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Edito : La médecine et l'hygiène de vie vont reculer les limites du vieillissement

Une étude passionnante réalisée par l'Ecole de Médecine Washington de l'Université du Missouri vient de montrer qu'une réduction de l'apport calorique couplée à une nutrition optimale s'avère bénéfique à notre état de santé général et notamment à nos fonctions cardiaques. Cette enquête est la première jamais réalisée sur ce sujet. Elle vient confirmer certaines découvertes antérieures menées sur des rats et des souris qui montraient les bénéfices cardiaques observés chez ces animaux, s'ils étaient nourris avec un régime pauvre en calories.

Les chercheurs ont ainsi étudié les fonctions cardiaques de 25 personnes âgées de 41 à 64 ans, qui avaient déjà suivi une restriction calorique pendant une période de six ans en moyenne, et consommant entre 1.400 et 2.000 calories par jour, avec 25 autres individus s'alimentant selon les normes classiques des pays occidentaux, soit 2.000 à 3.000 calories par jour en moyenne. Avec l'âge, le coeur se fatigue. Cependant, des échographies ont montré que le coeur des personnes soumises aux restrictions caloriques était plus souple que celui du groupe test et leurs fonctions cardiaques équivalentes à celles d'individus plus jeunes d'une quinzaine d'années. De plus, les scientifiques ont constaté une baisse des facteurs de risques cardiaques et inflammatoires chez les personnes suivant un régime basse calorie.

« Il s'agit de la première étude qui établit la preuve de l'efficacité sur le coeur d'un régime "basse calorie" à long terme associé à une alimentation optimale, notamment sur sa faculté à ralentir ou retarder son vieillissement », a indiqué Luigi Fontana, professeur en charge de cette étude auprès de l'Université de St Louis. Les membres du groupe "basse calorie" ont ainsi suivi un régime proche du régime méditerranéen : légumes, huile d'olive, féculents, céréales, fruits et poissons.

Une autre étude réalisée par des chercheurs français de l'Inra vient, pour sa part, de montrer que l'ajout de leucine dans la ration alimentaire permettait de compenser chez le rat la diminution de la masse musculaire liée à l'âge. Ces recherches ouvrent un grand espoir : celui de pouvoir compenser chez l'homme la fonte inéluctable de la masse musculaire liée au vieillissement.

En matière de prévention de la maladie d'Alzheimer, on sait par ailleurs depuis plusieurs années, grâce à plusieurs études convergentes, que l'exercice physique et les activités sociales jouent un rôle déterminant dans le bon maintien des facultés cognitives. On sait également que la prise régulière d'anti-inflammatoires semble exercer un effet protecteur sensible contre cette affection redoutable. Mais selon une vaste étude franco-australienne, diminuer la pression artérielle chez les personnes âgées permet également de réduire le nombre de lésions qui touchent la substance blanche du cerveau et qui, à terme, pourraient augmenter le risque de problèmes cognitifs ou de démence.

Des chercheurs de l'Inserm ont en effet réalisé une passionnante expérimentation sur 192 patients à trois ans d'intervalle afin de mesurer l'évolution des lésions cérébrales. Un groupe de patients a reçu un traitement contre l'hypertension, un autre groupe a pris un placebo. Les résultats, publiés dans la revue Circulation, montrent que les personnes sous hypertenseurs développaient deux fois moins de lésions que les autres. Par ailleurs le volume des nouvelles lésions était cinq fois moins important parmi les sujets sous anti-hypertenseur.

Ces résultats confortent donc la notion selon laquelle le traitement de l'hypertension artérielle protège le cerveau. Les auteurs estiment donc que l'abaissement de l'hypertension doit être pris en compte en tant que facteur important dans la prévention des troubles cognitifs liés au vieillissement, sachant que 80 % des gens de plus de 65 ans sont concernés par l'hypertension.

Par ailleurs, de récentes études américaines viennent de montrer que certains acides gras, et notamment les oméga-3 contenus dans certains poissons, exerçaient un puissant effet protecteur sur les neurones en empêchant le déclenchement de la maladie d'Alzheimer ou en ralentissant sa progression. Au cours des dernières années, trois grandes études épidémiologiques ont montré par ailleurs que les statines, des médicaments bien connus pour réduire le cholestérol sanguin, seraient des agents protecteurs particulièrement efficaces. Elles permettraient de réduire jusqu'à 70 % le risque de développer des démences comme la maladie d'Alzheimer. Une autre étude américaine, menée par les docteurs Paul A. Adlard, et Carl W. Cotman, de l'Université de la Californie, vient par ailleurs de confirmer qu'un simple exercice physique quotidien peut prévenir ou retarder l'apparition de la maladie d'Alzheimer. Enfin, plusieurs études récentes montrent que la pratique régulière d'une activité physique exerce un puisant effet antidépresseur, notamment chez les personnes âgées.

Toutes ces recherches récentes convergent de manière remarquable pour nous montrer que, si le vieillissement est un phénomène inévitable, la plupart de ses conséquences néfastes et des pathologies qui y sont associées peuvent à présent être prévenues ou très sensiblement retardées par une hygiène de vie adaptée, complétée par une prévention médicale active et personnalisée en fonction des risques héréditaires de chacun.

L'autre grand enseignement de ces études est que la santé du corps et celle de l'esprit sont indissociables et qu'une prévention cardio-vasculaire active, notamment en matière d'hypertension et de cholestérol, aura également des effets très bénéfiques en matière de protection contre les maladies neurodégénératives, comme l'Alzheimer et de prévention du déclin cognitif lié à l'âge. Enfin, et cela est une découverte capitale, nos choix alimentaires, tant quantitatifs que qualitatifs, n'ont pas seulement un impact majeur dans la prévention des principales pathologies du vieillissement (cancers, maladies cardio-vasculaires et démences) mais semblent être en mesure de ralentir le processus biologique du vieillissement lui-même !

Plusieurs études ont déjà montré que l'âge moyen d'apparition des maladies incapacitantes a reculé en France depuis 25 ans. Calculée à la naissance, l'espérance de vie sans incapacité (dépourvue d'affection grave ou handicapante) a gagné au cours de cette période 3 ans pour les hommes (passant de 60,8 à 63,8 ans) et 2,6 ans pour les femmes (passant de 65,9 ans à 68,5 ans).

On peut donc raisonnablement imaginer qu'avec la mise en oeuvre d'une politique globale de prévention personnalisée du vieillissement, basée sur le profil génétique de chacun, il serait possible, pour un coût global tout à fait acceptable, de prévenir ou de retarder sensiblement un grande partie des pathologies jusqu'à présent considérées comme inévitablement liées au grand âge. Ces progrès décisifs dans la compréhension des mécanismes biologiques intimes du vieillissement et du rôle déterminant de l'alimentation et de l'hygiène de vie dans la préservation de notre "capital" santé, devraient permettre à chacun d'entre nous non seulement d'ajouter des années à la vie mais, ce qui est encore plus important, d'ajouter de la vie aux années en conservant une bonne forme physique et mentale jusqu'à la fin de sa vie, ce qui modifierait radicalement la qualité de vie de nos aînés et remettrait complètement en cause les sombres prévisions socio-économiques concernant les conséquences du vieillissement pour notre société.

Cette définition et cette mise en oeuvre d'un parcours personnalisé du vieillissement seront un enjeu majeur de société dans les décennies à venir et doivent être au coeur de l'ensemble des actions et des politiques médicales et sociales conduites par l'Etat et nos collectivités locales.

René Trégouët

Sénateur honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

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