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Edito : Meilleurs voeux pour l'An 2000

Chère lectrice, Cher lecteur,

Je vous fais parvenir aujourd'hui, dernier jour du XXe siècle, un numéro spécial d'@RT Flash. Il est deux fois plus épais que d'habitude. En effet, à notre maintenant coutumière cyber-revue hebdomadaire, j'ai tenu à ajouter un numéro spécial du millénaire qui, en plus de l'éditorial et de brèves traitant du long terme, est surtout marqué par la photographie que moi-même et ma petite équipe avons, modestement, essayé de réaliser pour vous permettre de voir en un seul coup d'oeil le millénaire de conquête scientifique qui se termine. Quand en mai 1998, j'ai décidé de lancer @RT Flash, c'était essentiellement pour répondre aux suggestions qui m'avaient été faites par plusieurs lecteurs de mon ouvrage “ Des Pyramides du Pouvoir aux réseaux de Savoirs ”. Je ne me doutais pas, alors, qu'en cette fin de 1999, alors que nous n'en sommes encore qu'au numéro 78, vous seriez déjà plusieurs milliers à recevoir chaque semaine cette Lettre (ce qui en lecteurs représente, paraît-il, un nombre bien plus grand encore). Cette progression ne semble pas s'essouffler puisque, régulièrement, vous êtes encore plusieurs dizaines et même parfois plusieurs centaines d'internautes à vous abonner, gratuitement, chaque semaine, à notre Lettre. Ceci est pour nous un précieux réconfort et un encouragement à toujours aller plus loin. Je dis bien “ nous ” car, s'il est vrai qu'@RT Flash réquisitionne désormais deux heures chaque jour (pour être exact, je devrais dire chaque nuit !) dans mon emploi du temps personnel, il ne me serait pas possible de vous faire parvenir chaque semaine cette somme de travail si mes quatre collaborateurs et collaboratrices, Brigitte, Mark, Monique et Olivier, tous assistants parlementaires, ne savaient pas, parmi les autres et nombreuses missions qui leur sont confiées, trouver le temps pour surveiller tous les sites mondiaux où la connaissance montre le “ bout de son nez ”, pour attirer mon attention sur tout ce qui leur semble le plus intéressant et pour mettre en forme les brèves qui, toutes les semaines, vous sont adressées. Les messages que nous recevons chaque semaine de nombreux lecteurs sont pour chacun d'entre nous autant de sources nouvelles d'énergie qui alimente notre volonté. Je vous présente, Chère lectrice, Cher lecteur d'@RT Flash, mes voeux les meilleurs et les plus sincères pour l'an 2000. Si vous le voulez, nous ferons encore beaucoup de chemin ensemble.Bien cordialement.

