RTFlash

Edito : La pneumonie atypique : nouveau défi médical et scientifique mondial

Depuis quelques semaines, notre planète est confrontée à une épidémie de pneumonie atypique qui illustre bien les nouveaux défis médicaux, scientifiques et sanitaires auxquels l'humanité est à présent confrontée. Le virus de la pneumonie atypique constitue un "défi pour tout le monde" car "pour l'instant, il n'existe ni traitement, ni vaccin", a déclaré mercredi à Rome le Directeur général de l'OMS, Mme Gro Harlem Brundtland. Sur le temps nécessaire pour trouver une solution, Mme Bruntland a répondu: "Il n'y a pas de réponse scientifique". Elle a salué la collaboration de la communauté médicale internationale qui a permis d'identifier "avec une grande certitude" en seulement "quatre ou cinq semaines" la nature du virus. "C'est un résultat impressionnant. Mais pour l'instant, il n'y a ni traitement, ni vaccin", a-t-elle ajouté. Le Dr Brundtland a appelé la communauté internationale à "concentrer toutes ses ressources" sur le problème. Il est vrai qu'en dépit de l'identification rapide du coronavirus responsable du SRAS et malgré le décryptage de son génome (voir articles dans notre lettre 239 du 18 avril http://www.tregouet.orglettres/rtflashtxt.asp?theLettre=270#Lettre ), les chercheurs ignorent encore son origine, ses mutations ou les raisons pour lesquelles certains patients guérissent et d'autres pas. Les autorités sanitaires américaines, dont le pays enregistre 39 cas probables mais aucun décès jusqu'à présent, ont dressé un sombre tableau de l'épidémie. "Nous sommes refroidis par la transmission dans certaines parties du monde, notamment à Hong Kong, où des mesures sanitaires très appropriées ont été mises en oeuvre, ce qui n'empêche pas l'épidémie de continuer à progresser là-bas", a indiqué la directrice des Centres de contrôle et de prévention des maladies (CDC) Julie Gerberding. Il semble en effet que la seule solution, dans l'immédiat soit la vigilance pour contenir le virus et les mécanismes pour isoler les patients atteints. Dans cette perspective Il est capital de parvenir à limiter la propagation par des mesures de santé publique coordonnées au niveau international. De plus en plus de pays déconseillent à leurs ressortissants de se rendre dans les pays les plus touchés et ont décidé de contrôler strictement les voyageurs dans les aéroports. Mais au niveau mondial, l'épidémie de pneumonie atypique ne montre pour l'instant aucun signe d'affaiblissement en dépit de mesures de prévention qui se renforcent dans le monde entier. Depuis son apparition en novembre en Chine, principal foyer de l'épidémie avec Hong Kong, le SRAS a fait 252 morts et contaminé 4.474 personnes à travers le monde, selon le dernier décompte établi à partir des données de l'OMS et des responsables nationaux de la santé publique. En Chine, où est probablement apparu le SRAS, les autorités chinoises, après avoir tenté de minimiser l'ampleur de l'épidémie, ont décidé d'employer les grands moyens face à la pneumonie atypique, qui ne cesse de gagner du terrain, en fermant pour un mois les écoles de la capitale. ,Les autorités municipales de Pékin ont également décidé de placer en quarantaine les personnes et les bâtiments contaminés par le SRAS ou soupçonnés de l'être. Le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) a fait neuf morts de plus en Chine mercredi et 147 nouveaux cas ont été rapportés à travers le pays, dont 105 dans la capitale, selon le ministère chinois de la Santé. Le bilan en Chine continentale est ainsi porté à 2.305 cas avérés et 106 morts, alors qu'à Pékin, il s'élève à 693 cas et 35 morts. Le SRAS continue aussi à s'étendre géographiquement, avec 26 provinces sur 31 désormais touchées. Face à cette situation alarmante un important sommet réunissant les meilleurs experts scientifiques internationaux, est prévu à Genève les 17 et 18 juin prochain pour parler d'une stratégie mondiale pour contenir l'épidémie. Notre pays n'est pas épargné par le SRAS et pour lutter plus efficacement contre cette épidémie, le ministre de la Santé, Jean-François Mattei, a annoncé mardi la parution prochaine d'un "décret précisant les conditions d'hospitalisation d'office en cas de maladie contagieuse et potentiellement mortelle". Jusqu'à présent, les préfets, au niveau de leur département, le ministre de la Santé ou par délégation le directeur général de la santé, au niveau de plusieurs départements, pouvaient décider de l'hospitalisation d'office "sous réserve d'une situation d'urgence ou exceptionnelle", rappelle Jean-François Mattei. Mais le Conseil d'Etat a recommandé d'élaborer ce décret "pour éviter toute contestation" a posteriori. Jean-François Mattei a par ailleurs appelé à la "vigilance" et au "bon sens" face au SRAS. Il a rappelé à juste titre que l'erreur serait de relâcher la vigilance sanitaire et que nous étions face à un nouveau virus, dont on ne connaît pas en totalité les caractéristiques ni le mode de contamination, ni la capacité à muter et à être immunisé contre lui. Selon le dernier bilan communiqué mardi soir par l'Institut de veille sanitaire, la France compte toujours cinq cas probables, dont un seul reste en surveillance hospitalière. Il s'agit du médecin hospitalité à Tourcoing (Nord) depuis le 23 mars après son retour de Hanoi. Douze autres personnes font encore l'objet d'un suivi. Pour lutter contre l'extension de la maladie toutes les ressources de la science sont mobilisées. Des