une équipe de jeunes créateurs évoque Internet et la Nouvelle Economie dans le business-plan de leur projet pour que, parfois, on ne leur réponde même plus au téléphone quand ils cherchent à prendre contact avec des responsables de fonds qui pourraient les aider à constituer leur tour de table. Ce changement soudain et exagéré met en évidence le désarroi des investisseurs mais aussi des autres décideurs qui n'arrivent pas encore à imaginer ce que sera le modèle de cette nouvelle économie. Comme je l'écrivais en mai dernier (voir éditorial de la lettre 99 http://www.tregouet.org/lettre/index.html), ceux qui, hier encore, idolâtraient le veau d'or auraient tort de croire que cette économie du signal n'est que du vent. Dans ces six derniers mois, nombreuses sont les entreprises, auxquelles les augures promettaient le plus bel avenir il y a seulement un an, qui ont sombré dans un océan de défiance. Ce n'est certes pas l'enthousiasme ni même les compétences qui ont manqué à ces « jeunes pousses » mais bien des règles du jeu clairement énoncées. Beaucoup ont cru que la gratuité pouvait servir de modèle économique. C'est en s'appuyant sur la « préhistoire » d'Internet qu'ils s'étaient forgés cette certitude. Ils avaient oublié, mais n'est-ce pas tous ensemble que nous avions oublié, que dans son ère primitive, il y a moins de dix ans, la planète Internet n'était souvent peuplée que de chercheurs et d'étudiants pour lesquels il n'est pas dans leur coutume de se faire rémunérer les oeuvres de l'esprit qu'ils mettent à la disposition des autres. Nous entrons maintenant dans une ère nouvelle. Les grands groupes de télécommunications, d'informatique mais aussi les divers médias qui sont restés désemparés pendant quelques courtes années devant l'émergence de ce monde nouveau se sont ressaisis pendant cette année 2000 et ont mis en oeuvre, non sans risque, des stratégies offensives. Cela a été sensible, en Europe, avec l'engagement insensé des leaders de télécommunications pour acquérir le droit de déployer une technologie nouvelle de télécommunication mobile, l'UMTS, non encore techniquement maîtrisée et, surtout, sans certitude que les potentiels futurs utilisateurs se l'approprient . Cela a été sensible aux Etats-Unis et en Europe avec les paris risqués pris par AOL et Time Warner d'une part et Vivendi Universal - Canal + d'autre part parce qu'ils veulent faire se fondre dans ces nouvelles technologies des cultures fort dissemblables . Ce déplacement de géants dans un magasin de porcelaine n'a pas été sans provoquer de la casse. Beaucoup de jeunes entreprises qui, hier encore, étaient portées par l'espérance, voyant les vents se retourner, se sont vendues, parfois dans la précipitation, à de grands groupes qui, tels des ogres ne connaissant pas de limite à leur faim, les ont souvent dévorées sans ménagement. Cela induit un regroupement qui va profondément changer les règles du jeu. Il est à espérer que cette concentration des principaux outils dans le giron de grands groupes ne va pas les inciter à oublier les principes de liberté et de transparence qui ont suscité tant d'espoir lorsque les pionniers ont abordé les rivages de ce nouveau continent. Il est juste que les compétences, les connaissances et, plus encore, l'expertise soient rémunérées mais les gestionnaires de l'économie du réel qui, souvent, non sans ironie, se retrouvent aujourd'hui à la tête de ces grands groupes du signal ne doivent pas oublier que lorsqu'on transmet un savoir à un autre être humain, c'est avant tout une voie d'espérance qu'on ouvre.

René TRÉGOUËT

Sénateur du Rhône

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