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Une meilleure compréhension du lien entre mémoire et stress

Nous mémorisons plus facilement un événement stressant qu’un événement agréable. Cette mémorisation des événements négatifs est partagée par pratiquement toutes les espèces capables de comportements, preuve qu’il s’agit probablement d’une capacité sélectionnée au cours de l’évolution : elle permet la survie dans un environnement hostile.

Toutefois, l’exposition à des événements très stressants peut entraîner chez certains individus un état pathologique dont l’état de stress post-traumatique (ESPT) est l’exemple le plus emblématique. Aux Etats-Unis, on estime ainsi que ce syndrome touche 6,8 % de la population générale et que 30 % des vétérans de la guerre du Vietnam en sont atteints et 12 % des vétérans de la guerre du Golfe.

Dans cet état de stress, la mémoire de la personne est perturbée : elle n’est plus capable d’adapter sa réaction de peur au "bon" contexte et aux "bons" éléments prédictifs. Elle prend peur dans des situations qui ne présentent aucune menace. Les peurs deviennent alors de plus en plus envahissantes jusqu’à empêcher une vie normale. "Si vous êtes attaqué par un lion dans la savane alors qu’une nuée d’oiseaux vole dans le ciel, il sera normal d’éprouver un sentiment de peur lorsque vous reviendrez flâner dans la savane, la fois suivante, détaille Pier-Vincenzo Piazza. En revanche, vous ne devriez pas être apeuré si, en vous baladant sur un green de golf, un autre espace naturel ouvert, vous apercevez ou entendez des oiseaux à l’horizon.", précise le Directeur de recherche de l’Inserm. Si c’est le cas, vous avez peut-être développé un état de stress post-traumatique, conséquence de votre attaque par de lion.

Les groupes de Pier-Vincenzo Piazza et Aline Desmedt montrent que ces difficultés de mémorisation associées à l’ESPT ne sont pas spécifiques à l’être humain et sont retrouvées chez la souris. Pour cela, les chercheurs ont conditionné des souris à anticiper une menace (un choc électrique) plus ou moins forte par un contexte spécifique (un environnement annonciateur), et à distinguer ce contexte spécifique de stimuli présents lors du conditionnement mais qui ne prédisent pas la menace (un son). En condition normale, les souris montrent une réaction de peur quand elles sont exposées au contexte spécifique (l’environnement annonciateur) de la menace mais ne réagissent pas au son qui ne la prédit pas.

Les chercheurs ont alors administré, après la session de conditionnement, des concentrations croissantes d’hormones glucocorticoïdes, la principale réponse biologique au stress chez les mammifères. Si l’administration de glucorticoïdes suit une menace intense, comme les personnes en état de stress post traumatique, les souris ne parviennent plus à restreindre la réponse de peur au "bon" contexte, et aux bons indices annonçant l’éventuelle menace. Les animaux commencent à montrer de la peur en s’immobilisant en réponse à des indices qui étaient présents pendant la situation stressante mais qui ne prédisent en rien la menace. Ces résultats montrent donc que l’ESPT résulte probablement d’une surproduction de glucocorticoïdes chez certains sujets au moment de l’événement traumatique.

Ces difficultés de mémorisation induites par les glucocorticïdes sont accompagnées par une réorganisation de l’activité du cerveau, et en particulier du circuit hippocampe-amygdale, un des circuits essentiels à l’encodage des souvenirs associés à la peur. Dans les conditions normales, quand une personne associe une menace à un contexte, on observe une forte activité dans l’hippocampe, la structure du cerveau nécessaire pour tous les apprentissages qui associent un contexte spécifique, un espace, à un événement. En revanche, l’activité de l’amygdale est faible. L’amygdale est une zone du cerveau aussi impliquée dans la mémoire émotionnelle, mais elle mémorise les indices spécifiques, comme des sons, qui prédisent la menace.

Quand les sujets sont soumis à une augmentation des glucocorticoïdes et que des déficits de mémoire qui caractérisent l’ESPT sont observés, l’activité dans l’hippocampe baisse, celle relevée dans l’amygdale augmente. En état de stress post traumatique, les chercheurs notent donc une inversion de l’activité normale du cerveau. L’activité anormale dans l’amygdale peut expliquer le fait que le sujet commence à "sur-répondre" à des prétendus indices, présents au moment de l’événement traumatisant mais qui ne sont pas, en eux-mêmes, prédictifs d’un quelconque danger. L’activité faible dans l’hippocampe peut expliquer que le sujet ne reconnaît plus le bon contexte : il est donc incapable de d’avoir une réaction de peur uniquement face à une situation appropriée.

"L’ESPT n’est pas seulement un souvenir excessif de la situation traumatisante mais surtout un déficit de mémoire qui empêche la personne atteinte de restreindre sa réaction de peur au contexte qui prédit la menace", expliquent les chercheurs. Dans le syndrome de stress post traumatique, un fort souvenir de l’événement traumatisant est associé à l’amnésie du contexte environnant cet événement. Certains éléments du contexte, présents lors de l’événement traumatisant, sont considérés, à tort comme prédictifs de l’événement.

En conclusion, les auteurs expliquent que les problèmes de mémorisation dus à l’ESPT semblent être causés par une réponse biologique au stress anormale chez certains individus : une production excessive de glucocorticoïdes simultanée à une exposition à un stress intense provoque, chez ces individus, une inversion de l’activité normale des structures du cerveau qui encodent les souvenirs liés à la peur.

Inserm

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  • hourry

    16/03/2012

    bonjour, vos article concernant la mémoire sont très intéressants, surtout la nouvelle découverte concernant la stimulation du cerveau sans passer par l'hypocampe , je souhaite vivement lire d'autres articles concernant la mémorisation. cordialement, hourry

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