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Des cordes de guitare à l'échelle nanométrique

Serrer une corde, comme lorsque l’on accorde une guitare, la fait vibrer plus rapidement. Mais lorsque les cordes sont de taille nanométrique, la tension accrue diminue également ou "dilue" la perte des modes vibratoires de la corde. Connu sous le nom de "dilution de dissipation", cet effet a été utilisé pour mettre au point des dispositifs mécaniques pour les technologies quantiques, où des nanocordes fabriquées et tendues, d’une épaisseur de seulement quelques dizaines de couches atomiques, vibrent plus de dix milliards de fois après avoir été pincées une seule fois. L’équivalent sur une guitare serait un accord entendu pendant environ un an après avoir pincé la corde.

Dirigés par le professeur Tobias J. Kippenberg, des chercheuses et chercheurs de l’EPFL ont aujourd’hui fait une simple observation sur les oscillateurs à cristaux, omniprésents dans les dispositifs électroniques et connus pour leur très faible perte d’énergie mécanique à basse température. Ils ont démontré que, si un matériau cristallin était étiré sous haute tension en ayant une épaisseur nanométrique et conservait son ordre atomique, il serait un bon candidat pour la fabrication de cordes à vibrations acoustiques durables. « Nous avons choisi des films de silicium déformés car cette technologie est bien établie dans l’industrie électronique, où ils servent à améliorer les performances des transistors », relate Nils Engelsen, l’un des auteurs du document. « Les films de silicium déformés sont donc disponibles dans le commerce à des épaisseurs très faibles d’environ 10 nanomètres ».

Les rapports de forme extrêmes des nanocordes représentent un défi majeur. Dans ce document, les dispositifs nanomécaniques ont une épaisseur de 12 nanomètres et une longueur pouvant aller jusqu’à 6 millimètres. Si une telle nanocorde était fabriquée à la verticale, avec un diamètre de base égal à celui de la tour Burj Khalifa, son extrémité dépasserait l’orbite terrestre moyenne, où les satellites GPS tournent autour de la Terre. « Ces structures deviennent fragiles et sensibles aux très faibles perturbations pendant les dernières étapes de leur microfabrication », explique Alberto Beccari, doctorant au laboratoire de Tobias J. Kippenberg et principal auteur du document. « Nous avons dû complètement revoir notre protocole de fabrication pour pouvoir les suspendre sans effondrement catastrophique ».

Les nanocordes de silicium déformées sont particulièrement intéressantes pour les expériences de mécanique quantique. Leur faible taux de dissipation assure une excellente isolation contre les perturbations environnementales, ce qui permet la création d’états quantiques de pureté élevée. « En physique fondamentale, c’est un travail de longue haleine d’étudier et d’étendre les échelles de taille et de masse des objets qui présentent un comportement quantique-mécanique, avant que les “coups” et les fluctuations aléatoires toujours plus nombreux de l’environnement chaud et bruyant les contraignent à se comporter selon les lois de la mécanique de Newton », déclare Alberto Beccari. « Des effets quantiques-mécaniques ont déjà été observés avec des résonateurs mécaniques de taille et de masse identiques, à des températures proches du zéro absolu. Ces nanocordes pourraient aussi être utilisées comme capteurs de force de précision, soumis à toutes sortes d’interactions, par exemple à la minuscule pression de radiation des faisceaux lumineux, aux faibles interactions avec les particules de matière sombre et aux champs magnétiques produits par des particules subatomiques ».

Article rédigé par Georges Simmonds pour RT Flash

EPFL

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