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Vers un vaccin contre l’asthme allergique

L'équipe de recherche conduite par Laurent Reber, chercheur à l’Inserm et à l’Institut Pasteur, en partenariat avec l’entreprise Neovacs, a mis au point, chez la souris, un vaccin capable de diminuer les symptômes de l’asthme sévère. L’asthme est une maladie chronique qui touche 4 millions de personnes en France et plus de 300 millions dans le monde.

Cette maladie est très hétérogène mais on estime que 50 % des patients souffrent d’un asthme allergique, qui se caractérise par une inflammation des bronches et une gêne respiratoire suite à l’inhalation d’allergènes – acariens, pollens, poils de chats... Cette exposition entraîne la production dans les voies respiratoires d’anticorps (des immunoglobulines IgE) et des cytokines (des interleukines 4 et 13, IL-4 et IL-13). Ces dernières, en se fixant à des récepteurs cellulaires, déclenchent des réactions en cascade qui aboutissent à une hyperréactivité des voies respiratoires, une surproduction de mucus et un recrutement de globules blancs.

Si les corticoïdes représentent le traitement de référence dans l’asthme, des anticorps thérapeutiques (de type monoclonaux) ont été récemment développés pour les cas d’asthme sévère résistant aux corticoïdes. « Ces anticorps, comme le dupilumab, ciblent les voies de signalisation de l’IL-4 et de l’IL-13 et sont efficaces dans l’asthme sévère. Mais ils sont très onéreux, de l’ordre de 15 000 euros par an pour un patient, et nécessitent des injections très fréquentes, toutes les deux semaines », explique Laurent Reber.

Ces chercheurs ont donc décidé de développer un vaccin, dans l’idée d’éduquer le système immunitaire à produire ses propres anticorps contre les interleukines 4 et 13. Ils ont mis au point un vaccin conjugué nommé « kinoïde », en couplant des protéines IL-4 et IL-13 avec une protéine particulière, une forme mutée non pathogène de la toxine diphtérique. Cette dernière, étant très immunogène, déclenche une réaction du système immunitaire.

« Ces vaccins conjugués sont très utilisés dans la lutte anti-infectieuse pour cibler des protéines qui n’induisent pas de réponse immunitaire, par exemple parce qu’elles sont trop petites. Ici il s’agissait de « leurrer » le système immunitaire pour qu’il reconnaisse des protéines du soi », décrypte Laurent Reber. Les résultats précliniques sur des souris montrent que ce vaccin induit bien la production d’anticorps contre les interleukines 4 et 13, avec une forte activité neutralisante dans 90 % des cas dès six semaines après la vaccination. Cette activité était toujours visible chez 60 % des souris un an après la première vaccination.

Grâce à un modèle animal d’asthme allergique lié aux acariens, les chercheurs ont montré une diminution des symptômes typiques de la maladie : baisse des taux d’IgE, du recrutement de globules blancs, de la production de mucus et de l’hyperréactivité des voies respiratoires. La vaccination contre les interleukines IL-4 et IL-13 se montre supérieure aux vaccinations contre l’une ou l’autre seulement.

C’était attendu, car on suspecte qu’elles agissent à différents moments de la réponse allergique : IL-4 plutôt précocement, notamment en influant sur le taux d’IgE, et IL-13 plus tardivement, en augmentant la production de mucus. « Des traitements par anticorps monoclonaux ciblant uniquement IL-4 ou IL-13 avaient d’ailleurs échoué en phases II et III, là où le dupilumab, qui cible un récepteur commun aux deux, se montre, lui, très performant », note Laurent Reber.

Enfin, les équipes ont montré, sur un modèle de souris exprimant les interleukines 4 et 13 humaines ainsi que leur récepteur commun humain, une neutralisation efficace des deux cytokines et des niveaux réduits d’IgE pendant au moins onze semaines après la vaccination. « Nous avons là une preuve qu’il est possible de produire un vaccin contre les cytokines humaines. Son efficacité est suffisante pour réduire la suractivité des cytokines et devrait donc permettre d’atténuer les symptômes de façon durable », se félicite le spécialiste.

Aucun effet secondaire n’a été observé, ce qui reste à confirmer dans des essais cliniques sur l’humain, puisque ces cytokines peuvent aussi être impliquées dans des processus de défense physiologique, notamment contre des vers parasites. Des essais sont prévus d’ici à deux ans chez l’homme.

Article rédigé par Georges Simmonds pour RT Flash

Pour La Science

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