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Edito : L'hôpital numérique et robotisé replace l'homme au coeur du système de soins

Au CHU d'Angers, les données du patient sont informatisées dès les urgences et le suivent lorsqu'il est orienté vers un autre service. Tout est géré par le logiciel Urqual : l'admission, la prescription, la facturation. Ces données alimentent ensuite le dossier patient de l'établissement. « C'est une révolution des pratiques, témoigne Laurent Renaut, responsable de l'informatique. La façon de travailler est totalement transformée ! » L'information circule plus vite, et surtout elle est toujours disponible : « Aujourd'hui, les médecins peuvent aussi lire des radios grâce à leur CPS ; ils sont sûrs de pouvoir consulter le dossier médical de leur patient à n'importe quel moment. Auparavant, le dossier pouvait s'égarer dans un autre service ».

Autre établissement exemplaire, l'hôpital d'Arras, numérisé depuis 2007. « Nous avons cherché comment mieux faire fonctionner l'hôpital avec les outils informatiques, en mettant la technologie au service du soin le plus efficient », explique le Dr Arnaud Hansske, qui dirige le département d'information médicale. Partout où les soignants en avaient besoin, des équipements ont été prévus : tablettes, PC, photocopieuses scanner reliés au réseau, téléphones IP reliés à l'appel malade, dictée numérique pour les prescriptions, comptes-rendus, admissions... 80 logiciels sont à l'oeuvre sur les 1500 PC de l'hôpital, soit plus d'un ordinateur pour deux soignants. « L'idée était de réduire les intermédiaires qui ralentissent l'information, comme le papier, qui n'est pas partageable. » L'information se trouvant sur le réseau, le nombre d'échanges téléphoniques et le papier ont considérablement diminué.

Autre révolution : désormais, le dossier patient du centre hospitalier d'Arras est ouvert à la médecine de ville, grâce à un extranet sécurisé et plus de cinq cents praticiens peuvent le consulter. L'opération est possible via des connexions sécurisées selon deux niveaux d'authentification : la carte de professionnel de santé (CPS), ou bien un identifiant couplé à un mot de passe.

A Toulouse, la numérisation du CHU sera achevée en 2011. Pour chaque pôle sera d'abord mis en place le dossier patient commun. Dans un second temps suivra l'intégration du dossier de soins et la prescription médicale. « Nous rencontrions d'énormes problèmes avec les nombreuses interfaces, d'où une volonté d'un SIH complètement intégré », justifie Yann Morvezen. C'est l'outil d'Agfa qui a été retenu. « Le dossier patient informatisé (DPI) a vocation à s'ouvrir vers l'extérieur et à intégrer le dossier médical personnel.

Mais c'est peut-être le nouveau Centre hospitalier d'Annecy, inauguré en juillet dernier, qui préfigure le mieux ce que sera dans quelques années l'hôpital du futur : un extraordinaire système de gestion de flux physiques et numériques, associé à de nouveaux et puissants outils robotiques qui vont démultiplier l'efficacité thérapeutique. L'hôpital d'Annecy propose un écran tactile auprès du lit faisant office à la fois d'ordinateur pour le professionnel de santé et de terminal d'agrément multimédia pour le patient. Le réseau est unifié sur IP.

Côté mobilité, le wifi a été banni au profit du Dect. Le nouvel hôpital intercommunal d'Annecy, a pris le parti, pour son implantation à la périphérie de la ville, de cloisonner les activités de ses cinq niveaux. Chacun d'eux a donc été dédié à une fonction précise : hospitalisation, accès public, service, logistique et soins.

Les flux physiques de personnes, de matériels, d'objets, échangés entre ces étages sont séparés. Ils ne se mélangent pas entre eux et ont des ascenseurs dédiés. Ainsi, au niveau 4, « la rue publique », les gens viennent voir des parents hospitalisés. Les visiteurs ne croiseront jamais d'infirmiers en blouse blanche, ni de brancardiers, ni de pousseurs de plateaux repas, ni de chariots de linge sale. Cette séparation physique évite les dysfonctionnements. En parcourant « la rue publique », au 4e niveau, les visiteurs ne croiseront ainsi aucun personnel médical, ni technique. « Notre établissement n'est donc plus une cour des miracles, souligne Serge Bernard, directeur.

Avec 979 lits, l'hôpital est l'établissement de santé le plus important de Haute-Savoie. 2.400 agents hospitaliers y travaillent. L'établissement a été inauguré en juillet 2008. Si les étages sont bien séparés, en revanche, en arrière-plan, l'infrastructure informatique et de communication est totalement intégrée.

