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Des liens génétiques entre troubles alimentaires et psychiatriques

Les "troubles de la conduite alimentaire" (TCA), qui regroupent l’anorexie mentale, la boulimie et les accès hyperphagiques, concernent environ 600 000 adolescents et jeunes adultes entre 12 et 35 ans en France, dont près de 90 % de jeunes filles ou jeunes femmes.

Ces dernières années, plusieurs études ont montré qu’il existait des prédispositions génétiques à ces maladies. De nouveaux travaux, basés sur l’étude du génome de dizaines de milliers d’individus, et menés par une équipe de l'Université de Genève (UNIGE), des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), du King's College de Londres, du University College de Londres, de l'Université de Caroline du Nord (UNC) et de l'Icahn School of Medicine du Mont Sinaï, montrent que ces prédispositions génétiques partagent un profil commun avec d’autres troubles psychiatriques.

« Des études antérieures, qui ont mis en évidence une association génétique entre un risque élevé d'anorexie mentale et un faible risque d'obésité, ont commencé à lever le voile sur certains aspects de l'apparition des troubles alimentaires largement négligés jusqu'ici », explique Nadia Micali, professeure au Département de psychiatrie de la Faculté de médecine de l'UNIGE et cheffe du service de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent aux HUG, qui a dirigé ces travaux. « Cependant, le même travail n'avait pas été fait pour les deux autres grands troubles alimentaires : la boulimie et les accès hyperphagiques. Le but de notre étude était donc de comprendre le rôle des gènes régissant le poids corporel pour ces différents troubles, leurs similitudes et leurs différences ».

Pour comprendre les similitudes et les différences entre les schémas génétiques de l'anorexie mentale, de la boulimie et des accès hyperphagiques, les chercheurs ont analysé le génome de plus de 20 000 personnes. Ils ont aussi eu accès à leurs données de santé telles que le poids et l’âge, et à leurs réponses à des questionnaires de santé traitant notamment d'éventuels troubles psychiatriques, et de l'historique de leurs troubles alimentaires.

L’ensemble de ces données leur a servi à calculer plus de 250 scores polygéniques pour chaque individu. « Chaque score polygénique fait l'addition des gènes impliqués dans un trait spécifique, comme la dépression, par exemple », explique Christopher Hübel, chercheur au King's College de Londres et premier auteur de ces travaux.

« Nous avons ainsi calculé les scores polygéniques pour des troubles psychiatriques, tels que la schizophrénie ou les troubles obsessionnels compulsifs, et les traits métaboliques et physiques, notamment la sensibilité à l'insuline, l'obésité et un IMC élevé ». Plus le score est élevé, plus le risque génétique de développer une maladie donnée est important.

L’équipe a ensuite examiné les scores polygéniques des volontaires et leurs troubles alimentaires. Les résultats montrent qu’il existe des similitudes manifestes entre l’anorexie mentale, la boulimie et l’hyperphagie, mais aussi des différences. Parmi les similitudes, se trouvent l’association avec les troubles psychiatriques, notamment la schizophrénie et la dépression, ce qui « confirme la forte composante psychiatrique de ces maladies », précise Nadia Micali. « Cependant, la grande différence concerne les bases génétiques de la régulation du poids corporel, en totale opposition entre l'anorexie d'une part, et la boulimie et les accès hyperphagiques d'autre part, ces derniers étant liés à un fort risque génétique d'obésité et d'IMC élevé », poursuit la chercheuse.

Cela signifie qu’une prédisposition génétique à un poids élevé par rapport à un poids faible peut constituer un facteur déterminant qui pousse les individus présentant un risque génétique psychiatrique similaire à des troubles alimentaires différents. « La composante métabolique et physique orienterait donc l'individu soit vers l'anorexie nerveuse, soit vers la boulimie ou les accès hyperphagiques », ajoute Nadia Micali.

La découverte du rôle des schémas génétiques dans la régulation du poids corporel permet de mieux comprendre les bases génétiques des troubles de l'alimentation et ouvre la voie vers de nouvelles prises en charge thérapeutiques.

Article rédigé par Georges Simmonds pour RT Flash

Eating Disorders

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