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Mieux comprendre l'impact de l'acidification accélérée des océans

Sortir du laboratoire pour aller constater in vivo, au fond de la Méditerranée, comment réagissent coquillages et plantes aquatiques face à l'acidification des océans due au CO2 : une simulation inédite en Europe est en préparation près de Nice. Les chercheurs vont déposer au fond de la rade de Villefranche-sur-mer une sorte d'aquarium rectangulaire en plexiglas où ils maintiendront, pendant plusieurs mois, les niveaux d'acidité attendus pour 2050 et pour 2100.

"On a beaucoup travaillé sur les organismes isolément, mais la nature, ce sont de nombreuses espèces. Pour essayer de prévoir l'océan en 2100, il faut voir comment la communauté d'espèces réagit", souligne Jean-Pierre Gattuso, directeur de recherche au Laboratoire d'océanographie de Villefranche (CNRS-Université Pierre et Marie Curie). Le gaz carbonique (CO2), émis en quantités de plus en plus importantes par l'homme, est le principal gaz à effet de serre à l'origine de la hausse de la température mondiale. Mais il est aussi responsable d'une acidification rapide des océans, qui absorbent le quart du CO2 émis.

Selon les scientifiques, les valeurs de pH (plus un pH est faible, plus l'acidité est élevée) enregistrées aujourd'hui n'ont jamais été rencontrées depuis 800.000 ans. Plus alarmant : une étude parue récemment dans la revue américaine Science soulignait que cette acidification se faisait à un rythme sans précédent depuis... 300 millions d'années. De 8,2 en 1800, le pH moyen des océans pourrait atteindre 7,75 vers 2100. Une baisse a priori peu spectaculaire mais qui signifie en fait que l'acidité océanique pourrait avoir été multipliée par 2,5 en 300 ans, selon M. Gattuso.

Ce phénomène, et surtout sa rapidité, bouleverse la chimie des océans en diminuant la disponibilité en ions carbonates, une "brique" utilisée par les organismes marins pour fabriquer leur coquille ou leur squelette (coraux, mollusques, oursins, etc.). Autour de l'île volcanique d'Ischia, en Italie, où l'acidité de l'eau est naturellement plus élevée en raison des quantités importantes de CO2 relâchées par des failles sous-marines, "aucune espèce n'a pu s'adapter au pH attendu pour 2100" au niveau global, souligne l'océanographe. Des incertitudes nombreuses demeurent mais des études ont aussi montré des impacts possibles sur l'alimentation ou la reproduction de certains poissons.

L'acidification galopante des océans peut en revanche être une bonne nouvelle pour certaines espèces comme la posidonie, une plante aquatique utilisée comme nurserie par certains poissons et appelée à proliférer avec davantage de CO2. C'est pour mieux comprendre ces effets négatifs ou positifs que les chercheurs ont décidé de mettre "sous cloche" certaines espèces - concrétions calcaires et posidonie principalement - dans le cadre du projet eFOCE.

Ce projet, financé par la fondation BNP Paribas, s'inspire d'expériences pionnières actuellement menées en Californie par le Monterey Bay Aquarium Research Institute (MBARI) et en Australie. La "cage" de 2 mètres de long sur environ un mètre de large, présentée à la presse avant d'être prochainement déposée par 15 à 30 mètres de fond, est "beaucoup plus qu'une simple boîte, c'est un système complexe", précise l'ingénieur américain Paul Mahacek.

Dotée d'enregistreurs de luminosité, de température ou de courants, elle permettra surtout, grâce un capteur pH relié à une réserve de CO2, de maintenir constamment à l'intérieur une acidité supérieure à celle de l'extérieur. La phase de test doit se poursuivre quelques mois avant le lancement de l'expérience elle-même, début 2013.

Libération - Sciences

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