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Edito : France Télécom et l'UMTS : L'heure de vérité

Le Gouvernement Français devrait annuler l'ensemble des procédures de vente des licences UMTS et devrait, immédiatement, rembourser les sommes déjà perçues par le Trésor Public, au titre de ces attributions. Le Gouvernent actuel de la France peut tout à fait, avec l'accord du Parlement, revenir sur la démarche aberrante d'attribution des fréquences UMTS, décidée par le précédent Gouvernement, en plein euphorie, créée par la bulle Internet. L'ensemble des gouvernements européens, dont la France, ont vendu, pour un prix scandaleux (134 Milliards d'Euros soit 880 milliards de Francs), des fréquences pour le déploiement, sur l'ensemble de l'Europe, d'une technologie qui n'a pas encore montré sa fiabilité, son réel équilibre économique, et surtout, son acceptation par les clients éventuels. Le Gouvernement Français s'honorerait à ne percevoir, dans ce domaine particulièrement aléatoire des nouvelles technologies, des redevances et taxes diverses que sur des chiffres d'Affaires réellement réalisés et non sur les promesses trop souvent non vérifiées depuis quelques années, faites par les fabricants de matériels pour vendre les nouvelles générations de mobiles. En demandant une redevance marginale de Chiffre d'Affaires réellement réalisé grâce à l'utilisation d'une ou plusieurs fréquences (et non par une technologie donnée...), les Gouvernements Européens se trouveraient aujourd'hui dans une situation bien plus confortable face à la crise des Télécoms. En effet, bien qu'il ne soit pas dans mon idée de laisser croire que l'UMTS soit la seule raison de la situation de France Télécom, j'y reviendrai dans quelques instants, il est indéniable que le téléphone portable dit de 3e génération est la cause essentielle du désastre actuel. France Télécom, directement ou indirectement, a pris l'engagement de verser 12 Milliards d'Euros aux Gouvernements Européens, pour y disposer des fréquences nécessaires à l'UMTS. Selon les évaluations actuelles (qui pourraient être revues à la hausse, lors du constat de la réalité sur le terrain), le déploiement physique des réseaux UMTS, dans les pays européens, et les coûts de commercialisation de cette nouvelle technologie (qui exige des terminaux onéreux) s'élèveraient à 150 Milliards d'Euros (1.000 Milliards de Francs). Et encore, nous ne prenons pas, dans cette estimation, la subvention réelle qu'il faudrait verser à chaque utilisateur pour acquérir son terminal (selon Datamonitor, l'utilisateur accepterait de payer son terminal 250 euros, alors que sa valeur réelle dépasserait les 1.000 euros). Ce sont ainsi des sommes démentielles qui sont potentiellement engagées pour le déploiement d'une technologie qui n'a pas fait ses preuves. Le modèle économique sur lequel se sont appuyés les opérateurs européens pour s'engager dans l'UMTS est définitivement obsolète. Souvenons-nous des prévisions de la Commission Européenne en l'an 2000 : Selon ses calculs, il devait y avoir 200 millions d'abonnés à l'UMTS en 2005 représentant un Chiffre d'Affaires de près de 90 milliards d'Euros. Cette euphorie incontrôlée a incité les opérateurs, en l'an 2000, lors de folles enchères, à acquérir 5 licences UMTS en Grande-Bretagne pour 38,4 milliards d'euros et 6 licences UMTS en Allemagne, pour 50,8 milliards d'euros. Le Gouvernement Français, lui-même englué dans cette bulle irréaliste, voulait alors vendre 4 licences UMTS pour un prix de 4,8 milliards d'euros (31,5 milliards de francs), pour chaque licence... Ce temps est fini et, malheureusement, les principaux gouvernements responsables ne semblent pas en avoir encore bien pris conscience.... (Le Président de l'autorité allemande de régulation des Télécoms, Monsieur Matthias Kurt, a estimé, il y a quelques jours, que l'UMTS serait un succès dans dix ans !). Ce sont les opérateurs qui, depuis plusieurs mois, mais en vain, tirent les sonnettes d'alarme. De reports en partage de réseau, ils ont décidé, maintenant, de frapper fort en abandonnant purement et simplement des sommes colossales qu'ils ont pourtant déjà versées pour acquérir des licences. Ainsi, en Août, l'opérateur espagnol Telefonica, et l'opérateur finlandais Sonera, viennent de jeter l'éponge en Allemagne en y abandonnant définitivement une licence UMTS qui leur avait pourtant déjà coûté 8 milliards d'euros... Excusez du peu !!! Et tout