RTFlash

Vivant

Des microrobots pour manipuler les cellules…

Les images sont saisissantes, des "engins de chantier" microscopiques, contrôlés à distance par un opérateur humain, attrapent et déplacent des cellules biologiques. Ces très très petits robots mobiles sont actionnés grâce à des techniques optiques avec retour de force, ce qui permet à l’opérateur de ressentir les forces d'interaction avec les "charges" transportées.

Ces étonnants robots d’une dizaine de micromètres — environ deux fois le diamètre d’un globule rouge — sont issus des travaux d’Edison Gerena, postdoctorant à l’Institut des systèmes intelligents et de robotique (Isir), et lui ont valu le prix de thèse 2020 du groupement de recherche Robotique du CNRS.

Pierre angulaire de la technique : le principe des pinces optiques qui permet de piéger un objet microscopique avec un faisceau laser. En effet, si la lumière laser est correctement focalisée sur sa cible, sa réfraction et sa diffraction transmettent une force supérieure aux forces visqueuses qui maintiennent l’objet en place. Les microrobots permettent de faire bouger un objet en déplaçant le laser dans toutes les directions grâce à un joystick, et ce avec un surprenant niveau de précision.

« La technique de la pince optique n’est pas neuve, elle a été développée aux États-Unis dès 1987, mais nous l’avons robotisée en vue de l’industrialiser. Et surtout, nous lui avons ajouté un retour de force », précise Sinan Haliyo, chercheur à l’Isir et maître de conférences à Sorbonne Université, qui a dirigé les travaux du postdoctorant. « Nous comprenons ainsi mieux comment les forces se répartissent et nous captons les interactions avec l’environnement, ce qui offre un meilleur contrôle des “objets” saisis et une interactivité inégalée ».

Le système est équipé d’une caméra événementielle : elle ne montre que l’information dynamique de la scène, c’est-à-dire essentiellement les mouvements. Grâce à elle, les mesures des forces d’interaction entre la cible et son environnement sont plus fines. De plus, le fameux retour qui permet de prendre en compte la réaction de l’objet à ces forces permet d’adapter la commande avec une précision extrême. Au final, le contrôle atteint une résolution de l’ordre du piconewton, soit un dix-milliardième du poids exercé par un objet de seulement un gramme.

À ces échelles, les observations se font au microscope optique qui n’offre qu’une image en deux dimensions, avec très peu de profondeur de champ. Or les cellules et les microrobots, en suspension dans un liquide naviguent dans un espace à trois dimensions... Pour les faire se rencontrer sans se rater, l’opérateur, aux commandes d’une sorte de joystick, a besoin de savoir dans quel plan chacun et chacune se situent.

Il accède à cette information grâce au retour de force du joystick : celui-ci exerce une force sur la main de l’opérateur lorsque l’objet contrôlé rencontre une résistance. L’opérateur sait alors s’il est ou non au contact de sa cible. Il "ressent" ainsi le contact et les caractéristiques mécaniques des cellules qu’il peut pratiquement "palper" à distance.

Mieux encore : les objets, de quelques micromètres seulement, manipulés par le système peuvent être assemblés pour former des outils et des machines plus complexes d’une centaine de micromètres. Et le passage d’un même rayon laser — avec une vitesse et une focalisation différentes — sur plusieurs objets à la fois, offre même une maîtrise fine de chaque partie de l’ensemble en trois dimensions. Ce contrôle, totalement transparent pour l’opérateur, lui permet de commander intuitivement le mouvement du microrobot à travers l’interface haptique.

Ces microrobots bénéficient d’un mouvement à six degrés de liberté, similaire aux déplacements d’un drone dans l’air. Ils ont été conçus grâce à une imprimante 3D de la société Nanoscribe, capable d’une résolution de cent nanomètres, tandis que le matériau utilisé est un polymère spécifique biocompatible. Pensés et développés à l’Isir, les microrobots ont ensuite été fabriqués par une équipe de l’institut Femto-ST3  de Besançon, spécialisée dans l’impression 3D à de si petites échelles.

L’impression 3D permet de fabriquer une grande quantité d’outils différents et de les adapter en fonction des besoins. Les chercheurs obtiennent par exemple des microrobots capables de saisir une cellule et de la retourner pour l’observer sous toutes ses coutures. Ils ont également conçu une machine équipée d’une sonde qui mesure en temps réel les forces d’interaction et la résistance des objets qu’elle touche, le tout à l’intérieur d’une boîte de Petri. Véritable instrument scientifique, adapté à la biomédecine, le dispositif a été développé lors du projet ANR IOTA.

« Nous explorons à présent les applications de ces technologies en biologie expérimentale », explique Sinan Haliyo en citant le projet ANR OptoBots. « Nous travaillons notamment sur le cancer du côlon avec l'objectif d'utiliser les lymphocytes T. Ces globules blancs particuliers s'attaquent aux cellules cancéreuses par un phénomène d’adhésion mécanique. Mais certaines cellules tumorales ne sont pas correctement détectées et nous avons besoin d’outils pour en comprendre les raisons ». Les chercheurs espèrent ainsi que cela permettra, à terme, de "programmer" les lymphocytes pour viser les cibles qui leur échappent encore.

Article rédigé par Georges Simmonds pour RT Flash

CNRS

Noter cet article :

 

Vous serez certainement intéressé par ces articles :

Recommander cet article :

back-to-top