René TREGOUET

2{Editorial : Un siècle de conquête scientifique2}

Il y a presque 100 ans, en décembre 1900, le grand physicien allemand Max Planck exposait devant l'Académie de Berlin sa théorie des quanta qui allait bouleverser de fond en comble le bel édifice de la physique classique qu'on avait cru achevé à la fin du XIXème siècle. Einstein, De Broglie, Schrödinger, Paul Dirac et Heinsenberg s'engouffrèrent dans la brèche ouverte par Planck et en un quart de siècle ils construisirent la mécanique quantique qui constitue l'une des plus grandes révolutions conceptuelles de ce deuxième millénaire. En même temps qu'il participait à cette aventure collective, Einstein élaborait seul un nouveau cadre théorique en macro-physique avec sa théorie de la relativité restreinte (1905) puis générale (1916) qui devait unir dans un nouveau cadre théorique d'une rare élégance matière, énergie, espace et temps. Ainsi, notre premier demi-siècle vit se dérouler deux extraordinaires révolutions scientifiques qui vinrent bouleverser notre représentation du monde, la mécanique quantique, formalisée en 1927 à l'occasion du célèbre Congrès Solvay et la relativité générale. Au cours de la 2ème moitié de notre siècle, trois autres révolutions à fortes conséquences technologiques devaient également bouleverser nos connaissances et transformer radicalement nos économies et notre vie quotidienne. La première révolution eut lieu en 1948 avec l'invention d'un nouveau composant électronique par les Laboratoires Bell, le transistor, qui allait changer la face du monde en permettant la construction d'ordinateurs toujours plus puissants, plus petits et moins chers. Pratiquement au même moment, et ce n'est pas un hasard, un jeune et brillant mathématicien américain de 30 ans, Claude Shannon, publia sa "théorie mathématique de l'information". La première révolution informatique pouvait commencer. Ces innovations majeures furent complétées par l'avènement du circuit intégré en 1958, puis du microprocesseur en 1971, qui permit l'essor fantastique de la micro-informatique. En 30 ans, le nombre de transistors contenus dans une "puce" a été multiplié par 10000, passant de 2000 à 20 millions et la puissance des microprocesseurs, conformément à la loi empirique que Gordon Moore a édictée en 1965, continue de doubler tous les deux ans, ce qui nous permet aujourd'hui de disposer dans notre PC d'une puissance de calcul supérieure à celle de la NASA en 1969 lorsqu'elle envoya le premier homme sur la Lune. En cette fin de siècle, tout indique que cette course vers l'infiniment petit va se poursuivre pour atteindre le niveau atomique. Richard Feynman avait raison lorsqu'il écrivit en 1959 son article célèbre prévoyant cette extraordinaire exploration du nanomonde, intitulé "Il y a plein de place en bas". La deuxième révolution de ce demi-siècle commença en 1953 lorsque deux jeunes chercheurs anglais, Watson et Crick, découvrirent la structure en double hélice de l'ADN, molécule qui constitue nos gènes. Mais après avoir élucidé ce grand mystère du vivant, il restait à cartographier et à décoder l'ensemble du génome humain, une tâche immense que beaucoup de chercheurs n'imaginaient pas réalisable avant le milieu du XXIème siècle. C'était sans compter sur les immenses progrès de l'électronique et de l'informatique qui vont permettre d'achever ce travail de titan dans les premières années du prochain siècle. N'est-il pas symbolique qu'en cette fin d'année 1999, les chercheurs annoncent la première cartographie complète d'un chromosome humain ! Cette connaissance totale du génome humain aura des conséquences extraordinaires en matière de prévention et de traitements de l'ensemble des maladies, et permettra également de retarder considérablement les effets du vieillissement, ce qui entraînera de profonds bouleversements dans nos sociétés. Enfin, la troisième et dernière révolution de ce demi-siècle commença en 1992, lorsqu'un jeune étudiant au CERN de Genève, Tim Berners-Lee, mit au point un nouveau protocole de communication qui permettait l'échange normalisé de documents entre ordinateurs. Le Web était né et sept ans après, il compte 200 millions d'utilisateurs dans le monde et il est devenu l'un des principaux moteurs de la croissance et de l'économie mondiale. On le voit, si un siècle mérite l'appellation de siècle de la science, c'est bien notre XXème siècle finissant. Mais alors que notre civilisation chrétienne va entrer dans son troisième millénaire, une des leçons essentielles que nous devons conserver du siècle que nous quittons doit nous conduire à l'humilité. En effet, depuis plus de 70 ans, la Théorie du Tout qui nous permettrait de “connaître la pensée de Dieu ” comme l'a si joliment dit le cosmologiste Stephen Hawking, se dérobe à chaque fois que nos savants ont l'impression de s'en approcher. Einstein a passé toute la fin de sa vie à chercher, en vain, cette mythique théorie. Il avait bien su imager la dimension du problème à résoudre en disant : “ la nature ne nous montre que la queue du lion. Mais il ne fait aucun doute pour moi que le lion à qui elle appartient est au bout ”. Pour Einstein, cette queue du lion est l'Univers tel que nous le percevons et le lion dans sa majesté ne serait-il pas un “Multivers ” que les êtres humains n'ont pas encore réussi à imaginer ? Pour le présent, en ce 20ème siècle qui finit, la queue du lion a pris la forme de deux théories, la théorie quantique (qui décrit les forces électromagnétique, faible et forte) et la relativité générale (qui décrit la gravitation). Or, pourquoi le cacher, l'un des grands problèmes de ce siècle aura été la guerre froide qui s'est développée entre la relativité générale et la théorie quantique et, malgré les efforts des cosmologistes avec la théorie des supercordes en dix dimensions, aucune équation élégante, simple et cohérente n'a pu expliquer notre Univers de l'extrêmement petit à l'extrêmement grand dans une approche unique et ultime. Il serait pourtant difficile de croire qu'au niveau le plus fondamental, la Nature (ou Dieu) ait pu créer un Univers où la main gauche aurait ignoré ce que faisait la main droite. Ainsi, à l'encontre de ce que disait dernièrement un scientifique qui occupe par ailleurs de hautes fonctions politiques et qui affirmait qu'il n'y a plus de futur pour la Physique, je souhaite pour notre planète et pour l'avenir de l'Homme que la connaissance fondamentale fasse au 21ème siècle les mêmes pas de géant que ceux réalisés pendant la première partie du 20ème. C'est bien là où il nous faut revenir sur cette leçon d'humilité que nous livre le siècle qui se termine. Ne confondons pas l'évolution de la connaissance fondamentale et le développement foudroyant des technologies auquel nous assistons actuellement. Comme je le disais plus haut, nous résolvons les équations dix mille fois plus rapidement qu'il y a 30 ans et, dans quelques années, ce facteur d'accélération atteindra même les 100.000, avant de grimper, sans pause, vers d'autres sommets. Mais les équations fondamentales essentielles résolues par nos machines restent les mêmes depuis bientôt un siècle. Ne nous laissons pas leurrer par le “tintamarre technologique ” de cette fin de siècle : même si nous mettions en “massivement parallèles” tous les ordinateurs du monde, le niveau d'intelligence et d'imagination atteint par cet extraordinaire outil de calcul serait ridiculement faible par rapport au “génie ” qui hantait les cerveaux de Einstein, Max Planck, Werner Heisenberg, ou hante toujours celui de Stephen Hawking. Ne confondons pas logique et mémoire avec intelligence et imagination. Les premières qui, par principe, définissent les domaines de la machine, sont marquées par leurs propres limites alors que les secondes qui définissent la spécificité de l'Homme n'ont pas de limite. Oui, l'avenir de l'Homme se trouve bien dans sa propre intelligence et dans son imagination sans borne et non pas dans le coeur d'un microprocesseur, aussi grande puisse être sa puissance de calcul. C'est donc par un véritable “hymne à l'Homme” que je voudrais que se termine ce siècle. Comme l'a si bien dit un grand personnage, le Général de Gaulle qui, de sa haute stature, a su, lui aussi, dominer ce siècle : “ il n'y a qu'une chose qui vaille : c'est l'Homme ”.

René TREGOUET

Sénateur du Rhône

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