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Edito : L’extraordinaire efficacité des vaccins à ARN contre la Covid-19 ouvre une nouvelle ère dans l’histoire de la médecine

Depuis l’arrivée des premiers vaccins contre le coronavirus, fin 2020, plusieurs questions scientifiques capitales restaient sans réponses claires. Il s’agit, premièrement, du niveau de protection conféré par une précédente infection à SARS-CoV-2 ou induit par la vaccination, contre les nouveaux variants B.1.1.7 et B.1.351, détectés respectivement au Royaume-Uni et en Afrique du Sud, deuxièmement, de la capacité des vaccins à ARN à réduire ou empêcher la transmission du virus et, enfin, de la durée réelle de protection immunitaire offerte par ces vaccins à ARN contre le coronavirus et ses variants. Depuis quelques jours, nous disposons enfin de plusieurs études épidémiologiques, très solides, qui nous apportent des éléments de réponse particulièrement positifs et encourageants sur ces trois interrogations.

Dans une première étude, une équipe française de Pasteur a confirmé que si le variant « britannique » est neutralisé de façon presque identique au virus de référence, son homologue « sud-africain » nécessite des concentrations 6 fois plus élevées d’anticorps pour être neutralisé (Voir Institut Pasteur).

Les chercheurs de l’Institut Pasteur, en collaboration avec les centres hospitaliers d'Orléans, Tours, Créteil, Strasbourg et l’Hôpital Européen Georges Pompidou, ont évalué la sensibilité de ces deux variants aux anticorps neutralisants présents dans les sérums de personnes précédemment infectées ou vaccinées. Point important de cette étude, les scientifiques ont travaillé sur de véritables virus et non des pseudovirus. L’équipe française a montré que le variant anglais (B.1.1.7) est neutralisé par 95 % des sérums de ces participants infectés recueillis jusqu'à 9 mois après l’apparition des symptômes, des résultats comparables à ceux obtenus pour la souche d’origine D614G. S'agissant du variant sud-africain (B.1.351), il est neutralisé dans 40 % des sérums de patients ayant été infectés par le SARS-CoV-2- recueillis jusqu'à 9 mois après l’apparition des symptômes. Mais ces recherches montrent qu'il faut six fois plus d'anticorps pour neutraliser le variant sud-africain.

Mais, on le sait, L'immunité acquise utilise deux types d'immunités : d’une part, l'immunité humorale, qui repose sur des molécules solubles, les anticorps ; d’autre part, l'immunité cellulaire, qui repose sur les lymphocytes T. Or, selon une autre étude publiée le 30 mars dans le Journal de l'Université d'Oxford, les lymphocytes T, baptisés « cellules T tueuses » parce qu'ils éliminent les cellules infectées, restent efficaces contre les variants plus contagieux du Covid-19 et contre les risques accrus de réinfection et de formes sévères de Covid-19 (Voir Oxford Academic). Dans ce travail, les scientifiques des Instituts nationaux de santé américains (NIH) et de l'Université Johns Hopkins ont analysé des échantillons de sang de 30 personnes ayant contracté le virus avant l'émergence des variants. L'étude avait pour but de savoir si ces lymphocytes T CD8 (une catégorie de globules blancs) étaient capables de reconnaître les trois variants majeurs du SARS-CoV-2: le B.1.1.7 (variant anglais), le B.1.351 (variant sud-africain) et le B.1.1.248 (variant brésilien).

Ces variants portent chacun une mutation dans la région de la protéine S (spike), et c'est ce qui les rend plus difficiles à identifier par les anticorps neutralisants. Confrontés au coronavirus, ces anticorps empêchent le virus d'infecter les cellules. Les lymphocytes T, eux, éliminent les cellules déjà infectées. Cette étude américaine est très importante, car elle montre que la réponse des cellules tueuses reste puissante et que celles-ci continuent à reconnaître pratiquement tous les variants, contrairement aux anticorps. Ces deux études complémentaires montrent donc que les vaccins actuellement disponibles semblent moins efficaces, en ce qui concerne l'immunité humorale (Anticorps) contre certains variants, comme le variant sud-africain, mais semblent tout de même stimuler suffisamment l'immunité cellulaire (Lymphocytes T), pour que celle-ci reconnaisse et combatte vigoureusement ces nouveaux variants.

Parmi les pistes possibles qu'étudient les scientifiques, on trouve la possibilité d'une troisième dose, pour "booster" le système immunitaire, ou encore la combinaison de plusieurs vaccins. Le Royaume-Uni envisage, en septembre prochain, un vaccin de "rappel", légèrement modifié, capable de faire face aux variants, pour les personnes de plus de 70 ans, afin de les protéger contre les nouvelles variantes du coronavirus.

