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Edito : Les miroirs à retournement temporel pourraient révolutionner l'informatique, les télécommunications et l'imagerie médicale

Nous avions été parmi les premiers, il y a trois ans, à vous parler de cette technologie que nous jugions très prometteuse (Voir nos lettres 277 et 317).

Aujourd'hui, les miroirs à retournement temporel commencent à sortir des laboratoires et devraient permettre une véritable révolution dans des domaines aussi variés que l'informatique, la domotique, les télécoms ou la médecine (Voir Dossier de présentation devant l'Académie des Sciences) .

ReverSys, tel est le nom de la technologie acoustique développée par Sensitive Object, une petite entreprise d'une quinzaine de personnes créée en 2003. Rappelons que cette technologie française très prometteuse des miroirs à retournement temporel a été mise au point au début des années 90 par l'équipe du professeur Mathias Fink, directeur du laboratoire Ondes et acoustiques, à l'ESPCI (École supérieure de physique et de chimie industrielle) à Paris.

Le principe de ces miroirs à retournement temporel consiste à faire rebrousser chemin à une onde, qu'elle soit acoustique ou électromagnétique. Lorsqu'elle entre en contact avec le « miroir », en fait un réseau de capteurs piézo-électriques couplé à des mémoires, ces mêmes capteurs l'enregistrent au format numérique.

Ainsi, le moindre impact digital sur la surface de n'importe quel objet possède une signature acoustique propre au point d'impact. D'où l'idée des fondateurs de Sensitive Object d'associer cette signature à une action et de créer un tableau de commande virtuel. Un capteur piézo-électrique disposé sur le mur d'une pièce ou encore à la surface d'un objet permettra alors de détecter des ondes sonores émises et d'analyser leur signature acoustique. Pour ce faire, il suffit d'y associer une unité de calcul et un puissant algorithme. Si la signature acoustique est reconnue, l'action prévue est exécutée.

Le premier domaine où cette technologie pourrait trouver une multitude d'applications est la domotique. En effet avec les MRT, il devient possible et très facile d'utiliser le mur de notre salon pour fermer la porte d'entrée, allumer la lumière, régler le chauffage ou mettre en marche notre téléviseur.

Dans le prolongement des travaux de Fink, Ros Kiri Ing a en effet eu l'idée d'appliquer ce concept au secteur domotique. Il a mis au point un procédé d'imagerie acoustique qui intercepte les ondes sonores propagées par des bruits à la surface d'un objet et mémorise la signature de chaque son dans une banque informatique de signaux. Un logiciel, lié à un capteur, permet de paramétrer des actions associées à des zones tactiles et de piloter des applications informatiques, des dispositifs électriques. En quelques secondes, on peut créer un bouton virtuel sur l'objet de son choix et le transformer en clavier intelligent, en télécommande virtuelle. Ces boutons invisibles peuvent se reconfigurer selon les besoins.

Grâce à ReverSys, il est à présent possible de transformer n'importe quelle surface solide en télécommande. Un exemple : avec un digicode virtuel, plus besoin de câble ! Ce produit innovant recèle d'immenses potentialités qui pourraient révolutionner le secteur de la domotique, de la télésurveillance et de la téléassistance.

L'information est retournée et réémise à l'envers par les capteurs (faisant office de haut-parleurs). Reflet parfait de l'onde reçue, elle reviendra au point d'émission originel en suivant le même parcours. Cette phase d'initialisation permet au « miroir » de mémoriser ce trajet. Il pourra ensuite envoyer les informations de son cru au point d'émission.

Mais le laboratoire de Mathias Fink travaille également sur une autre technologie qui pourrait bouleverser les télécommunications : appliquer le renversement temporel aux ondes électromagnétiques, pour des moyens de télécommunication du futur. "L'objectif est de mettre au point une sorte de fibre optique virtuelle, de point à point", indique Mathias Fink. Les télécommunications classiques sont rendues plus difficiles dans nos milieux urbains très denses, composés d'immeubles. Mais cet environnement chaotique représente un avantage pour le renversement temporel : l'écho allongé qu'ils induisent enrichit le signal porteur, dans lequel on peut insérer, par modulation, des messages qui peuvent reconverger vers de petites antennes de quelques centimètres.

L'équipe de Mathias Fink a ainsi réalisé une antenne électromagnétique à retournement temporel dans la bande WiFi qui peut, en exploitant la réverbération, focaliser des messages sur des zones de quelques décimètres !

Enfin, mais la liste des applications potentielles est loin d'être exhaustive, les miroirs à retournement temporel ouvrent également de remarquables perspectives en matière médicale. L'équipe de Fink a déjà réalisé un prototype de lithotripteur capable de détruire les calculs rénaux avec une grande précision. Dans ce système, c'est en effet l'écho du calcul rénal qui est retourné temporellement et amplifié pour détruire le calcul, et ceci quelle que soit la nature des tissus présents sur le parcours.

Une autre application médicale prometteuse porte sur la thérapie du cerveau. Un miroir à retournement temporel utilisant 300 transducteurs a été testé en 2004 sur une vingtaine de brebis in vivo à l'Institut Montsouris. Ce système unique au monde a permis de nécroser les tissus du cerveau à distance à travers le crâne avec une précision millimétrique. Enfin, dans un mode diagnostique, la réalisation d'un miroir à retournement temporel permettant de faire 5000 images par seconde du corps humain. On a ainsi accès à un type d'images très nouvelles qui remplacera de façon très quantitative et très précise la palpation médicale.

Enfin, en 2006, Sensitive Objet a commercialisé un "clavier virtuel" pendant plusieurs mois chez des dentistes. L'exercice de la médecine dentaire, notamment de la chirurgie dentaire, comporte des risques d'infection. Ce clavier virtuel permet de protéger patient et personnel de toute contamination et il a fait l'unanimité chez les praticiens qui l'ont testé.

Ces miroirs à retournement temporel pourraient donc bien constituer une véritable innovation de rupture et être à l'origine d'un saut technologique majeur dans de nombreux domaines scientifiques et industriels.

Cette découverte française tout à fait remarquable nous confirme également qu'il faut veiller à soutenir notre recherche fondamentale sur le long terme, comme savent le faire les Japonais ou les Américains, car c'est souvent à partir de travaux très théoriques, et sans retombées immédiates, -comme le montre par exemple la spintronique en électronique et en informatique- qu'émergent plus tard des innovations technologiques majeures.

René Trégouët

Sénateur honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

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