experts en quarantaine vont ainsi utiliser la thermographie à infrarouges à partir de cette semaine pour détecter les passagers ayant de la fièvre afin d'empêcher la diffusion du virus de la pneumonie atypique au Japon. Le système est capable de détecter sur chaque individu une température supérieure à 38 degrés et les personnes en question apparaissent alors comme une silhouette rouge sur l'écran du thermographe. Mais alors que la pneumopathie atypique mobilise et monopolise l'attention, la mort d'un vétérinaire néerlandais, contaminé par le virus de la peste aviaire qui sévit aux Pays-Bas et menace les élevages d'Europe, suscite la crainte qu'une mutation du virus de cette "grippe du poulet" n'engendre une nouvelle épidémie humaine. Le virus en cause, "un virus aviaire influenza A/H7N7, responsable de la peste aviaire classique, n'a provoqué jusque là que des symptômes bénins, essentiellement des conjonctivites", explique Bernard Vallat, directeur général de l'Office international des épizooties, basé à Paris. "Ces virus influenzae aviaires sont très surveillés car ils ont une propension à muter et à devenir dangereux pour l'homme", rappelle-t-il. Les contacts entre virus humain et aviaire de grippe peut favoriser, par le biais d'échanges et recombinaisons génétiques, l'émergence d'une nouvelle souche susceptible de provoquer une nouvelle pandémie, comme la "grippe de Hong Kong" de 1968 ou pire la "grippe espagnole" de 1918-1919 qui, rappelons le, avait fait plus de 20 millions de morts. Toutefois, selon le virologue Albert Osterhaus (Rotterdam), le décès du vétérinaire, qui n'avait pas pris d'antiviraux contre la grippe, est "un cas isolé". Il faut cependant attendre les résultats des analyses du virus H7 de la victime pour voir s'il a changé (muté) depuis son irruption en février, ainsi qu'une confirmation définitive de la cause du décès. "Au décès du vétérinaire le 17 avril, dont "la cause la plus probable" est le virus H7N7, s'ajoutent de "solides preuves" de transmission interhumaine du virus, selon le virologue Ron Fouchier (Centre Medical Erasme, Rotterdam) qui a relevé en trois occasions une transmission du virus par des ouvriers d'exploitations de volailles à des membres de leur famille. La grippe aviaire touche poules ou dindons, et les canards sauvages migrateurs, qui jouent un rôle de disséminateurs. Les Pays-bas ont abattu et incinéré plus de 15 millions de volatiles. Un massacre rappelant ceux auxquels s'est livré Hong Kong où un autre virus de grippe du poulet, le H5N1, a été isolé pour la première fois chez l'homme en 1997. Le virus H5, qui avait tué à l'époque six personnes à Hong Kong, est depuis sous surveillance, même s'il n'a pas réussi à se répandre dans la population. Les autorités sanitaires belges ont, pour leur part, ordonné l'abattage d'un million de poulets et volailles, afin d'arrêter la propagation de la peste aviaire. L'abattage va concerner toutes les volailles situées dans une zone de dix kilomètres autour d'une ferme dans la province du Limbourg, dans le nord-est de la Belgique, où le premier cas dans ce pays a été confirmé la semaine dernière. La maladie s'est propagée en Belgique en provenance des Pays-Bas où plus de onze millions de volailles ont été détruites depuis le début de l'épizootie en février. "Ce virus est très difficile à stopper", a expliqué Jef Tavernier, ministre en charge de la sécurité des consommateurs. Les mesures pour combattre cette peste aviaire comprennent, outre l'abattage des volatiles, le traitement par antiviraux anti-grippe des malades, et, à titre prophylactique, des personnels exposés, voire la vaccination anti-grippe, et, comme pour le SRAS, le lavage des mains. L'extermination pourrait toucher les cochons s'ils venaient à tomber malades, l'espèce contribuant à l'apparition de variants de virus grippaux. Mais pour l'instant seul un contact avec le virus H7 (présence d'anticorps) a été détecté chez certains d'entre eux aux Pays-Bas. Même si le SRAS et cette peste aviaire ne sont évidemment pas comparable, au niveau de l'ampleur de l'épidémie et de la dangerosité pour l'homme il est cependant nécessaire de rapprocher ces deux épidémies qui ont en commun d'avoir été provoqué par des virus issus d'animaux d'élevage (porcs et poulets) ayant probablement muté jusqu'à franchir la barrière interspécifique et à devenir pathogène, à des degrés divers, pour l'homme. Sous l'effet combiné et complexe de multiples facteurs, industrialisation de l'élevage, mobilité accrue des hommes et des marchandises par le transport aérien, modifications climatiques, nous devons malheureusement nous attendre dans les années à venir à une multiplication de ce type d'épidémies provoquées par de nouveaux virus "mutants". Il est donc urgent de prendre au niveau national, européen et mondial des mesures draconiennes de lutte et de prévention contre ces nouvelles épidémies qui peuvent s'avérer meurtrières pour l'espèce humaine. Il faut également intensifier notre effort de recherche, au niveau national et international, pour mieux comprendre les mécanismes biologiques fondamentaux qui permettent ces mutations et la propagation de ces épidémies. Face à ce nouveau défi scientifique, médical et sanitaire nous devons nous mobiliser pour apprendre à détecter, combattre et maîtriser rapidement et efficacement ces nouvelles menaces biologiques.

René TRÉGOUËT

Sénateur du Rhône

Noter cet article :

 

Recommander cet article :

back-to-top