laisse malheureusement augurer, si très rapidement les règles du jeu n'évoluent pas, que nous ne sommes qu'au début de nombreux déboires dans le domaine de l'UMTS. Ainsi, il faut analyser le sens profond de la décision récente de Vodaphone de reporter d'un an son déploiement dans l'UMTS, en Grande-Bretagne et en Allemagne. Laisser ainsi, sur une étagère, pendant un an, deux pépites qui ont coûté plus de 16 milliards d'euros, n'est pas sans signification. S'il est prouvé, définitivement, en 2003, que l'aventure UMTS ne sera jamais rentable, tous les opérateurs européens se retireront, et ce sera un désastre. Aussi, il serait préférable que les gouvernements européens en prennent vite conscience et, sans retard, en tirent les conclusions. Si le Gouvernement Français remettait à plat les procédures d'attribution des fréquences UMTS et effaçait les lourdes ardoises dues pour ce téléphone dit de 3e génération, par France Télécom et Vivendi, il est indéniable que dans le domaine des Télécommunications, ces deux sociétés verraient l'avenir avec plus de sérénité. J'imagine immédiatement les vives réactions que vont entraîner ces propositions auprès du Ministère du Budget. Mais le temps n'est-il pas venu de faire, enfin, des budgets sincères dans ce domaine des nouvelles technologies. Il serait regrettable de traiter ma proposition d'opportunisme. Cela fait deux ans que je crie (dans le désert...) dans ces colonnes, pour attirer l'attention du Gouvernement Français et des autres gouvernements européens, sur la voie sans issue sur laquelle ils se sont engagés, en attribuant, par voie d'enchères ou de concours de beauté, les fréquences UMTS. Je m'honore d'avoir été le seul parlementaire français à avoir dit au Gouvernement, en Mai 2000, qu'il ferait une erreur en vendant aux enchères les fréquences UMTS. Je n'ai pas été entendu. Je pense que les gouvernements européens devraient avoir l'humilité, mais aussi le courage, de dire « nous avons eu tort », et cela serait incontestablement un signal fort à tous les investisseurs européens, mais aussi à l'opinion secouée par l'effondrement de la Bourse. Si le Gouvernement Français prenait cette décision de ne plus demander des redevances « a priori » pour l'attribution de fréquences, mais appuyant ses recettes sur le Chiffre d'Affaires réel, cela secouerait l'ensemble des Télécommunications européennes, et nous ferait entrer, j'en suis convaincu, dans un cercle vertueux. Avec de la bonne volonté et beaucoup d'inventivité, cette mesure d'assainissement de la situation UMTS devrait permettre, en raison de très bons résultats opérationnels annoncés récemment par le Président de France Télécom, de procéder autrement à la puissante augmentation de capital actuellement préconisée par les instituts financiers. Un démarche novatrice et innovante, que les créatifs de Bercy ont tout à fait la capacité d'imaginer, devrait permettre de ne pas diluer les actifs de quelque 1,6 millions de petits porteurs, et de ne pas sanctionner une très grande partie des personnels de France Télécom qui ont fait confiance à l'ouverture sur le marché de notre grand opérateur public. Le Gouvernement doit jouer pleinement son rôle d'actionnaire majoritaire et dominant. Il doit apporter à France Télécom les sommes nécessaires, mais il me semble important qu'il le fasse sans pénaliser plus encore les petits porteurs qui ont déjà été sanctionnés par le marché. Pourquoi ne pas souscrire cette augmentation de capital au cours d'entrée lors de la privatisation ? Au-delà de l'effet bénéfique que cette décision aurait sur le marché, les 55% de France Télécom (600.000 actions) encore détenus seraient mécaniquement réévalués et permettraient à l'Etat de rapidement pouvoir récupérer une grande partie de sa mise. Pour une action qui ne vaut plus aujourd'hui qu'un peu plus de 10 euros alors qu'elle valait 219 euros en Mars 2000, et pour une entreprise affichant des résultats opérationnels, dont la valeur actuelle en Bourse ne représente que 6 fois son résultat brut d'exploitation, il y a inexorablement, dans des termes maintenant rapprochés, une importante marge de croissance. Le gouvernement devrait tenir compte de cette situation singulière (qui n'a rien à voir avec le précédent du Crédit Lyonnais) dans le montage qu'il va proposer pour faire repartir France Télécom. Mais, comme je le disais au début de cet éditorial, l'UMTS n'est pas la seule cause des grandes