Selon le virologue Marc Van Ranst, de l'Université Catholique de Louvain, l'Europe ferait bien de faire de même et devrait, dès à présent, anticiper dans la lutte contre ces variants, en prévoyant à la fois un rappel à l'automne avec des vaccins à ARN "adaptés" aux nouveaux variants, mais aussi en faisant monter en ligne des vaccins à virus inactivés, comme celui que prépare Valneva, qui, au lieu de se concentrer sur une petite partie du virus - la protéine S, dite "Spike" - utilisent le coronavirus dans son ensemble pour développer une réponse immunitaire plus large et plus forte.

Mais s’il est maintenant avéré que l’efficacité des vaccins à ARN  provoque une réponse immunitaire forte, tant humorale que cellulaire, sur le coronavirus, et l’ensemble de ses variants connus, est remarquable, deux autres études récentes viennent d’éclairer un autre point majeur qui faisait débat chez les scientifiques, celui de la capacité des vaccins à ARN à bloquer ou à diminuer fortement la transmission du virus. La première étude a été réalisée sous l'égide des Centres de Contrôle et de Prévention (CDC), principale agence fédérale de santé publique aux Etats-Unis, à partir de données recueillies entre décembre 2020 et mars 2021, et concernant 3 950 membres du personnel de santé (Voir CDC).

Au cours de cette période, 2.479 personnes ont reçu les deux doses du vaccin de Pfizer ou Moderna, 477 n'ont reçu qu'une dose de l'un des deux, le troisième groupe - 994 personnes - n'a pas été vacciné. Les participants de cette étude ont été dépistés chaque semaine avec un test PCR. Les résultats de cette étude rigoureuse sont clairs : les vaccins Pfizer ou Moderna protègent contre les formes graves de la maladie, mais aussi contre les infections. Cette étude montre que, "sur le terrain", ces vaccins se sont avérés efficaces à 90 %, après la deuxième dose, pour prévenir les infections au coronavirus. Ces recherches montrent également que les risques d’être contaminés diminuent déjà de 80 %, deux semaines après la première dose.

Autre point capital, ces travaux confirment que les vaccins à ARN ne permettent pas seulement de protéger contre les effets du virus, mais empêchent également le virus d'entrer dans l’organisme, et diminuent drastiquement les cas asymptomatiques. L'étude précise en effet que « Parmi les infections qui se sont produites, seulement 10,7 % étaient asymptomatiques. Cela signifie que les personnes vaccinées sont très peu susceptibles de transmettre le virus lorsqu'elles ne présentent pas de symptômesCela signifie également qu'à mesure que les taux de vaccination continuent d'augmenter, le virus aura de moins en moins d'hôtes possibles ».

Cette étude vient donc confirmer celle publiée le 10 mars dernier  (Voir Oxford Academic CID) par des chercheurs de la Mayo Clinic Rochester, qui montrait que les vaccins anti-COVID à ARN messager permettaient de réduire considérablement le risque d'infection asymptomatique au COVID-19 et donc le risque de propagation à bas bruit du virus. Rappelons que cette étude de la Mayo Clinic a permis d’analyser les données d’une cohorte de 39.000 patients ayant subi des tests PCR COVID-19 entre le 17 décembre 2020 et le 8 février 2021 à la Mayo Clinic du Minnesota et en Arizona. Les résultats de ce travail sont également sans équivoque et montrent que les patients sans symptômes ayant reçu les 2 doses de vaccin à ARN, ont un risque réduit de 80 % d'être testés positifs, par rapport aux personnes non vaccinées.

Ces études récentes sont en parfaite cohérence avec celle réalisée en février dernier en Israël. Dans ce pays qui est le premier à avoir vacciné massivement sa population, une étude menée conjointement par le ministère israélien de la Santé et Pfizer a révélé que le vaccin développé par Pfizer et son partenaire allemand BioNTech réduisait les risques d'infection de 89,4 % dans les cas asymptomatiques et de 93,7 % dans les cas symptomatiques. Une seconde étude, réalisée par le centre hospitalier israélien Chaim Sheba, situé à Ramat Gan près de Tel Aviv, et publiée dans le « Lancet », a montré, pour sa part, que sur les 7.214 membres du personnel hospitalier ayant reçu une première dose de vaccin en janvier, on observait une réduction de 85 % des cas symptomatiques de COVID-19 dans les 15 à 28 jours, avec une réduction globale des infections (Voir The Lancet).

