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Edito : Le lien entre inondations catastrophiques et réchauffement climatique est établi

Le réchauffement climatique a accru l'intensité des pluies diluviennes et des inondations dans l'hémisphère Nord au cours de la seconde moitié du 20e siècle, selon deux études récentes publiées par la revue Nature et établissant un lien direct entre le changement climatique et son impact sur des événements météorologiques extrêmes (Voir articles Increased flood risk linked to global warmingHuman activity linked to extreme heavy rainfall et Greenhouse gases contributed substantially to the risk of floods in Autumn 2000).

Jusque là, ce lien restait théorique, même si des modélisations numériques prédisaient que l'augmentation des gaz à effet de serre dans l'atmosphère aggraverait les épisodes de pluies diluviennes. Mais les données collectées en Europe, Asie et Amérique du Nord montrent, qu'en moyenne, les plus graves pics de précipitations ont eu une intensité accrue au cours de la dernière moitié du 20e siècle. Lorsqu'on compare ces pics annuels avec les simulations des modèles climatiques, l'influence humaine devient évidente, selon M. Zwiers. "Le changement observé ne peut pas s'expliquer par des fluctuations naturelles, internes du seul système climatique", dit-il. Mais malheureusement, les précipitations ne vont pas nécessairement augmenter dans les régions où les pluies sont faibles et certaines régions risquent, au contraire, de devenir plus sèches. En outre, les précipitations vont être plus violentes.

Pour mettre en lumière ce lien de causalité entre changement climatique et événements météorologiques extrêmes, Myles Allen (Université d'Oxford) et Pardeep Hall (ETH, Zurich) se sont servi de la puissance des réseaux sociaux pour réaliser la seconde étude portant sur l'impact du réchauffement climatique en Angleterre, où l'automne 2000 avait été marqué par des pluies diluviennes entraînant de graves dégâts. "Nous avons demandé à des membres du public dans le monde entier de laisser leur propre ordinateur personnel faire les simulations pour nous lorsqu'ils ne s'en servaient pas", relate-t-il. Le projet de calcul distribué climateprediction.net bénéficie actuellement de 50.000 à 60.000 ordinateurs personnels.

Les chercheurs ont pu comparer deux modèles numériques, l'un basé sur des données météorologiques historiques détaillées, l'autre sur une simulation de ce qu'il se serait passé à l'automne 2000 en Angleterre si des gaz à effet de serre n'avaient pas été émis au 20e siècle. Après avoir répété la simulation des milliers de fois, ils ont pu montrer que ces émissions avaient doublé les risques de voir se produire des épisodes de pluies extrêmes. Les pluies dévastatrices qui se sont abattues sur l'Australie dans ces dernières semaines sont sans doute liées à la hausse du thermomètre mondial, elle-même à l’origine d’une intensification du phénomène La Nina, avec également des conséquences dramatiques en Afrique du Sud, au Brésil et au Sri Lanka.

Une de ces études, publiée dans Nature, s'est concentrée sur les inondations survenues en Angleterre et au Pays de Galles durant l’automne 2000 et ses conclusions, fruit du croisement de multiples données et de l’élaboration de milliers de scénarios sur le temps qu’il aurait pu faire à l’époque si l'on exclut volontairement la montée des températures d’origine anthropique. Les résultats sont sans appel : dans neuf cas sur dix, l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre (GES) est allée de pair avec celle du risque d’intempéries. La seconde étude, qui cible une zone plus large et a été publiée en 2009, a révélé que l’augmentation de la concentration de rejets de dioxyde de carbone (CO2) dans l’atmosphère s’est traduite par une hausse des précipitations sur les deux tiers des stations de sport d’hiver de l’hémisphère nord.

Il est intéressant de rapprocher ces deux études d'une autre étude de l'ONU qui montre que l'Humanité doit combiner l’efficience énergétique, les énergies renouvelables, les technologies de capture des émissions de dioxyde de carbone (CO2) et la protection des forêts pour ne pas dépasser le seuil dangereux d’une augmentation moyenne des températures de plus de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels d’ici 2050. Selon cette étude, les énergies renouvelables, efficaces en termes de coût, pourraient produire 21 % de l’ensemble de l’énergie du secteur industriel d’ici 2050, fournissant ainsi 10 % des réductions nécessaires pour éviter un avenir fait de sécheresses, d’inondations, d’augmentation du niveau des mers, de tempêtes plus puissantes, de fonte des glaciers et d’autres effets possibles du changement climatique.

Selon l'ONU, investir 2 % du PIB mondial chaque année, dans dix secteurs clés, suffirait à développer une économie verte alliant croissance et développement durable. Cet effort représenterait 1.300 milliards de dollars, chaque année, entre 2011 et 2050, investis dans des secteurs clés de la croissance verte tels que l'agriculture, l'énergie, les transports, la forêt ou la construction. Si, à court terme, cette économie aurait pour conséquence de constater une croissance inférieure au modèle économique actuel, cette tendance serait inversée dès 2020, assure le PNUE.

Nous devons donc utiliser simultanément et avec beaucoup plus de force qu’actuellement, tous ces leviers pour réduire globalement de 70 % les émissions humaines de gaz à effet de serre d'ici 2050, ce qui est absolument indispensable pour limiter à 2 degrés le réchauffement climatique planétaire, comme le montrent plusieurs études scientifiques rigoureuses récentes. (Voir Global Warming: Cuts in Greenhouse Gas Emissions Would Save Arctic Ice, Reduce Sea Level Rise et Greenhouse-gas emission targets for limiting global warming to 2?°C).

Sachant que nous avons émis en 2010 environ 50 gigatonnes de gaz à effet de serre, cela signifie que nous devons descendre à 15 gigatonnes d'ici 40 ans pour empêcher un dérèglement massif du climat. L'effort est encore plus important si l'on raisonne par terrien : la population mondiale devant passer de 7 à 9 milliards de personnes d'ici 2050, chaque terrien doit diviser par plus de quatre ses émissions de GES, passant de 7 tonnes aujourd'hui à 1,7 tonnes en 2050.

Ce défi de civilisation est immense mais il n'est pas hors de notre portée et nous devons comprendre que le coût de l'inaction serait au moins 10 fois supérieur à celui des mesures à prendre pour limiter drastiquement nos émissions de gaz à effet de serre, comme l'a bien montré le rapport STERN en 2006. L'existence d'un lien avéré entre l'augmentation de nos émissions de gaz à effet de serre et la multiplication des événements météorologiques extrêmes et dévastateurs ne fait que confirmer la nécessité de réorienter et de repenser l'ensemble des activités humaines, de façon à atteindre cet objectif de réduction massive et définitive des émissions humaines de gaz à effet de serre d'ici le milieu de ce siècle.

René  TRÉGOUËT

Sénateur Honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

Increased flood risk linked to global warming

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