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Edito : La France, nouveau moteur démographique de l'Europe

L'événement est historique : le nombre de naissances en France (780.000) a dépassé l'an dernier celui des naissances en Allemagne (778.900). Cela n'était arrivé auparavant qu'une seule fois en quarante ans, en 1973. De ce fait, l'Hexagone devient le pays le plus fécond d'Europe. Les Français font plus de bébés que les Anglais ou les Italiens et même que les Allemands, bien que ceux-ci soient 20 millions de plus. Tranchant avec les années creuses qui ont suivi la récession de 1993, la natalité s'accroît depuis le milieu de la décennie passée. Un pic a été atteint en l'an 2000, selon les données de l'Institut national d'études démographiques (Ined) rendues publiques ces jours derniers, qui confirment les premières informations délivrées par l'INSEE et Eurostat. Les pays proches ne connaissent pas une évolution similaire et vieillissent plus vite. Par ailleurs, le nombre moyen d'enfants par femme (l'indice de fécondité) est également orienté à la hausse. Il atteint 1,89 après 1,79 en 1999, soit un niveau équivalent à celui de l'Irlande, le plus élevé de l'Union européenne. La moyenne des Quinze s'établit quant à elle à 1,63 enfant par femme. Il est encore trop tôt pour savoir si cette reprise de la natalité sera durable mais on peut déjà observer qu'elle se poursuit cette année. Selon des chiffres provisoires, les sept premiers mois de 2001 sont comparables aux sept premiers mois de 2000. Il ne s'agit donc pas d'un pic ponctuel lié au changement de millénaire. Grâce à son dynamisme, la France assure la jeunesse du Vieux Continent. « La croissance naturelle de la population européenne (l'excédent des naissances sur les décès) s'élève à plus de 300.000 personnes, dont 200.000 pour la France », souligne François Héran, directeur de l'INED. C'est du jamais vu. Comparé à ses voisins, le pays semble bel et bien faire figure de cas particulier. En Allemagne, en Italie ou en Suède, « l'accroissement naturel » est négatif. Dans ces pays, seule l'immigration permet de compenser le déclin. « Les naissances sont retardées mais la fécondité est stable », estime Laurent Toulemon, auteur d'une autre étude INED. Si la fécondité ne subit pas de nouvel accident conjoncturel, comme celui provoqué par la crise économique de 1993-1994, la descendance des générations nées à la fin des années 60 va se stabiliser légèrement au-dessus de 2 enfants par femme, sachant que l'âge de la première grossesse est passé de 24 ans à 28 ans en 25 ans entre 1973 et 1998. Depuis 1970, avec 750.000 naissances en moyenne par an (744.000 en 1999, 779.000 en 2000), on constate qu'il n'y a pas de diminution de la taille des familles, malgré ces premières naissances plus tardives. Quatre mères sur 5 ont un second enfant, chiffre stable depuis 1960, même si les naissances sont plus espacées (de 4 à 5 ans). Ces taux indiquent un retour aux niveaux de l'après-baby-boom, à la fin des années 50. Entre 1980 et 1990, on avait assisté à une baisse importante - de 1,95 à 1,78 - avant une chute à 1,66 en 1993 et 1994. Cette tendance avait alors suscité des prévisions catastrophistes, "non confirmées aujourd'hui puisque ce plancher a été suivi d'une hausse modérée mais constante depuis 1995", a souligné François Herrand, directeur de l'INED. Cette particularité française peut en partie s'expliquer par un environnement favorable au travail des femmes mères de famille, sous l'effet conjugué des aides publiques et des structures d'accueil des enfants. Ainsi en Allemagne, où le taux de fécondité n'a été que d'1,36 en 1998 et 1999, les aides existent mais pas les structures d'accueil, note M. Herrand, directeur de l'INED. Il cite aussi le taux très élevé de 40 % de naissances hors mariage dans l'Hexagone : une situation beaucoup moins bien acceptée socialement chez nos voisins, puisqu'il n'y en a que 4% en Grèce, 10 % en Italie et 14 % en Espagne. Dernier élément d'explication à cette vitalité démographique nationale : un rattrapage aurait lieu aujourd'hui après les années de crise. Pour preuve, l'âge de la première maternité est de plus en plus tardif, mais la taille des foyers reste relativement stable sur le long terme (40 % des femmes ont deux enfants). Pour autant, il semble délicat de voir dans ces situations les conséquences d'une disposition particulière de la politique familiale. « Un rapport de 1998 dénombrait 28 mesures favorables à la natalité, rappelle François Héran. Il est donc extrêmement difficile de mesurer l'impact d'une seule d'entre elles. Ce qui ne veut pas dire qu'elles ne sont pas efficaces. » Enfin, si la hausse des naissances est une bonne nouvelle pour les familles, elle en est aussi une pour l'ensemble du pays. Car, de façon prosaïque, elle induit un relèvement de la croissance potentielle. Au-delà des cycles conjoncturels, l'expansion d'une économie à long terme dépend de l'évolution de sa population active et de sa productivité. Or, on sait qu'à partir de 2005, notre population active va cesser d'augmenter et commencer un lent déclin, sous l'effet du départ à la retraite de la génération du baby-boom d'après guerre. Si cette tendance démographique se poursuivait, cette baisse pourrait être inversée à partir de 2030 quand tous ces enfants commenceront à travailler. Une telle perspective pourrait évidemment modifier de manière sensible les prévisions sur l'avenir de nos retraites et de notre système de protection sociale. Au-delà des clivages politiques, il appartient donc à notre collectivité nationale de mettre en oeuvre sur la durée une politique familiale ambitieuse et cohérente qui offre aux femmes le meilleur cadre incitatif pour avoir autant d'enfants qu'elles le souhaitent, tout en poursuivant leur carrière professionnelle. Cette politique familiale, même si son coût est élevé, est un investissement indispensable pour assurer l'avenir de notre pays, sa prospérité et sa place dans l'Europe et dans le monde.

René TRÉGOUËT

Sénateur du Rhône

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