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Des nanocapteurs à base d'ADN pour observer les facteurs de transcription

Des scientifiques de l'Université de Californie, Santa Barbara (UCSB) ont mis au point une série de capteurs nanométriques, à base d'ADN, permettant de détecter rapidement et facilement certains facteurs de transcription dans un échantillon biologique. Cette méthode pourrait faciliter grandement l'étude de phénomènes biologiques naturels ou pathologiques et constituer un outil utile pour le développement pharmaceutique. Cette étude a été réalisée en partenariat entre UCSB et l'Université de Rome Tor Vergata (URTV) et les résultats ont été publiés dans la revue Journal of the American Chemical Society.

On considère généralement que les gènes constituent le plan de fonctionnement d'un organisme vivant. Ils encodent ses spécifications et renferment les informations nécessaires à la synthèse des protéines nécessaires à l'organisme. L'expression d'un gène est le processus par lequel l'information que ce gène contient est décryptée et utilisée par la machinerie biologique pour synthétiser la protéine qu'il encode. Chez l'être humain, 23 paires de chromosomes, constituées au total de plus de 3 milliards de paires de bases, abritent les gènes codant pour ces protéines.

Le nombre exact de gènes est encore mal connu mais il est estimé aux alentours de 25.000 suite à la réalisation du Human Genome Project en 2003. Bien que cette estimation soit bien inférieure aux précédentes, il apparaît évident que l'ensemble des gènes n'est pas exprimé à un instant donné. Les mécanismes biologiques naturels (le développement embryonnaire, par exemple) et pathologiques reposent en partie sur des variations précises de l'expression de certains gènes. La régulation de l'expression des gènes est en partie due à une famille de molécules appelée "facteurs de transcription".

Les facteurs de transcription sont des protéines ayant la propriété de pouvoir se lier à une séquence d'ADN spécifique, généralement à proximité du gène qu'ils régulent. Les facteurs de transcription peuvent alors favoriser ou inhiber l'expression du gène en question, en modulant l'action de l'ARN polymérase, une enzyme réalisant la synthèse de l'ARN messager, support transitoire de l'information avant la traduction en protéine. Chez l'Homme, on estime à environ 2600 le nombre de protéines ayant la capacité de se lier à l'ADN et la majorité d'entre elles sont des facteurs de transcription.

De nombreuses études s'intéressent aujourd'hui aux "réglages" dynamiques générés par les facteurs de transcription au cours de phénomènes biologiques physiologiques ou pathologiques. La différenciation des cellules (c'est-à-dire le passage de l'état de cellule souche à celui de cellule différenciée) est l'un des principaux exemples du rôle primordial joué par les facteurs de transcription. En effet, toutes les cellules de l'organisme possèdent le même code génétique mais la régulation de l'expression des gènes au cours du temps permet de générer des cellules aussi différentes que des globules blancs et des cellules musculaires. Certaines maladies sont également causées par un dérèglement de l'expression de certains gènes, et peuvent potentiellement être diagnostiquées par l'étude des facteurs de transcription.

L'étude des facteurs de transcription est donc devenu un aspect important des recherches biologiques et pharmaceutiques. Aujourd'hui, pour réaliser cette étude, il est nécessaire d'extraire les protéines contenues dans un échantillon biologique, de les purifier puis de les analyser : un processus long et parfois complexe. Les chercheurs de UCSB et de URTV ont mis au point des nanodétecteurs permettant de dévoiler rapidement et facilement la présence des facteurs de transcription dans ce même échantillon.

Ces nanodétecteurs sont des molécules chimériques, constituées d'un brin d'ADN flexible sur lequel ont été fixées deux molécules fluorescentes, à des endroits très précis. Le brin d'ADN contient la séquence spécifique sur laquelle le facteur de transcription recherché vient se fixer. En l'absence de facteur de transcription, la forme du détecteur, appelée conformation, oscille entre différents états. Dans ce cas, les molécules fluorescentes se neutralisent généralement et l'assemblage n'émet peu ou pas de lumière.

En revanche, lorsqu'il est mis en présence du facteur de transcription, la liaison de ce dernier avec la séquence d'ADN cible stabilise le détecteur dans une conformation particulière. Le placement des molécules fluorescentes a été étudié de façon à ce qu'elles ne se neutralisent pas lorsque l'assemblage se trouve dans cette conformation. Le nanodétecteur agit donc comme un interrupteur : il n'émet pas de lumière lorsqu'il est seul dans le milieu et s'illumine lorsqu'il est lié au facteur de transcription spécifique recherché.

L'élégance du système permet de détecter la présence d'un facteur de transcription par le biais d'une manipulation simple : l'échantillon cellulaire est broyé, afin de libérer le contenu des cellules, puis les détecteurs sont ajoutés au broyat. La mesure du rayonnement lumineux émis par le mélange permet de déterminer la concentration de facteur de transcription présente dans l'échantillon. Les chercheurs ont à ce jour pu mesurer la concentration cellulaire de trois facteurs de transcription (TATA Binding Protein, Myc-Max, et NF-?B) et pensent que cette méthode pourrait à terme permettre de suivre l'évolution de milliers de facteurs de transcription. Ce résultat préliminaire encourageant ouvre la voie à des méthodes de détection et de diagnostic rapides et peu chères qui pourraient avoir de nombreuses applications.

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