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L’écorce, clé de la verticalité des arbres

Comment fait un arbre pour parvenir à se maintenir vertical ? Comme les humains, les végétaux ont besoin d’un « squelette », assuré par la rigidité de la tige ou du tronc, et d’un système moteur qui contrôle leur posture en développant des forces pour lutter contre la gravité. Les biomécaniciens ont longtemps pensé que cette fonction motrice résultait des seules forces internes agissant dans le bois. Mais l’équipe de Bruno Clair, du laboratoire écologie des forêts de Guyane, à Kourou, et du laboratoire de mécanique et génie civil de Montpellier, vient de montrer que cette fonction est aussi assurée par une autre structure : l’écorce.

Pour comprendre le rôle de l’écorce, il faut d’abord s’intéresser au rôle du bois. Lorsqu’un arbre pousse, du bois se forme petit à petit, par couches successives, tout autour du tronc. Si une branche plus lourde pousse d’un côté, par exemple, l’arbre est déséquilibré. Il doit alors compenser ce poids en grandissant, faute de quoi il finira par tomber. « L’arbre continue de fabriquer du nouveau bois tout autour du tronc, sous l’écorce, mais en modulant son épaisseur et sa tension : du côté opposé au déséquilibre, l’épaisseur du bois formé sera plus importante et surtout il sera plus en tension », explique Bruno Clair. C’est un peu comme pour un poteau tenu par des câbles : s’il penche d’un côté, il suffit de tirer le câble à l’opposé pour le remettre droit. De même, dans l’arbre, le bois plus tendu tire sur le tronc pour le redresser.

Mais le bois n’agit pas seul. Bruno Clair et ses collègues ont cultivé des arbres tropicaux attachés à un tuteur incliné à 45 degrés. Après quelques mois de croissance, la suppression du tuteur entraînait immédiatement le redressement de la tige. Cependant, chez certaines espèces, ce redressement n’avait pas lieu si on enlevait l’écorce ! Celle-ci jouait donc un rôle crucial dans le contrôle de la posture.

Les chercheurs ont montré que c’est la structure de l’écorce qui lui confère ce rôle. Dans l’écorce, les fibres sont organisées en treillis, c’est-à-dire sous forme d’un réseau à mailles en losange. Lorsque l’arbre est déséquilibré, une plus grande quantité de bois se crée du côté opposé au déséquilibre. À cet endroit, la circonférence de l’écorce va donc augmenter, si bien que les treillis sont étirés latéralement. Par leur structure en losange, ils vont en retour engendrer des forces de traction verticales, le long du tronc. Ces forces sont plus importantes du côté opposé au déséquilibre, puisque plus de bois y est créé et l’écorce est plus étirée. Cette asymétrie va entraîner le redressement de l’arbre.

Dans leur expérience, les chercheurs ont constaté que l’écorce était plus développée sur la face supérieure des arbres et que les faisceaux du treillis de fibres (ou flammes) y étaient très écartés par des cellules de parenchyme (des cellules de remplissage) dilatées. Cette configuration entraîne bien un étirement vertical.

Coupe anatomique d’un jeune arbre de Cupuaçu (Theobroma grandiflorum) ayant poussé sur un tuteur incliné. Au centre, les tissus fragiles de la moelle. Autour, le bois, plus développé sur la face supérieure avec un tissu très riche en parenchyme et presque dépourvu de fibres. Enfin, à l’extérieur, l’écorce, plus développée sur la face supérieure avec les faisceaux du treillis de fibres organisés en flammes (en rouge), écartée par des cellules de parenchyme dilatées (en bleu).

Ce sont donc non seulement le bois mais aussi l’écorce qui contribuent à maintenir les arbres droits. Reste à savoir dans quelle proportion : « Il y a une grande diversité de mécanismes selon les espèces. Chez certaines, le bois contribue très peu, chez d’autres le bois et l’écorce contribuent à part égale. Il serait aussi intéressant de savoir si l’arbre crée en premier des cellules d’écorce ou de bois lorsqu’il a besoin de se redresser », explique Bruno Clair.

Comprendre précisément cette capacité des arbres à pousser droit pourrait s’avérer intéressant pour s’en inspirer : « Les arbres sont des machines très peu énergivores et capables, en optimisant l’organisation de leurs tissus, de redresser des troncs dont le diamètre atteint parfois plusieurs dizaines de centimètres. C’est une source d’inspiration potentielle pour la science des matériaux », conclut le chercheur.

Article rédigé par Georges Simmonds pour RT Flash

Pour La Science

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