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Le télescope à muons : de la physique des particules au démantèlement nucléaire

Grâce au télescope à muons, qui utilise les propriétés de ces particules élémentaires proches de l’électron, les chercheurs sont désormais capables de sonder l’intérieur d’une structure qu’il s’agisse d’une pyramide ou plus récemment d’un réacteur nucléaire, à distance et de manière non invasive. Le CEA, qui a acquis une compétence unique dans la détection des muons grâce au développement de son propre télescope, est pionnier dans l’utilisation de cette technique pour le démantèlement nucléaire.

Pouvoir étudier le cœur d’un réacteur sans avoir besoin de s’en approcher, c’est l’une des promesses de la muographie. Grâce à cette technologie, on est capable de visualiser l’intérieur d’une centrale avant de la démanteler – et incidemment de vérifier son état de conservation. La muographie permet aussi de sonder et de faire du monitoring de structures nucléaires, de caractériser la résistance d’un bâtiment ou d’une installation et de voir comment ceux-ci évoluent au cours du temps.

Les muons sont créés dans l’atmosphère par le rayonnement cosmique. Ils sont capables de traverser toute l’atmosphère pour arriver jusqu’au sol ou à un obstacle et, selon leur énergie de départ, parvenir à passer au travers. « Les muons, à l’instar des coureurs d’un marathon, ne vont pas partir avec la même énergie. Selon la difficulté et la longueur de la course, un certain nombre s’arrêtera en cours de route, et seule une fraction d’entre eux franchira la ligne d’arrivée. Cette fraction qui franchit la ligne nous renseigne sur la difficulté de la course. Dans la muographie, cette difficulté correspond à l’épaisseur traversée et à la densité », souligne Sébastien Procureur. La plupart du temps, que ce soit dans une pyramide ou un réacteur, l’épaisseur du mur ou de la paroi est connue. L’idée est donc de mesurer le flux de muons qui circule dans une direction donnée, ce qui détermine la densité moyenne dans cet axe. Concrètement, si l’on constate à certains endroits d’un objet un excédent de muons, on peut en déduire une densité plus faible, et donc possiblement une cavité, un creux, etc.

En 2016, les télescopes à muons du CEA se sont retrouvés associés au projet ScanPyramids, visant à sonder plusieurs pyramides égyptiennes dont celle de Kheops. Objectif : découvrir des cavités cachées dans l’épaisseur des murs. Comment ces télescopes destinés à la physique des particules se sont retrouvés à sonder des pyramides ? « Nous avons mis au point un système, breveté en 2013, qui a permis de réduire par 15 la quantité d’électronique embarquée. Nous avons ainsi pu faire des télescopes réellement transportables. Chaque détecteur est en effet une plaque de 50 cm de côté contenant du gaz pour détecter les charges, et un télescope à muons en contient 4 », note Sébastien Procureur.

Les télescopes à muons sont ensuite passés des pyramides au chantier de démantèlement du réacteur G2. Une nouvelle application initiée par Laurent Gallego, chef du projet de démantèlement des réacteurs G2 et G3 au CEA. En effet, après la première phase de démantèlement du réacteur G2, qui s’est achevée en 1996, des équipes sont entrées dans le réacteur pour réaliser des vidéos et des mesures de contamination radiologique, et des prélèvements de métaux pour vérifier l’état de corrosion. Mais ce n’était pas suffisant : il fallait trouver une solution pour investiguer plus encore sans pour autant opérer de destruction de l’installation. « C’est alors que j’ai découvert via un article les résultats du télescope à muons dans le cadre du projet ScanPyramids. Nous avons demandé aux équipes s’il était possible d’adapter ce type d’acquisition à des structures telles que nos réacteurs, qui sont très massifs et pas très accessibles », raconte Laurent Gallego. Résultat, les muons se sont avérés aussi performants avec les réacteurs qu’avec les pyramides !

Ainsi, la muographie donne l’avantage d’éviter les mauvaises surprises lors du démantèlement et de garantir la sécurité du chantier. « Grâce au télescope à muons et aux images acquises, nous avons obtenu des éléments d’appréciation sur l’état réel du réacteur par rapport à l’état attendu », complète Laurent Gallego. Prochaine étape pour les télescopes à muons, le réacteur G3.

Dans le cadre de chantiers de démantèlement, la muographie peut également être utilisée pour caractériser les colis de déchets.

Article rédigé par Georges Simmonds pour RT Flash

CEA

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