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Edito : La télémédecine et la télésanté vont transformer notre société

Plusieurs interventions entendues lors de la quatrième édition de Biovision, forum mondial des Sciences de la Vie qui vient de se tenir à Lyon, mettent en évidence que la télémédecine est en train de bouleverser notre société. A Témiscamingue, région isolée au nord du Québec, la télémédecine n'est plus réservée aux spécialistes traitant des cas exceptionnels. Elle permet à des médecins de famille de soigner les petits bobos ! Dans une salle du Centre de santé de Winneway, dans l'est du Témiscamingue, les patients se succèdent pour des téléconsultations. De La salle de transmission, la caméra envoie l'image à quelque 150 km de là, à Ville-Marie, où le Dr Paul-Émile Barbeau la reçoit, en temps réel. Afin d'examiner un abcès découvert par un dentiste, le Dr Barbeau demande à l'infirmière d'introduire dans la gorge d'un patient une petite caméra mince comme un crayon. Reliée par un fil à la station d'examen mobile, elle permet au médecin de tout voir, comme s'il y était. Grâce à ce système de télémédecine, les malades à non plus besoin d'effectuer les trois heures de route aller-retour pour se rendre aux urgences de Ville-Marie.

Plus de 170 patients de Winneway ont ainsi participé depuis un an à une innovation en Amérique du Nord : des soins de première ligne donnés à distance. Dans cette télémédecine nouveau genre, le médecin, qui se trouve à des kilomètres du patient, ne transmet pas ses consignes à un autre médecin. Il utilise les «mains» d'une infirmière et les «yeux» d'appareils de pointe : otoscope (oreilles), ophtalmoscope (yeux), stéthoscope (coeur), électrocardiogramme (fonction cardiaque), spiromètre (poumons). Un mini-analyseur permet d'obtenir une formule sanguine complète et le taux de glycémie.

L'originalité de cette télémédecine québécoise réside dans son utilisation pour la médecine générale ordinaire. Grâce à cette téléconsultation, le Centre de santé est en mesure de mieux soigner 14 000 personnes réparties sur un immense territoire de 19 000 km2.

Plus près de nous, une autre expérience très innovante de télémédecine vient de débuter à Lyon (voir @RTFlash 325 du 25-02-05). En effet, l'entreprise TMT Télémédecine Web Medical Center vient d'ouvrir le premier véritable centre d'assistance au diagnostic à distance qui permettra aux généralistes d'obtenir l'avis précis de médecins spécialistes, via un réseau privé et hautement sécurisé. Déjà en phase pilote à la Clinique de la Sauvegarde de Lyon, le système permet un gain de temps considérable dans le cycle des consultations, en réduisant le nombre d'allers-retours entre le médecin généraliste et le spécialiste.

Le système de TMT Télémédecine Web Médical permet aux médecins généralistes de réaliser des examens à partir d'appareils de mesure communicants et de transmettre les résultats, ainsi qu'un premier diagnostic, à des médecins spécialistes qui très rapidement, peuvent valider ou réorienter l'avis du généraliste. Les appareils, regroupés dans une mallette - véritable centre médical mobile, permettent les analyses suivantes : analyse de sang, rythme cardiaque, tension artérielle, taux de glucose, troubles pulmonaires, saturation du sang en oxygène, mesure du pouls ou du poids.

Le système permet ainsi de soulager le SAMU qui ne sera joint qu'en cas de véritable urgence. Pour le patient, l'intérêt est de ne plus avoir à prendre de rendez-vous chez un médecin spécialiste, s'évitant ainsi des procédures parfois longues et compliquées. Le déploiement de cette solution ouvre des perspectives jusqu'ici inconnues dans l'optimisation du cycle de soins pour le milieu médical, dans la réduction du nombre de visites pour les patients, dans la réduction du coût global des soins, et dans le confort des malades, car la durée de l'"alerte psychologique" sera réduite au minimum.

Chez nos voisins italiens, Alcatel a annoncé début mars qu'il allait fournir au centre de services médicaux « Montedomini et San Silvestro » une solution innovante de communications permettant la télé-assistance médicale et le monitoring de patients âgés ou de personnes handicapées de l'agglomération de Florence en Italie.

Depuis 1992, les opérateurs du centre de services assistent en moyenne 400 personnes par an en les contactant régulièrement par téléphone. La nouvelle solution permettra une meilleure interaction entre les patients et les opérateurs grâce à la vidéo téléphonie sur le réseau ADSL. Les familles et les spécialistes équipés d'un PC multimédia pourront également se joindre aux communications. Cette solution aura pour résultats une meilleure assistance, ainsi qu'une réduction des coûts d'intervention à domicile et d'hospitalisation. Jusqu'à 2500 patients pourront ainsi être pris en charge.

Cette solution comprend l'installation chez le patient d'un boîtier de réception (set top box). Connecté à un récepteur TV et à une webcam, le boîtier permet l'établissement de communications par vidéo téléphonie par le patient. Ce boîtier sera raccordé aux appareillages médicaux de monitoring des paramètres vitaux - rythme cardiaque, respiration, température corporelle. Des capteurs seront utilisés pour détecter des conditions inhabituelles ou critiques de l'environnement domestique. Le boîtier collectera ainsi différents signaux qui seront transmis par ADSL au centre d'appels où les opérateurs pourront assister les patients.

