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Une protéine des rythmes circadiens favorise le cancer de la prostate

Troisième cause de décès par cancer chez les hommes en France, le cancer de la prostate se soigne principalement par la suppression des androgènes (ou de leurs récepteurs), car cette hormone mâle est utilisée par ce type de cancer en particulier pour se développer. Mais certaines formes résistantes n’ont pour l’heure pas trouvé de remède durable, d’où la nécessité de développer de nouvelles thérapies.

Les biologistes ont découvert que la quantité de protéines CRY-1 impliquées dans les rythmes circadiens (l’horloge biologique) augmentait dans les cellules cancéreuses lors des derniers stades de la maladie, et était associée à de mauvais pronostics de guérison. Plus précisément, ces protéines joueraient un rôle dans la genèse des tumeurs de la prostate mais aussi dans la résistance des tumeurs face au traitement.

En se basant sur des études récentes soulignant l’importance des récepteurs aux androgènes dans le processus de réparation de l'ADN dans les cancers de la prostate, les chercheurs ont mis en évidence que la quantité de protéine CRY-1 est augmentée lors de la fixation des androgènes sur leurs récepteurs dans des tissus tumoraux prostatiques obtenus sur des patients malades.

Plusieurs études épidémiologiques montraient déjà que des perturbations du rythme nycthéméral, tels que des décalages horaires, le travail de nuit, des problèmes de sommeil ou encore la diminution de la production de mélatonine (produite dans l’obscurité) sont autant de facteurs qui augmentent le risque de développer un cancer de la prostate, du sein ou du côlon, et réduisent l’efficacité des traitements anticancéreux. « Le mécanisme exact de ce lien entre désynchronisation circadienne et maladie n’est, encore, pas totalement compris », détaille le chronobiologiste argentin Diego Golombek, de l’Université de Quilmes. « On sait en revanche que cela dérègle beaucoup, voire tous les processus métaboliques dans le corps ».

Les auteurs de l’étude expliquent qu’une telle découverte montre que CRY-1 régule l'expression des gènes bien au-delà de celle associée aux rythmes circadiens. En effet, sur 1929 gènes auxquels se lie CRY-1 (la liaison d'une protéine sur un gène régulant son expression), seuls 49 régulent les rythmes circadiens, soit à peine 2,5 %.

Les traitements contre la maladie visent au mieux à éliminer les cellules cancéreuses, sinon à faire cesser leur multiplication. Pour ce faire, des dommages sont volontairement causés à l’ADN, ce qui peut entraîner l’arrêt de la réplication des cellules voire leur apoptose (mort cellulaire) en cas de lésions sévères.

De la même façon, en exposant des cellules cancéreuses à des radiations (action qui permet de faire muter l’ADN), l’équipe a sondé le rôle possible de CRY-1 dans la réparation de l'ADN dans des cellules cultivées, dans des modèles animaux et dans des tissus prélevés sur des patients atteints d'un cancer de la prostate. Résultat : CRY-1 régule directement la disponibilité de facteurs biologiques essentiels aux mécanismes de réparation, et elle modifie la façon dont le cancer répond aux dommages de l’ADN.

La protéine CRY-1 offrirait donc aux cellules cancéreuses un effet protecteur contre les thérapies d’endommagement de l’ADN, en favorisant à la fois la réparation de l’ADN des cellules cancéreuses et la réplication de ces mêmes cellules. « L’implication de cette protéine dans la réponse aux dommages n’était pas particulièrement nouvelle »  explique Anne-Laure Huber, du Centre de recherche en cancérologie de Lyon. « En revanche, la découverte sur la façon dont CRY-1 régulerait des gènes et l’utilisation de la signalisation à androgènes est novatrice ».

Cela expliquerait les mauvais pronostics des traitements ciblant les androgènes dans les derniers stades de la maladie. Par ailleurs, cela indique qu’en cas de niveaux élevés de CRY-1 dans une tumeur, les techniques de dommages de l’ADN seront moins efficaces. Dans une visée thérapeutique, l’équipe prévoit maintenant d'explorer la meilleure façon de cibler et de bloquer le gène cry1 qui code la protéine CRY-1.

Les chercheurs comptent également utiliser d’autres thérapies déjà existantes qui agiraient en synergie pour entraver la réparation de l'ADN dans les cellules cancéreuses de la prostate. Les auteurs – tout comme Anne-Laure Huber et Diego Golombek – suggèrent par ailleurs d’aligner le traitement avec les rythmes naturels ou de le donner à certains moments de la journée où il serait plus efficace.

A terme, les biologistes prévoient d'étudier davantage de gènes impliqués dans l’horloge biologique et de déterminer comment la perturbation circadienne peut affecter le traitement du cancer. Un projet complexe alors qu’une même protéine ou un même gène peut favoriser un type de cancer, et prévenir d’un autre. Par ailleurs, aucune donnée ne semble universelle entre les patients : « les rythmes circadiens sont intrinsèques à chacun, on ne pourra peut-être pas standardiser les protocoles, et il faudra alors prédire grâce à des modèles mathématiques le traitement le plus adapté pour chaque patient », conclut Anne-Laure Huber.

Article rédigé par Georges Simmonds pour RT Flash

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