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Les zones motrices du cerveau fonctionnent par anticipation

Le cerveau humain préfère prédire plutôt que réagir aux mouvements d'autrui » explique Angela Sirigu, neuroscientifique au CNRS. Elle a dirigé avec des chercheurs anglais une expérience sur 22 sujets, en 2003, à l'Institut des sciences cognitives de Lyon. Les résultats sont publiés dans la revue Nature Neuroscience de décembre 2004. Dans cette expérience, le sujet visionne deux vidéos. Dans l'une, il voit une main posée près d'un objet vert et sait que la main va saisir l'objet. Dans l'autre, la main est près d'un objet rouge et ne bougera pas. L'activité cérébrale (par électroencéphalogramme) et l'activité musculaire du sujet sont enregistrées simultanément. Durant la première partie de la séquence vidéo, le sujet voit strictement la même chose sur les deux films : une main immobile. Mais il est préparé à observer ensuite un mouvement ou non.

Quand l'objet est vert et que le sujet s'attend à un mouvement, son système moteur est activé, sans qu'il en ait conscience. Les chercheurs ont mesuré une onde cérébrale spécifique : le « potentiel de préparation ». Ce pic d'activité cérébrale motrice se déclenche habituellement quand un mouvement volontaire est réalisé ou même, dans certaines conditions, quand un mouvement est seulement observé. Dans l'expérience, ce pic est enregistré avant même que le mouvement soit observé, sur la base d'indices préalables (la couleur de l'objet dans ce cas). Une « condition de contrôle » vérifie que l'expérience mesure bien une activité du cerveau liée à l'attente d'un mouvement et non à celle d'un événement quelconque. Sur la vidéo, un objet passe du bleu au violet et le sujet anticipe ces changements de couleur. Mais aucune zone motrice cérébrale n'est enregistrée. Pour Angela Sirigu, «si nous savions déjà grâce à différents travaux antérieurs que l'observation et la réalisation des mouvements empruntent le même système neuronal, nous observons grâce à cette étude qu'il s'agit d'un système essentiellement prédictif ».

Ainsi, se préparer à observer une action active les mêmes circuits cérébraux que se préparer à exécuter cette action. Les chercheurs font l'hypothèse que les sportifs auraient surdéveloppé ce mécanisme. En effet une telle anticipation des mouvements de quelqu'un d'autre paraît particulièrement bien adaptée pour prédire les intentions d'un adversaire. Ce système pourrait aussi être utilisé pour prédire les conséquences de ses propres mouvements avant même de les avoir initiés. C'est ce qu'on appelle communément l'imagerie motrice, une technique de simulation mentale que bon nombre de sportifs de haut niveau utilisent durant leur entraînement. On peut également supposer qu'en entraînant un sportif à observer des mouvements, il pourrait ainsi mieux les anticiper. Pour autant, cela ne veut pas dire qu'un téléspectateur pourrait améliorer sa pratique sportive devant sa télé ! Les prochaines études vérifieront si ce même système moteur s'active chez les bébés et si leur système neuronal est « pré câblé ». Cette étude a été financée par la National Science Fondation (USA), dans le cadre des travaux sur la motricité et la plasticité liée aux greffes des mains menés par Angela Sirigu. Elle est responsable de l'équipe « Neuropsychologie de l'action » à l'Institut des sciences cognitives, et de l'université Claude Bernard Lyon 1.

CNRS

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