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Edito : Notre société numérique entre dans une nouvelle ère

En cette fin d'année 2004 le moins que l'on puisse dire est que l'on assiste à la fois à une accélération technologique dans le domaine des TIC et, corrélativement, à l'émergence d'un nouveau cadre pour l'économie numérique. En décembre 2003, Free créait l'événement en proposant aux abonnés de centaines de grandes villes la première offre « Triple Play », incluant, via la « Freebox », la téléphonie gratuite vers les fixes, la télévision via l'ADSL et l'internet haut débit. Depuis, les autres opérateurs ont suivi la même voie et proposent les uns après les autres, des forfaits incluant l'internet haut débit, la télévision sur ADSL, comme TPSL, et dans certains cas, la téléphonie illimitée.

Dans cette évolution rapide, pour ne pas dire dans ce bouleversement, du paysage numérique, Neuf Telecom vient de franchir une nouvelle étape en annonçant le 8 novembre une offre d'accès internet à 8 Mbit/seconde ainsi qu'un service de télévision sur DSL. L'opérateur alternatif, qui revendique 350.000 abonnés au haut débit fin octobre a décidé de commercialiser des services à la carte. Il annonce une offre à 8 Mbit/seconde pour 14,90 euros TTC par mois auxquels il faut ajouter le prix du modem NeufBox (2 euros par mois en location ou 39,90 euros à l'achat). Il faut 9 euros supplémentaires par mois pour le téléphone illimité, 7 euros pour le dégroupage total (qui permet de ne plus payer l'abonnement France Télécom) et 6 euros pour la télévision (une soixantaine de chaînes provenant essentiellement de France Télévision et d'AB Group).

On voit donc bien que Neuf Telecom conçoit ce forfait comme un service de base. A l'internaute, ensuite, de choisir des services supplémentaires, qu'il s'agisse de communications téléphoniques illimitées vers les postes fixes en France, pour 9 euros par mois en plus du forfait, ou de l'option « Ligne », qui met fin à l'abonnement mensuel à France Télécom de 13 euros. A la place, l'abonné paie 7 euros par mois à neuf Telecom. Enfin, Neuf Telecom lance à l'occasion de ce nouveau forfait, la télévision par Internet, pour 6 euros par mois. L'internaute peut combiner tous ces services comme il l'entend.

Neuf Telecom commercialise son offre triple play (internet, télévision et téléphone) à 31,90 euros par mois en cas de location du modem et à 29,90 euros en cas d'achat de la NeufBox. Le décodeur de télévision peut aussi recevoir la télévision numérique terrestre (TNT) à la norme MPEG-2 dont le lancement vient d'être confirmé par le Premier ministre. Par ailleurs, Neuf Telecom prévoit pour janvier 2005 une offre d'ADSL 2+, qui offre un débit jusqu'à 25 Mbit/s. Mais contrairement à la Freebox, la "Neufbox" se limite à l'accès internet et à la téléphonie et l'accès au bouquet de télévision nécessite l'ajout d'un second boîtier baptisé "décodeur neuf TV", disponible gratuitement, permettant de recevoir le bouquet de base Neuf TV.

De son coté, Club Internet vient d'annoncer qu'il commercialisera à partir du 22 novembre une offre de voix sur IP. Le forfait de base proposé pour la téléphonie sur IP revient à 19,90 euros par mois (24,90 euros par mois au bout d'un an), auxquels il faut ajouter 5 euros supplémentaires par mois pour la location du modem ad hoc. A ce prix, il est possible de se connecter à Internet à 1 Mbit/s (256 kbit/s de l'abonné vers le FAI), tout en téléphonant à volonté dans toute la France. Les appels vers les mobiles sont, eux, facturés 19 centimes la minute. Il proposera aussi une offre à 8 Mbit/s pour 19,9 euros par mois et assure tester du 29 Mbit/s.

Club Internet associe gratuitement 15 services à son offre de téléphonie sur IP (messagerie vocale, présentation du numéro de l'appelant, conférence à trois, etc.) Par ailleurs, toujours dans le cadre de son offre Net & VoIP, Club-Internet fournit en location pour 5 euros par mois un modem routeur compatible WiFi (norme 802.11b et g) et ADSL2+. Ce modem permet à l'utilisateur du service disposant d'un ordinateur portable compatible WiFi d'accéder sans fil à l'Internet à très haut débit et de partager sa connexion. Cette offre intervient dans un contexte international en pleine mutation puisqu'aux Etats-Unis, la FFC, dans une décision très attendue, vient de décider le 9 novembre d'exempter la téléphonie sur IP des taxes locales que doivent payer les opérateurs classiques, ce qui va évidement accélérer la diffusion de cette technologie.

Alors que Neuf Telecom et Club Internet dévoilaient leurs nouvelles offres « triple play » et voix sur IP, SFR annonçait le 10 novembre la commercialisation de son service grand public de téléphonie mobile de troisième génération (3G) en estimant qu'il devrait compter environ 500.000 clients à la fin de l'année 2005. Le deuxième opérateur mobile français, contrôlé par Vivendi Universal et Vodafone, prend ainsi de vitesse Orange (groupe France Télécom), qui prévoit de proposer sa propre offre avant Noël. Quant à Bouygues Telecom, le 3e opérateur de téléphonie mobile, il joue la prudence et a décidé d'attendre quelques mois pour lancer courant 2005 la technologie EDGE compatible avec le réseau GSM actuel avant de passer à la nouvelle génération d'UMTS (norme HSDPA).

