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Le cerveau, machine à produire une "mémoire du futur"

Joindre le geste à la parole, voire à la conscience, n'est pas une affaire triviale. L'étude cosignée par Angela Sirigu, de l'Institut des sciences cognitives de Lyon, et une équipe internationale dans la revue Nature Neuroscience de janvier met ainsi en lumière le rôle du cortex pariétal dans la réalisation des mouvements volontaires. On ne peut imaginer expérience plus simple : appuyer sur un bouton. Il était demandé à des sujets sains et à des patients souffrant, les uns, de lésions du cervelet et, les autres, du cortex pariétal d'indiquer le moment précis où ils décidaient, quand ils le souhaitaient, d'enfoncer ledit bouton. L'aiguille d'une horloge leur permettait de repérer dans le temps cette expérience subjective qu'un électroencéphalogramme et une mesure électromusculaire du doigt permettaient d'objectiver. Les sujets sains et les patients dont le cervelet était atteint pouvaient indiquer le moment précis où ils décidaient de pousser le bouton - environ 350 millisecondes avant d'enclencher le mouvement. En revanche, les patients dont le cortex pariétal était affecté ne pouvaient séparer l'intention de pousser et le mouvement effectif. Ils pouvaient repérer précisément le mouvement dans le temps, mais n'étaient pas conscients d'avoir bougé tant que la manoeuvre n'était pas accomplie. Ces observations suggèrent que le cortex pariétal est impliqué dans le mouvement volontaire. Son rôle serait de produire des modèles internes du mouvement à effectuer, en amont des cortex prémoteur et moteur. D'autres études appuient cette hypothèse. Les patients dont le cortex pariétal gauche est lésé souffrent ainsi d'apraxie. "Ils ne sont pas paralysés, mais ne savent pas utiliser les objets, comme un crayon ou des ciseaux, dont ils décrivent pourtant parfaitement la fonction", indique Angela Sirigu. Confrontés à des illusions visuelles similaires à celles mises en oeuvre dans la réhabilitation des douleurs fantômes, les patients "pariétaux" sont généralement incapables de dire si le mouvement qu'ils voient est effectué par leur membre ou par celui d'autrui. Si l'expérience déroute aussi les sujets normaux, ils restent capables d'effectuer cette distinction. Tout se passe donc comme si le cortex pariétal était à la source consciente du mouvement volontaire. Il ne serait qu'un module cérébral parmi d'autres qui permettent d'anticiper l'action, de la corriger en fonction du modèle qui l'a activée. Ces corrections restent, la plupart du temps, inconscientes, pilotées, dans ce cas, par le cervelet. Mais elles peuvent aussi être conscientes, lorsque le cortex pariétal entre en jeu. A plus long terme, et pour des choix ayant une implication sociale, c'est le cortex préfrontal qui semble jouer un rôle critique, comme lemontrent les études de patients préfrontaux, souvent asociaux, étudiés par exemple par l'équipe d'Antonio Damasio. "Lecerveau simule des actions en permanence, confirme Marc Jeannerod, fondateur de l'Institut des sciences cognitives de Lyon. Ce que le neurobiologiste David Ingvar a joliment nommé la "mémoire du futur" est une théorie qui revient en force." Et pourrait donner un socle conceptuel à l'entraînement mental des sportifs et des musiciens, à la rééducation par l'imagerie motrice pratiquée çà et là. Ou à la possibilité pour les paraplégiques de bouger des objets sur écran ou de réaliser des mouvements par l'intermédiaire de machines ou de robots.

Le Monde :

http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3244,36-348172,0.html

Nature Neuroscience :

http://www.nature.com/cgi-taf/DynaPage.taf?file=/neuro/journal/v7/n1/abs/nn1160.html

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