S’agissant enfin de la question, elle aussi essentielle, de la durée de protection immunitaire conférée par les vaccins à ARN, les laboratoires pharmaceutiques Pfizer et BioNTech ont publié, le 1er avril, un rapport d’analyse révélant que le vaccin montrait une efficacité de 91,3 % contre les formes symptomatiques de la COVID six mois après la seconde injection. Ces résultats encourageants, cohérents avec les prévisions initiales, indiquent que l’immunité générée par le vaccin se maintient bien pendant plusieurs mois (Voir Pfizer). Ces nouvelles données publiées par Pfizer indiquent également qu’une étude menée en double aveugle contre placebo sur 800 participants en Afrique du sud a montré que neuf cas de Covid-19 ont été détectés, tous dans le groupe placebo, ce qui conforterait l’hypothèse selon laquelle le vaccin Pfizer reste efficace contre le variant sud-africain…

Ces résultats sont les premiers à démontrer que le vaccin reste efficace pendant de nombreux mois, ce qui conforte sérieusement l’hypothèse que les personnes vaccinées maintenant devraient être suffisamment protégées au moins jusqu’à l’automne. L’analyse des participants à l’essai de phase 3, qui a recruté 46 307 personnes, a identifié 927 cas symptomatiques de COVID-19. Parmi ceux-ci, 850 étaient dans le groupe placebo de l’essai et 77 dans le groupe vaccin. Il y avait 32 cas de COVID sévère, tel que défini par les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) des États-Unis, dans le groupe placebo, et aucun dans le groupe vacciné.

Les résultats sont publiés alors que des scientifiques britanniques confirment de fortes réponses immunitaires chez les personnes âgées qui avaient reçu deux injections du vaccin Pfizer. Des tests sanguins sur 100 personnes âgées de 80 à 96 ans ont révélé que 98 % produisaient de fortes réponses anticorps après deux doses du vaccin administrées à trois semaines d’intervalle. Les niveaux d’anticorps ont plus que triplé après la deuxième injection. Cette étude confirme que le vaccin Pfizer peut être très efficace contre la COVID, même chez les personnes âgées les plus vulnérables, dont les réponses immunitaires sont beaucoup plus faibles aux vaccins et aux infections naturelles. Cette étude indique également que les données recueillies sur 2 260 adolescents vaccinés aux Etats-Unis « ont démontré une efficacité de 100 % et des réponses d’anticorps robustes ».

Cette étude a également porté sur la réponse immunitaire dite « cellulaire », celle qui fait intervenir les lymphocytes T. Comme je l’ai rappelé plus haut, les anticorps protègent contre l’infection en neutralisant le virus et en l’empêchant d’infecter les cellules, mais les cellules T détruisent les cellules humaines déjà infectées et peuvent par ailleurs favoriser la production d’anticorps au fil du temps. Sur ce point important, l’étude montre qu’après les deux injections du vaccin, les deux tiers des participants montraient des réponses de lymphocytes T détectables.

Cette étude très attendue vient conforter d’autres travaux qui montrent que les patients vaccinés avec les vaccins à ARN ont une bonne protection immunitaire pendant une durée allant de 6 à 8 mois, comme en atteste la présence d’anticorps huit mois après la vaccination, pour les 9/10 des patients. Au-delà de 8 mois, nous n’avons pas encore assez de recul pour estimer le niveau de protection immunitaire qui subsiste, mais la plupart des immunologistes estiment que le système immunitaire est suffisamment performant pour mettre les personnes ayant été infectées à l’abri de formes sévères, si elles devaient être malheureusement réinfectées par le coronavirus.

Il est important de souligner que Pfizer-BioNTech et Moderna ne devraient pas longtemps rester les seuls vaccins à ARN contre la Covid-19 disponibles sur le marché. Deux autres vaccins à ARN sont en effet à un stade très avancé de développement, le vaccin CVnCoV, du laboratoire allemand Curevac, et celui de la société américaine Novavax, baptisé NVX-CoV2373. Le laboratoire allemand Curevac, qui a développé un vaccin à ARN messager contre le Covid-19, vient d’annoncer, dans le cadre d’une coopération avec le laboratoire britannique GlaxoSmithKline, la poursuite de ses essais cliniques très encourageants pour inclure de nouveaux variants du virus, et a confirmé son objectif de mise sur le marché au deuxième trimestre 2021. Curevac est par ailleurs déjà allié aux géants pharmaceutiques suisses Novartis et Allemand Bayer et Novartis pour pouvoir produire et fournir à l’Union européenne 405 millions de doses, dès que l’Agence européenne des médicaments (EMA) aura donné son autorisation à la mise sur le marché de son vaccin, sans doute avant l’été. Ingmar Hoerr, cofondateur de CureVac, promet un vaccin « moins cher et plus accessible » que celui de ses concurrents.

