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Edito : L'eau et la vie ont probablement existé sur Mars

Cette fois il n'y a plus aucun doute : de l'eau en grande quantité a un jour coulé sur la planète Mars et les conditions de la vie auraient pu y exister. Telles sont les extraordinaires conclusions que les scientifiques tirent des dernières observations et données transmises par le robot américain Opportunity, le 2 mars, et la sonde européenne Mars Express, le 17 mars. "C'est le genre d'endroit qui aurait pu permettre la vie, cela ne prouve pas que la vie y a été présente", a déclaré le responsable scientifique de la mission Mars Exploration Rover, Steve Squyres, après avoir annoncé que "l'eau a un jour coulé entre ces rochers" où est posé le robot Opportunity. En coulant à travers les roches de cette zone, l'eau "a changé leur texture et leur composition, nous avons pu détecter les indices laissés par la présence d'eau et cela nous permet d'en tirer cette conclusion", a poursuivi M. Squyres. Les chercheurs déduisent la présence passée d'eau en grande quantité sur Mars de la composition actuelle des roches, qui contiennent notamment des sulfates, et de la forme de certains rochers contenant des cavités où se sont formés certains cristaux. Le robot a trouvé "une quantité impressionnante de sels" à la fois à la surface d'une roche et à l'intérieur de cette roche, a expliqué Benton Clark, membre de l'équipe scientifique de la mission. "La seule façon pour une telle quantité de sels de se former est de se dissoudre dans l'eau avant que l'eau ne s'évapore", a-t-il ajouté. Les conclusions de la Nasa sont fondées sur l'analyse d'un substrat rocheux exposé, situé à l'intérieur d'un petit cratère, juste à côté du point de chute du robot Opportunity, dans une région appelée Meridiani Planum. Le robot a consacré l'essentiel des trois dernières semaines à analyser cette roche, que les scientifiques ont appelée El Capitan. Les mesures reçues sur Terre montrent une forte concentration de soufre, détectée grâce au spectromètre à rayons-X qui équipe le robot. Or, Le spectromètre d'Opportunity a révélé la présence d'importantes quantités de soufre dans l'affleurement rocheux qu'il a étudié. De nombreux signes laissent penser qu'il se présente sous la forme de sels sulfatés, semblables au sel d'Epsom (sulfate de magnésium). Sur Terre, les roches contenant de telles quantités de sel se sont soit formées dans de l'eau, soit ont baigné de façon prolongée dans un milieu aquatique après leur formation. "La forme chimique de ce soufre paraît être du magnésium, du fer et d'autres sels de sulfate", a précisé Benton Clark, de la firme Lockheed Martin Space Systems à Denver qui participe à la mission. "Des éléments pouvant former du chlorure ou même des sels de bromure ont aussi été détectés", a-t-il ajouté. D'autre part, l'analyse de l'apparence de cette roche fournit trois éléments indiquant la présence passée d'eau, a expliqué le géologue John Grotzinger, du Massachusetts Institute of Technology à Cambridge, près de Boston (nord-est): "des indentations appelées druses, des petites sphères et une stratification oblique". En effet, les images de la caméra panoramique d'Opportunity montrent de nombreux petits trous dans un affleurement rocheux sur lequel ont été effectués de très gros plans. Ces petites cavités ont l'apparence caractéristique des cavités qui se forment dans les roches terrestres plongées dans des eaux saumâtres et où des cristaux de sels minéraux croissent avant de se dissoudre. Par ailleurs, les différentes séries d'images ont révélé la présence de minuscules sphères incrustées dans les roches. Les chercheurs les qualifient de " myrtilles " bien qu'elles ne soient pas bleues mais grises. Ces sphérules ne sont pas concentrées dans des couches géologiques particulières, comme cela devrait être le cas si elles s'étaient formées hors de la roche puis déposées dans une couche sédimentaire donnée. Elles sont au contraire présentes à tous les niveaux. Cela laisse à penser qu'il s'agit en fait de ce que les géologues appellent des " concrétions " qui se sont formées à partir de l'accumulation de minéraux provenant d'une solution aqueuse diffusant à travers des roches poreuses saturées d'eau. L'autre découverte annoncée le 17 mars est européenne : l'eau sous forme de glace existe "en abondance" au pôle sud de Mars, ce qui prouve que les deux pôles sont pourvus d'une calotte glaciaire, selon une analyse des données recueillies par la sonde européenne Mars Express. Le pôle sud de la "planète rouge" est composé de trois zones distinctes, expliquent l'astrophysicien français Jean-Pierre Bibring et ses collègues : au centre, une "calotte claire" de gaz carbonique (CO2) gelé, mélangé à un peu d'eau glacée, entourée d'une zone d'eau glacée pratiquement pure. Et puis, à l'extérieur de cette zone et s'étendant sur des dizaines de kilomètres, une vaste région d'eau glacée "impure", contenant des quantités diverses de poussières. Les scientifiques de la mission Mars Express ont déduit toutes ces constatations sur la composition chimique du pôle grâce à l'examen des quantités de lumière et de chaleurs réfléchies par la région. "Les images ont été prises à la fin de l'été martien, au moment où la calotte de glace est la plus fine, ce qui prouve qu'il y a bien une présence de glace tout au long de