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Edito : La connaissance du génome est plus que jamais le nouvel horizon de la médecine

La découverte des « variations génétiques chez l'homme » représente l'avancée scientifique de l'année selon la célèbre revue Science. Il est vrai qu'après le décryptage et la cartographie complète du génome humain, l'amélioration des techniques de séquençage a permis d'évaluer la variation des génomes de plusieurs individus sur des échelles allant de un à un millions de bases.

En 2007, de nombreuses recherches ont porté sur des études comparatives du génome entier : les chercheurs ont comparé les ADN de milliers d'individus malades et sains afin d'identifier les variants génétiques légers associés à un risque plus élevé d'avoir la maladie étudiée.

Ces études ont permis cette année aux chercheurs de trouver plusieurs gènes liés au diabète de type 2 et apporté des éclairages sur plusieurs maladies dont les maladies auto-immunes, le trouble bipolaire, le cancer du sein, le cancer colorectal, les diabètes de type 1 et 2, les maladies du coeur, l'hypertension, la sclérose en plaques et la polyarthrite rhumatoïde.

Sur un nombre d'emplacements variables sur le génome estimé à 15 millions, plus de trois millions de ces zones, baptisées polymorphismes de nucléotide simple (SNP), ont été identifiées. Les SNP peuvent se retrouver au sein de régions codantes de gènes (exon), de régions non-codantes de gènes (intron), ou de régions intergéniques, entre les gènes.

Dans le cas où les SNP se retrouvent au sein des régions codantes, celles-ci ne vont pas obligatoirement modifier la séquence d'acide aminé de la protéine produite du fait de la redondance du code génétique. Les chercheurs sont maintenant capables de comparer la distribution des SNP en réalisant l'examen de 500 000 SNP à la fois sur des milliers de personnes simultanément, ce qui ouvre la voie à une connaissance individuelle du génome.

Grâce aux progrès constants des puces à ADN, tant en terme de puissance que de baisse des coûts, Il est à présent certain que d'ici à une dizaine d'années il sera possible pour chacun de faire séquencer son génome et ses spécificités. Il deviendra alors possible de manière fiable et peu onéreuse d'évaluer les risques de survenue d'un grand nombre de maladies pour un individu donné et de lui proposer une prévention et des traitements personnalisés beaucoup plus efficaces et mieux tolérés.

Les techniques observation de l'ADN font elles-mêmes des pas de géant et des travaux français du Laboratoire "Interactions Moléculaires et Cancer" (Institut Gustave Roussy/CNRS/Université Paris Sud) et du Laboratoire "Structure et Activité des Biomolécules Normales et Pathologiques" (Inserm/Genopole) viennent d'ouvrir la possibilité d'observer les molécules d'ADN en 3D, par microscopie de force atomique (AFM), dans des situations proches de leur fonctionnement réel, notamment en interaction avec les protéines.

Mais la connaissance de plus en plus intime du génome et de ses mécanismes est déjà en train de produire des retombées thérapeutiques concrètes et prometteuses. C'est ainsi que la première étape d'une thérapie génique pour traiter la myopathie de Duchenne, actuellement incurable, vient d'être validée par un essai dit de phase 1. Elle est menée par la société de biotechnologie Prosensa et le centre médical de l'université néerlandaise de Leyde.

La myopathie de Duchenne résulte d'une mutation d'un gène qui code normalement la production d'une protéine appelée dystrophine, indispensable à l'intégrité des cellules musculaires.

Cette mutation empêche ou diminue la synthèse de la protéine. La mutation génétique en cause affecte une portion codante de l'ADN, appelée exon. L'exon muté se retrouve dans l'ARN, support génétique de la synthèse des protéines, modelé sur l'ADN. Gert-Jan van Ommen et ses collègues de l'université de Leyde ont eu recours au "saut d'exon" : cette technique fait appel à des morceaux d'ADN synthétisés en laboratoire, les "oligonucléides antisens", qui se collent comme du ruban adhésif à l'ARN, au niveau de la mutation. L'exon défectueux est alors court-circuité.

L'essai a porté sur quatre enfants de 10 à 13 ans, atteints de la myopathie de Duchenne et ne présentant aucun signe de production de dystrophine. Les chercheurs leur ont injecté par voie intramusculaire, dans la jambe, un composé synthétique antisens. Un prélèvement de cellules musculaires a été effectué 28 jours après cette injection. Des fibres musculaires porteuses de dystrophine ont été retrouvées dans les différents prélèvements effectués, ce qui démontre la validité de cette approche thérapeutique.

Tous ces travaux et ces découvertes montrent qu'il sera possible, plus rapidement qu'on ne l'imagine, d'intervenir directement sur notre génome pour y corriger, de manière personnalisée, une anomalie génétique particulière en utilisant conjointement plusieurs techniques très prometteuses comme le saut d'exon ou les ARN interférents. Cettte médecine génétique individualisée et prédictive s'affirme donc bien comme l'une des grandes révolutions scientifiques et médicales de ce siècle.

René Trégouët

Sénateur honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

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