difficultés que connaît actuellement France Télécom. Le régime « bâtard » de France Télécom qui doit se plier à un régime purement français (« ni-ni »), mi public, mi privé, ne satisfait personne et est fortement handicapant pour le management de cette grande entreprise dans le contexte entrepreneurial international qui régente le monde des affaires depuis quelques années. C'est un monde qui exige beaucoup de réactivité, de transparence, mais aussi de responsabilité. Or, avec le statut actuel, le Président et son Conseil d'Administration, dépendent beaucoup trop de l'actionnaire majoritaire qu'est l'Etat. Pourquoi le cacher : les modes de décision exigées par le nécessaire respect des règles administratives par l'Etat d'une part et celui d'une grande société cotée, engagée dans la compétition mondiale, sont maintenant devenues totalement antinomiques. Aussi, il est nécessaire, aussi bien pour France Télécom qu'EDF, de sortir, dès que cela sera capitalistiquement possible, de cette situation qui risquerait d'avoir des conséquences très graves s'il y avait entêtement. Mais, auparavant, le Gouvernement, avec patience et détermination devra rassurer les personnels des ces grandes entreprises. Ceux à qui le Gouvernement (qu'il soit de Droite ou de Gauche) avait promis le respect du statut de la fonction publique, doivent avoir la certitude que ces engagements seront strictement respectés même quand ces groupes seront totalement privatisés. Enfin, pour que ces grands groupes qui, il y a peu encore, disposaient d'un monopole, retrouvent sérénité et confiance dans l'avenir, il faut aussi avoir l'amitié de leur dire que, trop souvent, ceux qui ont à traiter avec eux, que ce soient les élus, leurs concurrents ou leurs clients, souffrent de leur comportement incompréhensible. Il faut cesser ce lobbying honteux qui, depuis plusieurs années, a freiné le développement des nouvelles technologies dans notre Pays. Ces amendements qui ont pour finalité d'interdire ou compliquer les investissements des collectivités locales dans les Télécommunications, doivent définitivement appartenir au passé. Ces comportements non qualifiables qui avaient pour finalité de fortement ralentir le déploiement de la concurrence (rappelons-nous de la mise en place de l'ADSL dans notre Pays...), et qui pouvaient même mener France Télécom à préférer payer des pénalités que de respecter des décisions de justice, doivent être strictement proscrits. Ces guerres picrocholines ont coûté cher à la France. Ainsi, comme vient de le confirmer l'OFTEL (régulateur britannique des Télécoms), en Juin, le Français doit payer une somme 30 % plus élevée que celle versée par l'Anglais ou l'Allemand et même 50 % plus élevée que celle payée par le Suédois pour accéder au haut débit avec l'ADSL. Cela ne peut plus perdurer, car ces prix aberrants nous obligent à constater que la France est un des pays industrialisés qui a pris le plus de retard pour entrer dans le haut débit. Quand on sait combien ces hauts débits vont très rapidement être nécessaires pour relever le défi de l'avenir, on ne peut que regretter ce gâchis. Pour conclure, je voudrais m'adresser au Chancelier (ne devrais-je pas dire candidat ?) Gerhard Schröder. En effet, le Chancelier Allemand qui a violemment réagi à la récente décision du Conseil d'Administration de France Télécom de stopper la démarche aventureuse avec Mobilcom, ne semble pas avoir pris conscience que c'est le comportement de son Gouvernement, depuis les enchères folles de 2000, pour l'attribution des fréquences UMTS, qui est à l'origine de la situation actuelle, non seulement de Mobilcom, mais qui a aussi précipité (suite à un entêtement stupide de ne rien vouloir modifier) le retrait de Telefonica et Sonera. Maintenant que les échéances politiques essentielles dans les principaux pays européens vont appartenir au passé, et que l'horizon de gestion va se dégager pour plusieurs années pour le Gouvernement de ces Pays, il va être très urgent qu'au plus haut niveau les gouvernants européens se rencontrent et définissent, avec courage, de nouvelles règles pour le déploiement des télécommunications du futur sur l'ensemble de notre continent. Avec la crise que nous traversons actuellement, chacun a bien pris conscience qu'il est dorénavant nécessaire d'emprunter une autre voie pour pénétrer dans l'avenir.

René TRÉGOUËT

Sénateur du Rhône

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