La solution comprend également le centre de vidéo téléphonie de Genesys, filiale d'Alcatel, qui associe les fonctions classiques d'un centre d'appels à la gestion des communications par vidéo téléphonie. En cas d'urgence, les patients pourront appeler le centre d'appels et fournir les informations utiles à l'évaluation de leur état - une possibilité qui n'existait pas auparavant. "Ce système innovant solution offre d'énormes avantages pour les personnes âgées ou invalides en leur facilitant la vie de tous les jours tout en préservant des liens sociaux qui évitent leur isolement", déclare Fabio Focardi, directeur du centre de services médicaux Montedomini et San Silvestro. "Les patients se sentiront plus à l'aise et en plus grande sécurité car ils recevront l'aide dont ils ont besoin sans sortir de chez eux."

Alcatel vient également de présenter l'AGPS, ou GPA Assisté qui devrait être disponible d'ici quelques mois en France. Avec l'AGPS équipements et téléphones de différents constructeurs seront inter opérables. L'idée est simple : intégrer une puce AGPS au sein d'un téléphone GPRS ou UMTS, de manière à faire baisser sensiblement les coûts d'équipement et donc favoriser l'essor de la navigation pour le grand public. » Le GPS assisté combine le meilleur de deux techniques complémentaires de localisation, celle des réseaux mobiles (Cell ID, EOTD...) et le GPS américain (qui repose sur les signaux émis par un ensemble de satellites).

L'AGPS devrait enfin permettre à la géolocalisation de devenir un véritable marché de masse alors que, jusqu'à présent, les services de géolocalisation sont peu répandus, soit du fait de technologies peu adaptées (les réseaux mobiles), soit du fait des coûts (achats de terminaux dédiés ou de PDA intégrant une puce GPS). L'AGPS devrait rapidement devenir l'auxiliaire indispensable des services d'assistance et d'urgence médicales et devrait également permettre une télésurveillance médicale très efficace à partir du mobile, ou même de vêtements communicants, des personnes à risques.

La chirurgie est également en train de connaître une extraordinaire révolution grâce à la chirurgie assistée par ordinateur, à l'arrivée des robots chirurgicaux, et surtout à l'essor de la téléchirurgie. Dans une remarquable conférence donnée à l'occasion des 10 ans de l'IRCAD, le Professeur Marescaux, pionnier de la télémédecine (il a réalisé le 7 septembre 2001 la première téléintervention chirurgicale entre la France et les USA) se dit persuadé que la généralisation de l'Internet à très haut débit va permettre un développement rapide de la téléchirurgie et de la chirurgie collaborative qui permet à plusieurs praticiens de joindre à distance leurs compétences dans une intervention chirurgicale.

La télésanté, qui englobe la télémédecine, la télé-assistance et la téléchirurgie, va se développer d'autant plus rapidement qu'elle bénéficie à la fois des progrès intervenus dans les technologies d'information et des avancées des sciences de la vie. Par exemple, en matière de diagnostic, la salive est en train de devenir un nouveau moyen rapide et fiable de détection de nombreuses affections.

Des chercheurs américains sont en train de mettre au point un dispositif simplifié d'analyse biologique à partir de la salive pas plus grand qu'une carte de crédit, et permettant de donner des résultats en moins d'une heure. Demain, une simple analyse de salive permettra en quelques instants de diagnostiquer une multitude de maladies d'origine virale bactérienne ou génétique.

La firme japonaise Toray Industries vient pour sa part de mettre au point une puce électronique permettant la détection de différentes maladies (dont des cancers) par analyse d'une goutte de sang, en 30 minutes. La puce de Toray a la taille d'une demi-carte de crédit. Posée dessus, la goutte de sang se déverse dans des sortes de canaux lorsqu'on applique un courant électrique, permettant ainsi en bout de course d'isoler les protéines, a expliqué un chercheur de Toray, Masahi Higasa. Grâce à l'analyse de ces protéines, il est possible de détecter en une demi-heure plusieurs dizaines de maladie, dont, assure Toray, des cancers à un stade précoce.

Avec ces nouveaux outils extrêmement puissants et miniaturisés qui vont permettre de diagnostiquer très rapidement un nombre croissant de maladies, la médecine et la santé vont voir leur organisation et leur fonctionnement bouleversés. Jusqu'à présent c'est le malade qui devait aller voir le médecin et se rendre à l'hôpital pour y pratiquer des analyses et recevoir des soins appropriés. Mais avec le développement rapide de ces nouvelles technologies médicales, télésurveillance, téléconsultation, téléchirurgie, télédiagnostic, ce sont les compétences et les capacités d'intervention médicales qui vont aller vers les malades et les personnes âgées, ce qui devrait améliorer considérablement leur qualité de vie et permettre une médecine personnalisée à la fois plus efficace, plus confortable par le malade et moins coûteuse pour la collectivité.

Le Professeur Marescaux, pionnier de la télémédecine souligne souvent dans ses conférences que la connaissance médicale est multipliée par 2 tous les 7 ans et que, sur un milliard de personnes qui disposent d'un accès à l'internet, la moitié va sur le Web essentiellement pour rechercher des informations médicales, ce qui fait de la médecine et de la santé le premier objet de recherche et d'intérêt, et de très loin, sur le Net.

D'ici 10 ans, avec l'arrivée des réseaux à très haut débit et des systèmes des microsystèmes de surveillance, d'analyse et de diagnostic à distance qui pourront être intégrés dans tout notre environnement (maison, mobile, vêtement), la télémédecine et la télésanté vont devenir les moteurs d'une véritable révolution socioculturelle en modifiant radicalement les perspectives liées à l'allongement de la durée de vie et en donnant à nos anciens une qualité de vie que nous pouvons à peine à imaginer aujourd'hui. Mais nous devons faire en sorte que cette rupture technologique, sociale et culturelle soit aussi l'occasion de ré-humaniser la médecine et la vieillesse pour que cette révolution prenne alors tout son sens.

René Trégouët

Sénateur honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

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