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Edito : Les puces multicoeurs et l'interconnexion optique relancent la course à la puissance informatique

Depuis deux ans, les microprocesseurs multicoeurs ont fait une apparition remarquée et tous les géants de l'électronique, AMD, Freescale, IBM, Intel, se sont lancés dans cette nouvelle compétition technologique. Aujourd'hui, la plupart de ces puces se contentent d'intégrer deux coeurs mais demain ces puces multicoeurs comporteront plusieurs dizaines de coeurs, faisant ainsi exploser leur puissance de calcul. La nouvelle puce Cell qui équipera la prochaine console de jeux PlayStation3 de Sony comporte déjà huit coeurs et la mise en parallèle de plusieurs unités centrales sur une seule et même puce constitue un véritable tournant pour l'industrie informatique et le multimédia.

Paradoxalement, si la microélectronique table à présent sur les puces multicoeurs pour poursuivre sa course à la puissance c'est parce qu'elle a, pour l'instant, échoué à faire grimper la fréquence d'horloge des microprocesseurs. Depuis 3 ans, la barre des 3 GHz semble constituer une limite physique au delà de laquelle la consommation électrique et l'échauffement deviennent excessifs, ce qui porte directement atteinte à la fiabilité de ses microprocesseurs. En attendant de résoudre ce problème plus ardu qu'il n'y paraît, les fabricants de microprocesseurs misent donc sur le « multiprocessing », c'est-à-dire la multiplication des coeurs et leur fonctionnement en parallèle pour augmenter la puissance de calcul des puces.

Mais 40 ans après sa formulation, la fameuse « loi » de Moore, c'est-à-dire le doublement du nombre de transistors par cm2 de silicium tous les 2 ans, est quant à elle toujours d'actualité. Cette loi, qui se traduit actuellement par le passage progressif d'un procédé de fabrication où la largeur des traits sur la puce est de 130 nm à un procédé où elle n'est plus que de 90 nm, rend en effet possible l'intégration de deux coeurs par circuit sans augmentation de sa taille. Demain, le passage de 90 nm à 65 puis à 45 nm permettra d'en intégrer quatre. Et ainsi de suite...

Intel a annoncé le lancement de trois puces à deux coeurs gravées avec des traits de 65 nm. Ces puces devraient offrir un ratio puissance de calcul/consommation électrique 3 à 5 fois supérieur à celui dont les utilisateurs disposent actuellement. Sur le segment des serveurs par exemple, la firme californienne prévoit que les processeurs multicoeurs devraient représenter plus de 85 % de ses ventes dès 2007.

Du côté des ordinateurs de bureau et des ordinateurs portables, il faut également souligner la réussite technique que constitue la mise au point du processeur Athlon 64 X2 à deux coeurs qui permet une amélioration des performances de 20 % à 80 % par rapport à celles de son prédécesseur dans le cadre d'applications multitâches. Pour l'utilisateur, cela offre par exemple la possibilité de graver un CD ou d'exécuter un logiciel de pare-feu en arrière-plan tout en effectuant en premier plan, et sans aucune difficulté, des transactions bancaires en ligne ou des retouches d'images vidéo.

Intel a par ailleurs commencé l'échantillonnage d'un microprocesseur 64 bits Itanium 2 qui a été fabriqué en reliant 1,72 milliard de transistors. Le processeur, baptisé du nom de code Montecito, intègre deux coeurs de traitement. Mais parallèlement à la montée en puissance de ses puces multicoeurs, Intel poursuit la course à la miniaturisation et a amorcé le passage aux microprocesseurs gravés en 65 nanomètres, contre 90 actuellement. Le principal avantage du 65 nm est que cette amélioration s'effectue sans surchauffe des transistors. «À performances égales par rapport aux transistors gravés en 90 nm, ces derniers peuvent diviser par quatre la déperdition électrique», poursuit le fondeur, ce qui permet un gain en terme de dissipation thermique. Selon sa dernière feuille de route, le fondeur envisage une finesse de gravure de 45 nm en 2007, 32 nm en 2009 et 22 nm à l'horizon 2011.

Le 26 septembre, à l'occasion du Intel Developer Forum qui s'est tenu à San Francisco, Paul Otellini, P-DG d'Intel, a annoncé l'arrivée de ses premiers processeurs quadricoeurs en novembre. Il a par ailleurs dévoilé devant des milliers de participants un prototype de galette de silicium contenant plusieurs processeurs à 80 coeurs. Ces derniers, cadencés chacun à 3,16 GHz, sont dédiés aux opérations de calcul à virgule flottante. Chacun est capable d'échanger des données à raison d'un téraoctet par seconde. Le fondeur espère distribuer ces processeurs dans le commerce d'ici cinq ans. L'objectif ultime est de permettre un téraflop (mille milliards) d'opérations à virgule flottante par seconde sur un même processeur. (Voir article du New Scientist)

Parallèlement, Intel a annoncé, il y a quelques jours, avoir mis au point un laser microscopique intégré à une puce au silicium, une étape vers la réalisation de circuits où l'électricité serait remplacée par la lumière avec, à la clé, un énorme gain en performances. Ces lasers pourraient transmettre un térabit de données par seconde et Intel estime pouvoir en intégrer quelques dizaines, voire quelques centaines dans une seule puce électronique. Intel a déjà fait la démonstration de modulateurs optiques semi-conducteurs capables de débits de l'ordre de 10 Gbps. (Voir article dans notre lettre 399 du 29-09-2006 Depuis 5 ans, Intel a produit plusieurs composants expérimentaux pour permettre aux lasers et à la technologie optique de remplacer les fils d'interconnexion.

D'ici la fin de cette décennie, Intel compte améliorer de 300 % les performances par watt de ses transistors grâce à de nouvelles conceptions et technologies de fabrication, a expliqué Paul Otellini. On voit également que la technologie sur silicium, que l'on avait un peu vite enterrée, a encore quelques belles années devant elle, notamment grâce à la combinaison de cette technologie multicoeurs et de l'interconnexion optique par mini lasers.

Avec l'intégration d'un nombre toujours plus grand de coeurs sur une même puce, la loi de Moore devrait pouvoir s'appliquer encore une dizaine d'années. Vers 2015-2020, les géants de l'électronique devraient atteindre une finesse de gravure de l'ordre de 10 nanomètres, à peine quatre fois la largeur d'une molécule d'ADN et seulement 150 fois la taille d'un atome d'hydrogène ! Nous serons alors proches des limites physiques de la technologie sur silicium et d'autres voies technologiques, déjà en cours d'exploration, devront être utilisées et développées, comme les nanotubes de carbone, l'électronique moléculaire et l'électronique quantique pour que cette course sans fin à la puissance informatique se poursuive et permette à chacun de disposer, dans tous les objets de sa vie quotidienne, d'une puissance de calcul et d'une "intelligence" que nous pouvons à peine concevoir aujourd'hui.

René Trégouët

Sénateur honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

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