En ce qui concerne le téléphone, un IPBX (un OmniPCX Enterprise d'Alcatel-Lucent) central a été installé. Afin de desservir 5000 points, dont 800 postes professionnels et 620 postes patients, on a tiré 330 km de câble et de fibre optique. Côté réseau local, un Vlan (réseau virtuel) a été défini par pôle, « par Business unit, comme dans le secteur privé, décrit le directeur. Plus de trente Vlans ont été définis à ce jour, et à terme, ce sera une quarantaine. Tous les outils sont communs et c'est le progiciel Orbis d'Agfa Healthcare, qui pilote désormais la prise en charge des patients.

L'hôpital a préféré équiper son personnel soignant de 800 téléphones Dect, qui sont en effet capables de gérer jusqu'à 14 types de messages de service (des « reports »). Ces terminaux Dect se contentent d'un réseau de 180 bornes. A comparer aux 500 bornes Wi-Fi installées à Arras, pour un nombre de lits équivalents. Il en résulte qu'à Annecy le terminal des professionnels de santé, donnant accès aux données médicales et au plan de soin des patients, sera toujours raccordé en mode filaire. Et, particularité, ce terminal a été fusionné avec le terminal mis à disposition du patient pour de l'accès internet, entre autres.

Le rejet du Wi-Fi et de tout accessoire circulant de chambre en chambre a amené l'hôpital d'Annecy à adopter un concept inédit de terminal multimédia fixe, au lit du patient, fournissant simultanément au patient l'accès à une large palette de services de confort : téléphone, Web, mail, télévision, vidéo à la demande, livres lus, infos pratiques, conseils de santé.... Et il délivre au personnel soignant un accès à toutes les données médicales de ce patient.

Avec ce terminal, le patient ne peut pas accéder directement aux données de son dossier. Seul son médecin traitant, qui doit insérer son badge d'identification, peut le faire. La carte employée est une carte RFID pour le moment, mais elle est appelée à être remplacée par une carte CPS (Carte de professionnel de santé), qui apportera alors le Single sign-on (authentification unique).

Le médecin peut partager avec le patient les données contenues dans son dossier et dialoguer avec lui. Mais il peut aussi modifier directement ses prescriptions, au lit du patient, au moyen du clavier virtuel à écriture automatique. Ces nouvelles prescriptions sont alors immédiatement transférées à la pharmacie de l'hôpital, chargée de conditionner les médicaments de chaque patient. La tablette mixte est déjà opérationnelle en gériatrie.

Dès à présent, l'hôpital d'Annecy crée avec l'outil Orbis un dossier patient à chaque admission. Celui-ci est consulté aux urgences, s'il s'agit d'un patient déjà documenté. « Nos dossiers satisfont au premier niveau obligatoire du DMP (Dossier médical partagé) pour le contenu et la qualité. Les données appartiennent aux patients, certes, mais ce n'est pas à eux de les gérer, explique Serge Bernard, directeur. Les dossiers s'enrichissent de tout ce qui est fait par l'établissement.

Et afin de pouvoir les compléter de tout document venu de l'extérieur, l'hôpital a déjà remplacé tous ses photocopieurs par des copieurs-scanners. Prochaine étape : l'intégration à mi-2009 des images médicales. Le CH d'Annecy est également le premier en France à s'être doté d'une chaîne logistique médicaments entièrement robotisée de l'italien Sinteco. Cette chaîne conditionne et dispense nominativement quelque 500 produits pharmaceutiques. Avec trois avantages à la clé : tous les médicaments délivrés par la pharmacie de l'hôpital sont systématiquement tracés depuis leur prescription jusqu'à leur délivrance.

Ceux qui n'ont pas été consommés peuvent être ainsi remis dans le circuit, et ne sont donc plus jetés comme auparavant. Toutes les armoires de pharmacie, à l'exception des médicaments d'urgence, ont d'autre part, pu être supprimées dans les services. Les médicaments sont placés en sachets individuels à la pharmacie, avec leur code à barres, leur prescription et l'identité du patient, puis distribués par l'un des trois nouveaux réseaux pneumatiques de l'établissement. Leur gestion s'appuie elle aussi sur le réseau voix-données de l'hôpital. Un système de robots filoguidés Swisslog assure enfin le convoyage du linge et des plateaux repas.

Ne nous y trompons pas : la numérisation des établissements hospitaliers ne constitue pas tant une révolution technologique qu'une révolution médicale et sociale car, lorsqu'elle est bien pensée et réalisée, en associant tous les acteurs, elle replace le patient au coeur du système de soins et permet une médecine à la fois plus efficace, moins onéreuse et plus humaine.

René Trégouët

Sénateur honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

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