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Reprogrammer les lymphocytes T en cellules antitumorales
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L’immunothérapie anticancéreuse, en particulier à l’aide de lymphocytes T, s’avère très prometteuse dans le traitement des cancers du sang. Les lymphocytes T issus de la bioingénierie, notamment ceux pourvus de récepteurs antigéniques chimériques (cellules CAR-T), ont révolutionné le traitement du cancer. Ils ont produit des résultats impressionnants contre certains cancers du sang, ce qui n’est pas le cas contre les tumeurs solides comme celles du sein, des poumons et de la prostate. Un problème majeur est le microenvironnement tumoral (TME). Il s’agit d’un mélange de cellules et de molécules pouvant atténuer les réponses immunitaires. Dans la plupart des tumeurs solides, les signaux inhibiteurs prédominent alors que les signaux utiles (qui indiquent aux lymphocytes T de continuer à fonctionner) sont faibles ou totalement absents. Comme les lymphocytes T modifiés dépendent de ces signaux environnementaux pour rester actifs et fonctionnels, ils sont souvent inefficaces. Cela a amené les scientifiques à explorer des moyens de créer des récepteurs supplémentaires dans les lymphocytes T, afin qu’ils puissent capter les signaux spécifiques à la tumeur et réagir avec une puissance accrue.
Les chercheuses et chercheurs ont tenté de créer des récepteurs capables de détecter le TME et de réagir à celui-ci, mais leur conception s’est avérée difficile car la création de protéines de signalisation personnalisées est une tâche complexe. Parallèlement, la plupart des méthodes actuelles pour le faire reposent beaucoup sur des essais et erreurs, ce qui fait qu’il est difficile de contrôler la façon dont ces récepteurs synthétiques se comporteront lorsqu’ils seront déployés contre une tumeur. Une équipe, dirigée par Patrick Barth de l’EPFL et Caroline Arber de l’UNIL-CHUV, a développé une plate-forme computationnelle destinée à concevoir des récepteurs de protéines synthétiques à partir de zéro. Appelés T-SenSER (tumor microenvironment-sensing switch receptors), ces récepteurs sont conçus pour détecter les signaux solubles trouvés dans les tumeurs et les convertir en signaux co-stimulants ou de type cytokine qui stimulent l’activité des lymphocytes T. Associés à des cellules CAR-T conventionnelles, les récepteurs synthétiques ont amélioré leurs effets antitumoraux dans des modèles de cancer du poumon et de myélome multiple.
La plate-forme computationnelle peut assembler des récepteurs artificiels en concevant et en combinant différents domaines protéiques, comme si l’on construisait avec des Legos moléculaires. Chaque récepteur comprend un domaine externe qui lie un signal associé à la tumeur, une région médiane qui transmet ce signal à travers la membrane cellulaire et un domaine interne qui active des fonctions utiles à l’intérieur du lymphocyte T. « Ce qui distingue cette approche des approches actuelles de conception protéique, c’est qu’elle ne traite pas les protéines comme des structures rigides », explique Patrick Barth, professeur au Laboratoire d’ingénierie des protéines et des cellules. « Elle les modélise comme des machines dynamiques à changement de forme, ce qui permet de voir, pour la première fois, comment les signaux traversent ces récepteurs synthétiques pour contrôler le comportement cellulaire ».
Il ajoute : « Cette étude constitue la première démonstration de la conception computationnelle de récepteurs monopasse et multidomaines dotés de fonctions de signalisation programmables. Elle ouvre la voie au développement accéléré de biocapteurs synthétiques pourvus de capacités de détection et de réponse personnalisées pour des applications de génie cellulaire de base et translationnel ». À l’aide de la plate-forme, l’équipe a créé deux familles de T-SenSER : l’une qui réagit au VEGF, une protéine qui favorise la croissance des vaisseaux sanguins et qui est courante dans les tumeurs, et l’autre qui réagit au CSF1, une protéine qui influence négativement le comportement des cellules immunitaires dans les tumeurs. Les scientifiques ont conçu 18 versions et sélectionné les plus performantes sur la base de simulations et d’essais en laboratoire.
Lors des tests, les lymphocytes T pourvus à la fois d’un CAR et d’un T-SenSER ont réagi plus fortement aux tumeurs que les cellules CAR-T seules et ont montré des activités spécifiques du ligand reflétant fidèlement les programmes de signalisation codés par la méthode de conception. La version détectrice du VEGF (appelée VMR) n’activait les lymphocytes T que lorsque le VEGF était présent, tandis que la version détectrice du CSF1 (CMR) fournissait une petite stimulation initiale même sans CSF1, mais augmentait son effet en présence du ligand. Dans les modèles murins de cancer du poumon et de myélome, les lymphocytes T dotés de ces récepteurs synthétiques ont montré un meilleur contrôle tumoral et une survie plus longue.
Science : https://www.science.org/doi/10.1126/sciimmunol.adr9933
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