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Un nanotube riche de promesses

Le nanotube sera-t-il le matériau du XXIe siècle? Cette molécule de carbone alimente tous les fantasmes depuis qu'elle a été découverte, voilà moins de dix ans. Les ingénieurs rivalisent d'imagination pour lui trouver de nouvelles applications. Tandis que les scientifiques se demandent désormais comment faire passer ces assemblages de milliers d'atomes de la paillasse de leur laboratoire à la machinerie des usines. Une tâche d'autant plus délicate que leur taille ne dépasse pas le dixième de millimètre. Dernière trouvaille en date: des chercheurs du CNRS de Montpellier et de Bordeaux ont mis au point un procédé permettant de produire industriellement des fibres en nanotubes. Dans un article précédé d'un élogieux commentaire, publié dans la revue américaine Science, l'équipe de Philippe Poulin (1) explique comment elle a réussi à confectionner des fils, longs de plusieurs dizaines de centimètres, à partir de ce matériau cent fois plus résistant que l'acier. Les chercheurs français, très en pointe dans ce domaine, ont réussi à les nouer et même à les tordre. La performance n'impressionnera pas, bien sûr, les couturières. Cependant, ces bobines ne seront pas, de toute manière, destinées à alimenter les rayons des merceries. Elles iront aux mains des spécialistes des matériaux, qui cherchent depuis longtemps à réaliser ce tour de force technique. Car, en théorie, un tel filin aurait d'étonnantes propriétés mécaniques: il permettrait de fabriquer des câbles aussi résistants que le diamant pour un poids six fois inférieur à celui de l'acier. Mais également, comme le précise Alain Pénicaud, l'un des signataires de l'article de Science, de mettre au point «des muscles artificiels, des fibres optiques que l'on pourrait diriger dans le corps humain, des draps qui, mis au vent, fourniraient de l'électricité, ou des textiles ultrarésistants capables de stocker l'énergie pour les spationautes». La première apparition de ces microscopiques assemblages remonte à 1991. Cette année-là, Sujio Ijima, un ingénieur de la société japonaise NEC, cherche à fabriquer des fullerènes. Ces molécules en forme de ballon de football, découvertes six ans plus tôt, suscitent alors de grands espoirs. Aussi Sujio Ijima expérimente-t-il une technique de production récemment mise au point par des collègues américain et allemand. Grâce à un arc électrique, il vaporise du graphite, dont les atomes de carbone doivent se réarranger pour former le précieux matériau. Mais, surprise... dans la suie ainsi obtenue il observe d'étranges structures inconnues. Ressemblant à une sorte de long grillage enroulé dont les mailles sont constituées d'atomes de carbone, cent mille fois plus fines qu'un cheveu, de dix à cent mille fois plus longues que larges, elles sont fermées sur les côtés par une paire de capuchons: ce sont les nanotubes. Ils constituent, avec les fullerènes, la troisième forme cristalline du carbone, après le diamant et le graphite. Aussi solides que ce dernier, ils ont l'avantage d'être beaucoup plus rigides. Les chercheurs et les ingénieurs comprennent vite tout le parti qu'ils peuvent tirer de ces «microcigares». Leurs propriétés électroniques en font des candidats prometteurs pour la fabrication de supercondensateurs équipant des batteries de véhicules électriques, ou pour la mise au point de composants électroniques moléculaires. On pourrait tirer profit de leurs formes originales pour le stockage de l'hydrogène dans les piles à combustible des voitures de la prochaine génération. Quant aux applications purement mécaniques des fibres de nanotube, elles sont innombrables. Le Prix Nobel de chimie 1996, l'Américain Richard Smalley, a même suggéré de s'en servir pour réaliser les câbles d'un ascenseur futuriste pour engins spatiaux. Cet élévateur céleste relierait par un filin la Terre à un satellite géostationnaire en orbite... à plus de 35 000 kilomètres de notre planète ! Jusqu'ici, rares sont les applications à avoir réellement vu le jour. Seules quelques firmes, à l'image de Samsung, de Motorola ou de Thales (ex-Thomson-CSF), semblent, pour l'instant, avoir trouvé un débouché rentable pour ces nanotubes dans la technologie des écrans plats. Car deux obstacles majeurs demeurent. Le premier tient à la difficulté de produire massivement ces molécules, qui coûtent aujourd'hui entre 500 et 4 000 francs le gramme. Les techniques de laboratoire actuelles sont beaucoup trop dépensières en énergie: elles consistent à vaporiser du graphite à plus de 3 000 degrés, à l'aide d'un arc électrique ou d'un laser. D'autres voies sont cependant à l'étude: ainsi, à Font-Romeu (Pyrénées-Orientales), les chercheurs utilisent la chaleur produite par le four solaire d'Odeillo pour usiner des nanotubes. Une société américaine basée à Houston (Texas), Carbon Nanotechnologies Inc., opte déjà pour un autre matériau de base: le monoxyde de carbone (CO), qu'elle brûle à 1 000 degrés. Grâce à cette technique, l'entreprise annonce qu'elle devrait atteindre prochainement une production de 100 grammes par jour. Deuxième difficulté : passer du stade de la molécule unique à celui d'un ruban ou d'un fil. C'est cette étape qu'ont en partie réussi à franchir les chercheurs de Bordeaux. Leur astuce: rajouter un polymère, l'une de ces longues chaînes d'atomes semblables à celles constituant le plastique, à une solution de nanotubes. «Nous nous sommes alors aperçus que les nanotubes s'agrégeaient en petits paquets, explique Alain Pénicaud. En agitant la pipette, ils s'orientaient pour former un ruban. Séché, celui-ci se contractait : nous avions une fibre.» Les fils produits n'ont pas encore la résistance de l'acier. Mais la première étape a été franchie. Les chercheurs ont décidé d'exploiter leur idée en créant une start-up à Montpellier, Nanoledge : elle devrait débuter prochainement la fabrication des premières bobines.

Express : http://www.lexpress.fr/Express/Info/Sciences/

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