Le vaccin à ARN Novavax est, pour sa part, actuellement en essai clinique de phase 3 et devrait également être disponible à la fin du deuxième trimestre 2021. Il repose sur la technique des protéines recombinantes : il contient la protéine Spike du SARS-CoV-2 (qui permet au virus de pénétrer dans nos cellules) et un adjuvant à base de saponine. Le vaccin Novavax se conserve dans des réfrigérateurs normaux et est administré en deux doses à 21 jours d’intervalle comme le Pfizer. Deux essais de ce vaccin ont été menés. Le premier au Royaume-Uni auprès de plus de 15 000 participants âgés entre 18 et 84 ans, dont plus de la moitié touchés par le variant britannique, a montré une efficacité remarquable de 95,6 % contre la souche originale du Covid-19 et à 85,6 % contre le variant britannique. L’efficacité moyenne a été évaluée à 89,3 %. L’autre essai a été mené sur 4400 patients en Afrique du Sud ; il a montré une efficacité de 55 % sur le variant sud-africain, considéré à ce jour comme le plus dangereux. Au final, ces deux études ont montré que ce vaccin Curevac fournissait une excellente protection, à la fois contre les formes légères et plus graves de la maladie.

Nous devrions donc disposer, d’ici cet été, en plus des vaccins classiques AstraZeneca et Johnson and Johnson, de quatre vaccins à ARN contre le coronavirus, présentant tous un excellent niveau de sureté et d’efficacité, y compris contre les variants anglais et sud-africain. Cette panoplie plus large de vaccins à ARN pourra, le cas échéant, être adaptée et complétée d’ici l’automne, de manière à intégrer, si nécessaire, de nouveaux variants de la Covid-19. Sur ce point fondamental, il est très important de rappeler qu’une adaptation et une production de masse aussi rapide des vaccins intégrant ces nouveaux variants serait tout simplement impossible avec des vaccins « classiques », à virus atténués ou modifiés.

On le voit, ces nouveaux vaccins à ARN sont en train de jouer un rôle absolument décisif dans la lutte, puis la maîtrise de cette pandémie, qu’elle soit finalement éradiquée, ou qu’elle finisse par se transformer en pandémie saisonnière bénigne. Mais, au-delà de cette pandémie mondiale, c’est bien l’avenir de la vaccination dans son ensemble et de la médecine, qui va être, en seulement quelques années, totalement bouleversé par cette technologie incroyablement puissante, souple et évolutive de l’ARN messager, qui permet de faire fabriquer, « à la demande », par les cellules, une multitude de protéines ou des fragments de protéines d'un agent pathogène, de manière à mobiliser, avec une efficacité et une précision sans pareil, toutes les extraordinaires ressources de notre système immunitaire.

Le PDG de Pfizer, Albert Bourla, vient d’ailleurs d’annoncer que sa firme, dans le cadre d’un partenariat prolongé avec BioNTech, avait bien l’intention d’appliquer et d’étendre cette technologie de l’ARN messager à de multiples vaccins et de nombreuses pathologies, et l’on peut parier qu’avant la fin de cette décennie, la plupart des vaccins « classiques », grippe, tuberculose, rougeole, hépatite, pneumonie, méningite, basculeront vers la technologie ARN, ce qui permettra de produire des vaccins encore plus efficaces et sûrs contre ces maladies, puisqu’il deviendra possible de les modifier et de les adapter très rapidement, en fonction de l’évolution des bactéries et virus qu’ils doivent combattre.

Mais, outre la lutte contre les maladies infectieuses les plus mortelles, cette technologie à ARN est également appelée à révolutionner, je vous en reparlerai plus en détail prochainement, les traitements du cancer et de nombreuses maladies neurodégénératives graves, en ouvrant la voie vers la conception de traitements entièrement personnalisés, qui seront à la fois bien plus efficaces et bien plus confortables pour les malades.

Si elle veut rester dans cette course médicale et scientifique absolument stratégique et vitale pour votre avenir, la France doit, sans tarder, annoncer le lancement d’un grand plan « ARN » sur 10 ans, visant à mettre en place une structure fédératrice qui saura mobiliser toutes les ressources et compétences humaines dans ce domaine et sera dotée de moyens budgétaires garantis pour toute la durée de ce programme. Souhaitons que cet enjeu, si important, en termes de santé publique et de qualité de vie pour nos concitoyens, figure en bonne place dans les programmes des candidats à la prochaine élection présidentielle de 2022…

René TRÉGOUËT

Sénateur honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

email : tregouet@gmail.com

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