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La forêt amazonienne brésilienne émet à présent plus de carbone qu'elle n'en absorbe…

Cette étude n'a guère trouvé d'écho dans les médias, mais elle confirme le basculement climatique immense qui est en train de se produire au niveau planétaire : selon ces recherches, réalisées par des chercheurs américains, chinois et français, dont Jean-Pierre Wigneron, de l'Inra, et Philippe Ciais, du CNRS, la forêt amazonienne brésilienne rejette à présent davantage de carbone qu'elle n'en absorbe.

Depuis plusieurs années, les scientifiques alarment la communauté internationale sur la baisse de capacité des forêts tropicales à stocker le carbone émis par les activités humaines. Il y a un an, en mai 2020, une étude publiée dans Science (Voir Science) sous la direction du Docteur Martin Sullivan (Université de Manchester), et s'appuyant sur un travail colossal de mesures et d'analyses réalisé pendant trente ans sur plus d'un demi-million d'arbres de dix mille espèces différentes dans 813 forêts tropicales réparties sur vingt-quatre pays à travers le monde, a montré que, dans les années 90, les forêts tropicales intactes ont capté environ 46 milliards de tonnes de dioxyde de carbone de l'atmosphère, mais cette capture est tombée à environ 25 milliards de tonnes dans les années 2010. Alors que les forêts tropicales parvenaient à capter 17 % des émissions de dioxyde de carbone d'origine humaine dans les années 1990, elles n'en captaient plus que  6 % dans les années 2010.

Cette perte d'efficacité des forêts tropicales de la  planète à stocker du carbone aurait entraîné, sur trois décennies, une augmentation de la concentration de CO2 dans l'atmosphère de 21 milliards de tonnes de dioxyde de carbone, soit l'équivalent d'une décennie d'émissions de combustibles fossiles du Royaume-Uni, de l'Allemagne, de la France et du Canada combinés. Le Docteur Sullivan précise que « Chaque degré d'augmentation de la température va libérer 51 milliards de tonnes de CO2 des forêts tropicales dans l'atmosphère, soit plus du double que les émissions mondiales annuelles de CO2 actuelles, qui sont de l'ordre de 33 milliards de tonnes ».

La nouvelle étude publiée le 29 avril 2021 montre, pour sa part, que l'Amazonie brésilienne enregistre, entre 2010 et 2019, des pertes en carbone qui sont environ de 18 % supérieures aux gains. L'étude souligne que « Jusqu'à présent, les forêts, en particulier les forêts tropicales, nous protégeaient en permettant de freiner le réchauffement, mais notre dernier rempart, l'Amazonie, est en train de basculer ».

L'étude révèle également que, contrairement aux idées reçues, ce sont les multiples dégradations, difficilement décelables, de la forêt qui sont les plus dévastatrices : ces innombrables atteintes causées par une surexploitation humaine auraient contribué à 73 % des pertes de carbone, contre 27 % pour la déforestation, pourtant de grande ampleur.

Rappelons en effet, qu'en 2020, plus de 11 000 km² de la plus grande forêt tropicale du monde sont partis en fumée, ce qui représente une hausse de 9,5 % par rapport à 2019, selon les données de l’Institut national de recherche spatiale brésilien (INPE). Depuis 50 ans, la forêt amazonienne a perdu 20 % de sa superficie, soit 792 000 km2, et le Brésil, faute d'une réelle volonté politique dans la durée (à l'exception notable de la période 2004-2014), s'avère incapable d'atteindre l'objectif qu'il s'est lui-même fixé : réduire la déforestation à environ 3900 km², conformément à la loi sur le changement climatique de 2009. L'extension de l'élevage, de la culture industrielle du soja et des filières mafieuses très puissantes d'exportations illégales de bois, agissant souvent en collusion avec les autorités politiques locales, sont les trois causes principales de cette déforestation massive et continue.

Dans la mesure où il est à présent solidement démontré que la destruction des forêts tropicales, qui sont un bien commun de toute l'humanité, non seulement par déforestation mais également par dégradation diffuse et insidieuse, risque d'avoir des conséquences bien plus catastrophiques que prévues sur l'ampleur du dérèglement climatique mondial en cours, la communauté internationale doit utiliser tous les leviers à sa disposition, notamment ceux liés à la conditionnalité écologique des prêts, des aides au développement et des échanges économiques et commerciaux, de manière à ce que les pays qui possèdent les plus grandes forêts tropicales du monde (Brésil, RDC, Indonésie, Colombie, Bolivie, Malaisie, Pérou, Madagascar, Papouasie et Cameroun) s'engagent à adopter une gestion durable de leurs forêts, qui concilie développement économique, préservation de l'environnement et de la biodiversité (porteuse d'un immense potentiel biomédical dont l’ensemble de l’humanité a besoin) et respect des modes de vie des communautés indigènes locales, qui sont malheureusement souvent  les premières victimes de cette destruction criminelle et cupide des forêts tropicales.

Article rédigé par Georges Simmonds pour RT Flash

Nature Climate Change

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