Après avoir payé 619 millions d'euros un licence UMTS de 20 ans, valable jusqu'en 2021, SFR a adopté un programme d'investissement de trois milliards d'euros dans les infrastructures 3G sur la période 2001-2011 et à peu près autant pour les dépenses de marketing et de services. SFR, qui couvre dès le départ 64 des 104 villes de France de plus de 50.000 habitants (soit 38 % de la population) et qui promet de couvrir les 104 agglomérations (58 % de la population) d'ici fin 2005, promet une "totale continuité" du service entre les zones 3G et les zones 2G (GSM/GPRS).

En matière de contenus, SFR mise sur les services de visiophonie et de vidéo. Plébiscitée par les clients de SFR utilisateurs de la 3G depuis juin 2004, la Visiophonie est incontestablement l'usage qui marque une véritable rupture avec la génération actuelle de téléphonie mobile. La visiophonie est facturée deux fois le prix d'un appel vocal.

Alors que SFR annonçait en grande pompe le lancement de la 3G, dont l'application-vedette sera la possibilité de visiophonie entre deux abonnés, France Telecom, et ce n'est évidemment pas un hasard, annonçait pour sa part le lancement de la première offre de visiophonie grand public entre téléphones fixes. France Télécom lancera « MaLigne Visio » le 16 novembre prochain. Déjà disponible dans quelques agences (Poitou-Charentes, ouest parisien, Toulouse), le service s'adresse en priorité au grand public qui veut goûter à la visiophonie sans posséder obligatoirement un ordinateur et une webcam. Seule condition : posséder une ligne téléphonique éligible à l'ADSL, puisque MaLigne Visio utilise cette technologie. Il faudra cependant quelques mois pour que MaLigne Visio soit incompatible avec d'autres services haut-débit, tels que l'accès Internet ou la télévision sur ADSL. En revanche, les clients de l'offre pourront organiser des séquences photos et vidéo avec leurs correspondants, en branchant sur leur visiophone un caméscope ou un appareil numérique. La connexion avec un terminal mobile UMTS n'est pas prévue pour l'instant mais on peut parier que cette possibilité sera rapidement offerte aux abonnés si la visiophonie via les mobiles 3G connaît un vrai succès commercial.

Parallèlement à cette nouvelle offre de visiophonie grand public, France Télécom ouvrira, le 1er décembre 2004, sur Paris, son service ADSL 2+, qui proposera aux abonnés les plus proches des centraux jusqu'à 18 Mbit/s en voie descendante. L'offre ADSL2+ sera généralisée sur l'ensemble du réseau national Haut Débit de France Télécom avant la fin du premier semestre 2005 pour être offerte à tous les Français. Enfin, pour marquer le premier anniversaire de l'ouverture du service de Télévision par ADSL inauguré à Lyon le 18 décembre 2003, France Télécom présentera mi-décembre à Paris, la Télévision Haute Définition sur ADSL 2+ en utilisant la norme MPEG4.

Enfin, dernier événement numérique, mais non le moindre, en ce début de mois de novembre décidemment très riche dans le domaine des TIC, la version officielle du navigateur internet Firefox, qui vise à contrer la domination d'Internet Explorer de Microsoft, a été lancée le 9 novembre, accompagnée de nouveaux outils pour rendre le programme plus efficace. Face à la concurrence de Firefox, la part de marché d'Internet Explorer a reculé de 95,5 à 92,9 % en juin, selon des données de WebSideStory publiées la semaine dernière. Au cours de la même période, la pénétration de Firefox a bondi de 3,5 à 6 %, selon la même source. Plus de 8 millions de personnes ont téléchargé Firefox depuis le lancement de sa version de démonstration à la mi-septembre, a précisé Mozilla. Au contraire d'Internet Explorer, Firefox permet d'ouvrir plusieurs pages Web dans une même fenêtre, un outil dit de "navigation par onglets" et offre des protections contre les publicités pop-up et les sites Web frauduleux.

Si l'on considère dans leur globalité et leurs interactions, l'ensemble de ces innovations techno-économiques, on voit bien qu'une mutation technologique, mais aussi économique et sociale majeure, est en train de se dérouler sous nos yeux. Cette mutation se caractérise par la constitution accélérée d'un continuum numérique unique, via l'internet qui est en train d'absorber complètement la télévision et le téléphone et continue son irrésistible expansion autour de nouvelles « applications tueuses », la visiophonie interpersonnelle et professionnelle, vidéo à la demande, accès permanent à des communautés et des mondes virtuels, assistance médicale personnelle notamment.

Désormais, l'utilisateur ne raisonne plus en terme de terminaux ou de technologies mais en terme de services numériques personnalisés. Où qu'il soit, quoi qu'il fasse, quel que soit le terminal disponible, PC, mobile PDA, smartphone, il veut pouvoir accéder à chaque instant à son « espace numérique personnel », qu'il s'agisse de ses dossiers professionnels ou personnels, de sa discothèque ou vidéothèque privée, ou de ses espaces virtuels de loisirs. Très rapidement, grâce au très haut débit et à la convergence numérique, chaque foyer pourra disposer, moyennant un abonnement mensuel modique, d'un accès internet ultra-rapide, de la télévision numérique et du téléphone sur IP quasi-gratuit. Dans cette recomposition de la chaîne de valeur numérique, la valeur ajoutée se déplacera vers de nouveaux services personnalisés : visiophonie, vidéo à la demande, assistance médicale ou programmes éducatifs personnalisés, commerce électronique en 3D, accès à ses mondes virtuels personnels etc... Dans ce nouveau paysage numérique caractérisé par la numérisation intégrale de nos activités et de notre mémoire personnelles et professionnelles, l'anticipation et l'innovation en matière de demandes et de services numériques totalement personnalisés deviendra le principal moteur de la compétitivité cognitive.

René Trégouët

Sénateur honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

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