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Edito : Les vaccins, une arme d'avenir contre le cancer

L'hépatite B est une infection du foie potentiellement mortelle provoquée par le virus de l'hépatite B. C'est un problème majeur de santé à l'échelle mondiale et la forme la plus grave des hépatites virales. On estime à deux milliards le nombre de personnes infectées par le virus de l'hépatite B (HBV) et plus de 350 millions ont des infections chroniques (de longue durée). Le risque de décès par cirrhose ou cancer du foie dus au virus de l'hépatite B est approximativement de 25 % chez le porteur adulte chronique si l'infection a eu lieu pendant l'enfance.

Heureusement, on dispose d'un vaccin depuis 1982. Ce vaccin est efficace à 95 % pour éviter l'infection par le HBV et ses conséquences chroniques et il a été le premier vaccin contre l'un des cancers majeurs de l'homme. Ce vaccin est extrêmement sûr et efficace. Depuis 1982, plus d'un milliard de doses ont été administrées dans le monde. Dans bien des pays où 8 à 15 % des enfants devenaient des porteurs chroniques, la vaccination a permis de ramener cette proportion à moins de 1 %. Ce vaccin permet donc une prévention du cancer du foie contre lequel les traitements restent lourds et peu efficaces.

Il existe en outre depuis deux ans des vaccins contre le papillomavirus, responsable du cancer du col de l'utérus. Bien que cette vaccination n'évite pas tous les cancers du col et ne protège pas de tous les papillomavirus (il y en a plus de 100), elle immunise à 98 % contre les principaux papillomavirus responsables de dysplasie du col. La survenue de condylomes et papillomes se voit aussi réduite. Les virus sélectionnés pour l'élaboration du vaccin sont responsables d'environ 70 % des cancers du col. Ce vaccin, associé au frottis, pratiqué régulièrement, constitue donc un progrès majeur en matière de prévention du cancer du col.

Mais parallèlement à ces vaccins préventifs, qui permettent d'éviter la survenue d'un cancer, il existe également une autre catégorie de vaccin en plein essor et riche de promesses, les vaccins thérapeutiques, qui stimulent de manière puissante le système immunitaire lorsque le cancer est déjà installé et permettent à l'organisme, en association aux traitements classiques, d'éliminer sélectivement les cellules malignes.

Après 30 ans de tâtonnements et de découragements, ces vaccins thérapeutiques donnent enfin des résultats encourageants. C'est le cas pour les cancers lymphatiques et de la peau, selon deux essais cliniques dont les résultats ont été présentés en mai 2009.La première étude et la plus probante a porté sur des patients atteints d'un lymphome folliculaire non-Hodgkinien, une forme agressive du cancer lymphatique, et a été menée pendant huit ans auprès de 177 patients.

De ce groupe, les malades qui ont été traités avec le vaccin BiovaxID de la firme américaine Biovest International n'avaient pas de trace de la maladie pendant environ 44 mois, comparativement à 30 mois chez le groupe témoin, soit un gain de 47 %. Le vaccin est fabriqué avec des tissus prélevés dans la tumeur de chacun des malades et cible une protéine spécifique aux cellules cancéreuses B dans le lymphome mais épargne les cellules B saines ne contenant pas cet antigène.

«Avec ce vaccin, nous entrons dans une nouvelle ère dans laquelle il est possible d'utiliser en toute sécurité le système immunitaire du patient pour lutter efficacement contre le lymphome folliculaire et accroître l'efficacité de la chimiothérapie conventionnelle», a expliqué le Dr Stephen Schuster, professeur associé à la faculté de médecine de Pennsylvanie.

Le seconde étude porte sur 179 patients souffrant d'un mélanome ayant fait des métastases, un cancer de la peau difficile à traiter, mais montre des résultats beaucoup plus modestes. Le vaccin appelé gp100:209-217(210M) peptide a été administré à environ la moitié de ces malades tous déjà traités avec des thérapies conventionnelles pour doper leur système immunitaire. Le vaccin a doublé la réponse de ces traitements et étendu la survie des malades sans récurrence de la maladie ainsi que leur survie tout court. Le groupe traité avec le vaccin est ainsi resté sans réapparition du cancer pendant 2,9 mois et a survécu 17,6 mois comparé à 1,6 mois et 12,8 mois respectivement dans le groupe témoin.