l'année", soulignent les chercheurs. Enfin, la troisième et dernière découverte, révélée le 23 mars et baptisée "Opportunity atteint la plage", montre que certains rochers observés ont été formés de la sédimentation de l'eau salée, et n'ont pas seulement "trempé" dans l'eau. La différence est de taille, car elle distingue "l'eau que vous pouvez tirer d'un puits et l'eau dans laquelle vous pouvez nager", a souligné Steve Squyers. "Il y avait un environnement habitable sur Mars." Mais celui-ci ajoute "Je ne m'attends pas à trouver des microbes fossilisés et encore moins des traces de dinosaures", a toutefois ajouté l'expert. Cette preuve de l'existence passée d'une mer salée s'appuie sur des motifs au sein de couches rocheuses fines qui indiquent la présence de grains de sédiments de la taille du sable qui ont fait corps, ont été ridés par de l'eau sur une profondeur d'au moins cinq centimètres, peut-être beaucoup plus, qui coulait à la vitesse de 10 à 50 centimètres par secondes", a expliqué John Grotzinger, du Massachusetts Institute of Technology de Cambridge (Massachusetts). "Ce type de roche est excellent pour préserver les preuves de vie microbienne", a repris Steve Squyres, en précisant cependant que les robots qu'il avait contribué à mettre au point pour cette mission n'étaient "pas équipés pour ce type d'analyse". Ed Weiler, administrateur adjoint de la NASA, a salué « le saut gigantesque » que cette nouvelle découverte apporte à la connaissance du monde martien. Il est important de rappeler au passage que l'instrument à l'origine de ces découvertes et baptisé OMEGA (Observatoire pour la Minéralogie, l'Eau, les Glaces et l'Activité), est un imageur spectral visible et infrarouge, développé et construit en France. OMEGA, l'un des sept instruments embarqués à bord de Mars Express, la sonde de l'ESA en orbite depuis le 25 décembre, est le premier instrument capable d'analyser spectralement la surface et l'atmosphère de Mars avec une résolution spatiale de quelques centaines de mètres. Il analyse la lumière solaire diffusée par Mars, et en couplant l'identification des constituants et leur localisation, il va permettre de dresser des cartes de composition minéralogique et atmosphérique de Mars. Omega doit réaliser une couverture globale de la planète avec une résolution de 1 à 5 km. Ces observations américaines et européennes confirment que Mars a connu un environnement humide de longue durée qui aurait pu être hospitalier à la vie. Mais sur ce point capital il faut rester très prudent : ce n'est pas parce qu'il y a eu un jour sur Mars certaines conditions nécessaires à l'apparition de la vie que ces conditions ont été suffisantes pour permettre ce saut extraordinaire, et encore bien mal compris, de l'inanimé au vivant. Au-delà des effets d'annonce et de la part bien compréhensible d'autosatisfaction de la NASA après une série de difficultés et d'échecs, dont la terrible explosion de la navette Columbia, en février 2003, nous n'avons pas encore pris toute la mesure de cette extraordinaire découverte et de ses innombrables implications scientifiques techniques et politiques. Cette découverte et, d'une manière plus globale, le remarquable déroulement de la mission américaine d'exploration "Mars Rover" effacent les récents revers de la NASA et valide la pertinence de la nouvelle et ambitieuse stratégie de conquête et d'exploration spatiale. Il ne fait à présent plus aucun doute que la planète Mars constitue bien un modèle irremplaçable pour la compréhension de l'apparition et de l'évolution de la vie sur Terre. N'en déplaise aux sceptiques ou à tous ceux qui ne voient dans la conquête spatiale que dépenses et risques inutiles, l'exploration et la conquête de Mars seront au coeur des grands enjeux scientifiques, technologiques et politiques de ce siècle. M'appuyant sur cette conviction, je suis également convaincu que les premiers vols habités vers Mars auront lieu plus tôt qu'on ne l'imagine et qu'avant la moitié de ce siècle l'homme sera sans doute présent de manière permanente sur la planète rouge. En effet, seule une présence humaine durable pourra permettre à l'exploration de Mars de faire un grand bond en avant, une fois que toutes les possibilités d'investigation de la robotique auront été épuisées. Mais avant de connaître ces moments extraordinaires de l'aventure humaine, nous pouvons nous attendre, dans les mois et les années à venir, à d'étonnantes et peut-être fantastiques découvertes sur Mars, notamment dans le domaine de la biologie. Le fait, à présent avéré, qu'une grande quantité d'eau sous forme liquide ait été présente sur Mars renforce en effet considérablement l'hypothèse que la vie ait pu apparaître et se développer, au moins à une certaine époque, sur la planète rouge. Face aux Etats-Unis qui réaffirment leurs ambitions spatiales, et à des pays comme la Chine, le Japon ou l'Inde qui mettent tout en oeuvre pour devenir rapidement de réelles puissances spatiales, la France et L'Europe, s'appuyant sur leurs compétences dans les technologies spatiales, doivent donc redoubler d'efforts pour rester dans cette course technologique qui sera, avec les nanotechnologies et les biotechnologies, un des facteurs décisifs de compétitivité et de puissance économiques de ce nouveau siècle.

René TRÉGOUËT

Sénateur du Rhône

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