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L'espèce humaine est-elle vieille de deux millions d'années ?

Notre espèce aurait 2 millions d'années ! Telle est l'audacieuse affirmation de deux paléo-anthropologues américains, John Hawks, de l'Université de l'Utah, et Milford Wolpoff, de l'Université du Michigan. Leur article, écrit avec deux autres chercheurs, Keith Hunley et Sang-Hee Lee, est paru dans " Molecular Biology and Evolution ". Ce travail remarquable passe en revue pour la première fois l'ensemble des données paléontologiques, archéologiques et génétiques sur l'espèce humaine. La conclusion est claire : l'Homo sapiens est issu d'un goulet démographique qui a affecté une population d'australopithèques il y a 2 millions d'années. Depuis, il n'y a eu aucun autre événement comparable. Les humains actuels sont les descendants directs de l'espèce surgie au début du pléistocène et, à quelques détails anatomiques près, ils ne s'en distinguent pas. En clair, si le voyage dans le temps existait, un homme d'aujourd'hui pourrait s'accoupler et avoir des enfants avec une femme du pléistocène. " Toutes les preuves disponibles s'accordent avec une théorie "out of Africa", selon laquelle les humains ont évolué en Afrique il y a 2 millions d'années avant de se répandre dans d'autres régions du monde, dit John Hawks. Cette population initiale vivait avant toute colonisation humaine hors d'Afrique. C'est le fait de devenir humain qui a permis ces colonisations. " Juste au sortir du goulet démographique, qui a dû s'étendre sur quelque 50 000 ans (environ 2 000 générations), la population nouvelle devait compter à peu près 10 000 individus. Elle a ensuite connu une expansion continue, dépassant les 6 millions d'âmes à la fin du pléistocène (-30 000 ans), pour atteindre les 6 milliards actuels. Cette " théorie du big bang de l'humanité " - une explosion initiale qui se prolonge depuis - bouscule pas mal d'idées reçues sur les origines de l'homme. L'espèce vieille de 2 millions d'années, c'est dix fois l'âge que les scientifiques lui attribuaient jusqu'ici ! Selon la conception traditionnelle, l'" homme moderne ", celui d'aujourd'hui, serait apparu en Afrique il y a 200 000 ou 300 000 ans, avant d'essaimer dans l'Ancien Monde puis sur toute la planète. Les formes du genre Homo antérieures à 300 000 ans, dont il existe des traces dans tout l'Ancien Monde, sont habituellement considérées comme des " intermédiaires " entre l'Australopithèque et l'Homo sapiens et ont reçu des noms qui les distinguent du Sapiens, telles que Homo erectus ou Homo ergaster. Pour Hawks et Wolpoff, ces formes ne sont que des dénominations différentes de la même espèce. Il n'y a pas de saut entre l'homme moderne et les supposés intermédiaires. Jusqu'à présent, on avait tendance à distinguer deux grands volets dans l'histoire de l'humanité : le premier remontant à 2 millions d'années, le second correspondant à l'apparition de l'homme moderne il y a 200 000 ans. Dans les deux cas, on observe le même schéma d'une origine africaine suivie d'une colonisation des autres continents. Les principales différences étant que la conquête de la planète par l'homme moderne est beaucoup plus rapide et ne se limite pas à l'Ancien Monde (il n'y a pas de traces d'Erectus ou d'Ergaster en Amérique). Cette dualité soulève une difficulté : si les premiers hommes sont apparus en Afrique et ont commencé à émigrer dans l'Ancien Monde il y a au moins 1,5 million d'années, comment interpréter la deuxième conquête, celle de l'homme moderne, qui commence il y a moins de 200 000 ans ? Pourquoi cette double sortie d'Afrique à plus d'un million d'années d'écart ? Si Erectus correspond à une espèce distincte de l'homme moderne, faut-il admettre que ce dernier a supplanté tous les peuplements humains antérieurs de l'Afrique et de l'Asie ? Comment expliquer un tel phénomène de rouleau compresseur, alors même que les indices archéologiques suggèrent plutôt une continuité entre les anciens Homo et les modernes ? Faut-il supposer une innovation biologique spectaculaire, telle qu'une augmentation du volume cérébral. " C'est vrai que notre cerveau est plus gros que celui de nos ancêtres, admet John Hawks. Mais la question est de savoir quel est le schéma de cet accroissement ? Se produit-il par un saut brusque ? Dans ce cas de figure, il faudrait y voir la preuve d'un événement biologique, signifiant probablement l'apparition d'une nouvelle espèce. Mais ce que nous observons, c'est au contraire que la taille du cerveau a augmenté progressivement au cours du dernier million d'années. On ne voit pas de trace d'un saut, ou d'une série de sauts. Notre espèce a vu son cerveau augmenter, mais il n'en résulte pas qu'il y ait eu une nouvelle spéciation. Nous avons changé par rapport aux anciens hommes, tout comme nous avons changé depuis l'invention de l'agriculture. Pour autant, ces changements sont compatibles avec une espèce unique. " Une argumentation analogue peut être développée sur le plan de la génétique. On ne trouve pas, dans les gènes des humains actuels, les traces d'une espèce ancestrale. L'avantage de la théorie de Hawks et Wolpoff est qu'elle fournit le cadre le plus simple qui soit compatible avec l'ensemble des connaissances actuelles. L'humanité remonte en droite ligne à la population issue du goulet démographique d'il y a 2 millions d'années et a entrepris de coloniser la planète dès qu'elle en a eu les moyens, c'est-à-dire grosso modo dès qu'elle a atteint un effectif suffisant, ce qui a quand même demandé plusieurs centaines de milliers d'années. Tous les peuplements humains correspondent à la même espèce, y compris les Néandertaliens. Jusqu'ici, l'on considérait que l'ascendant direct de l'homme, le dernier chaînon entre australopithèques et Sapiens, était Homo habilis, dont on a trouvé de nombreux vestiges remontant à près de 2 millions d'années, et dont le crâne de 600 à 700 cm3 semble très humain. Là aussi, la " théorie du big bang " chamboule les idées en vigueur : " Les fossiles connus d'Homo habilis sont postérieurs à 2 millions d'années, donc à nos ancêtres directs, dit John Hawks. Homo habilis ne peut pas être notre ascendant direct, il est trop tardif. Il est du type australopithèque, avec un petit corps et un petit cerveau. On peut le classer comme un australopithèque tardif. Il faut imaginer, il y a 2 millions d'années, un monde bien différent de celui d'aujourd'hui, dans lequel de nombreuses sortes de petits hominidés bipèdes coexistaient avec nos grands ancêtres au cerveau développé. Ainsi, la conjonction de circonstances fortuites et de contraintes biologiques a fait surgir des arbres une espèce nouvelle, dans des conditions extrêmement improbables qui auraient pu aussi bien aboutir à une disparition pure et simple

Nouvel Obs ( article résumé par @RTFlash) : http://www.nouvelobs.com/epoque/epoque1.html

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