«Cette étude est l'une des premières à montrer des résultats positifs et prometteurs d'un vaccin thérapeutique contre le mélanome», a souligné le Dr Douglas Schwartzentruber, un professeur de chirurgie à l'Université d'Indiana, notant que ce vaccin produisait peu d'effets secondaires. Une autres étude publiée à la mi-mai a aussi révélé des résultats encourageants d'un vaccin contre le neuroblastome, un cancer du tissu nerveux sympathique, avec 86 % des patients vaccinés encore en vie après deux ans contre 75 % dans le groupe témoin.

De leur côté, les chercheurs du Centre Anderson de l'université du Texas essaient un vaccin expérimental qui cible une protéine à la surface des cellules cancéreuses des glioblastomes. Ce vaccin leurre l'organisme en lui faisant croire que cette protéine est étrangère et infectieuse pour alerter les cellules immunitaires. La même stratégie produit des résultats très prometteurs dans des essais cliniques en cours au centre Anderson concernant la leucémie myéloïde ainsi que d'autres formes de leucémies, les lymphomes et les mélanomes.

S'agissant du cancer de la prostate, un groupe de chercheurs de l'Institut des tumeurs de Milan dirigés par Riccardo Valdagni, oncologiste radiothérapeute, impliqué depuis des années dans l'étude des néoplasies de la prostate, a lancé une expérimentation unique au monde basée sur l'utilisation d'un vaccin thérapeutique en mesure de stimuler les défenses du système immunitaire et de tuer les cellules tumorales.

Ce soin a été administré à 16 patients italiens : dans 80 % des cas, le système immunitaire a répondu au vaccin et la maladie a donné des signes de ralentissement. Cela signifie que le vaccin mis au point par les chercheurs milanais semble être efficace. La recherche continue et avant la fin de l'année 14 autres patients seront sélectionnés. Le vaccin agit grâce à une action de stimulus face aux lymphocytes T qui détectent la cellule tumorale et la détruisent.

Aux Etats-Unis, Provenge, un vaccin contre le cancer de la prostate encore au stade expérimental, a obtenu de bons résultats aux tests requis pour l'approbation finale de mise sur le marché délivrée par la Food Administration FDA aux Etats-unis. Provenge ne vise pas la prévention du cancer de la prostate comme les vaccins classiques. Il est administré par perfusion et vise à stimuler le système immunitaire pour combattre le cancer de la prostate à un stade avancé, même si ce dernier ne répond pas aux anti-androgènes.

Testé sur 512 hommes atteints du cancer de la prostate à un stade avancé, tous atteints de cancer métastatique androgéno-indépendant, ce vaccin augmente sensiblement la survie globale des malades.

Toujours aux Etats-Unis, un vaccin capable d'empêcher le développement des tumeurs colorectales est actuellement testé au centre hospitalo-universitaire de Pittsburg. Ce vaccin conduit à la production de défenses immunitaires qui reconnaissent une protéine anormale (MUC1). Or cette protéine est produite en quantité importante par les polypes colorectaux, des lésions susceptibles d'évoluer en cancer.

Les défenses immunitaires induites par le vaccin vont donc reconnaître et attaquer les cellules précancéreuses qui produisent MUC1. En d'autres termes, ce vaccin va « apprendre » aux systèmes immunitaires à détruire les polypes avant qu'ils ne dégénèrent en tumeurs. Les premiers tests cliniques viennent de démarrer. Les patients inclus dans l'étude, âgés de 40 à 70 ans, doivent avoir déjà reçu un diagnostic d'adénomes colorectaux avancés (mesurant au moins 1 cm et contenant des cellules anormales). Une douzaine de patients a déjà reçu le vaccin. Au total, l'étude portera sur 50 personnes.

Un autre vaccin expérimental contre une forme grave de cancer du cerveau, produit par la firme américaine Avant Immunotherapeutics, a permis une survie moyenne de 33 mois après le diagnostic, contre 14 mois seulement avec la thérapie standard actuelle, à savoir la radiologie. A la lumière de ces récentes avancées on voit donc que les vaccins, tant préventifs que thérapeutiques, constituent une arme irremplaçable et trés prometteuse dans la difficile et longue bataille contre le cancer.

René Trégouët

Sénateur honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

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