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Edito : L'ascenseur spatial, un rêve qui pourrait devenir réalité

Développé il y a 25 ans dans le fameux roman de science-fiction Arthur C. Clarke "Les fontaines du Paradis", le concept d'ascenseur spatial, montant le long d'un câble de 100.000 km s jusqu'à une station située en orbite géostationnaire fait désormais l'objet d'un véritable intérêt scientifique et n' apparaît plus comme un rêve inaccessible. Une conférence scientifique de haut niveau consacré à cet extraordinaire projet vient d'ailleurs de se tenir à Santa Fe (Nouveau Mexique) avec la participation, en vidéoconférence, depuis son domicile de Ceylan, d' Arthur C. Clarke qui a réaffirmé pour l'occasion sa foi dans l'utilité et la faisabilité de ce projet avant la moitié de ce siècle. Il est vrai que depuis le roman de Clarke la technologie a considérablement progressée avec notamment la découverte, en 1991, des nanotubes de carbones (découverte pressentie de manière géniale par Clarke qui avaient imaginé dans son roman des "hyperfilaments" aux propriétés physiques proches des nanotubes de carbones).

A la lumière de ces progrès technologiques, le projet initial qui semblait un peu fou et pour beaucoup irréalisable, a fait depuis plusieurs années l'objet d'études de faisabilité scientifique rigoureuse qui ont débouché, en mars 2003, sur le rapport final du NIAC (Agence Nationale des Concepts Avancés), qui conclut à l'intérêt économique et scientifique de ce projet et sa faisabilité pour un coût raisonnable (voir le dossier du NIAC www.niac.usra.edu/files/studies/final_report/pdf/521Edwards.pdf, la présentation de la NASA http://flightprojects.msfc.nasa.gov/fd02_elev.html, et l' article de Space.com Business

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). S'appuyant sur ce rapport, la réunion organisée par Bryan Laubscher, chercheur du Los Alamos National Laboratory, a permis d'entendre plus de 20 présentations sur tous les aspects de cet ascenseur de l'espace, de ses méthodes de construction à son coût, en passant par les dangers qu'il peut présenter pour l'environnement. La faisabilité d'un tel projet est devenu une réalité avec la mise au point au début des années 1990 des nanotubes, ces tubes microscopiques d'un diamètre de l'ordre du nanomètre, formés d'une ou de plusieurs feuilles de carbone d'une résistance largement supérieure à tous les matériaux de construction actuels. "Le premier qui construira un ascenseur spatial sera propriétaire de l'espace", a estimé M. Laubscher en expliquant qu'un tel ascenseur pourrait se déplacer le long d'un câble "long de 100.000 Km qui permettrait de transporter une charge utile au-delà de la ceinture d'astéroïdes", du système solaire. Pour lui, "de nombreux projets d'exploration spatiale déjà élaborés peuvent être repensés dans le contexte de l'existence d'un ascenseur spatial". Le chercheur David Smitherman, du centre spatial Marshall de la Nasa, a décrit la technologie de l'ascenseur spatial "dont la structure s'étendrait de la surface de la Terre jusqu'à une orbite géostationnaire, donnant à l'ensemble de la structure une rotation synchrone avec la Terre et maintenant sa position au-dessus de sa base située à l'équateur". Il a estimé qu'"une telle structure pourrait être utilisé comme système de transport de masse dans la dernière partie du XXIe siècle, pour le transport des personnes, de charges utiles, de carburant et d'électricité entre la Terre et l'Espace". Pour cet expert de la Nasa, la construction de l'ascenseur est rendue possible par les nanotechnologies qui ont permis la mise au point de nanotubes "dont la résistance est plusieurs centaines de fois supérieure à l'acier". Il a également cité les recherches en propulsion électromagnétique pour le transport à grande vitesse, une technologie qui servira selon lui le véhicule électromagnétique devant voyager dans l'Espace. La Nasa finance déjà des projets privés de recherche pour un tel ascenseur, parmi lesquels HighLift Systems, une société de Seattle (état de Washington, ouest) qui a créé en mars 2003 une première filiale LiftPort Inc, destinée à "transformer les recherches déjà menées en applications commerciales", a expliqué le président de l'entreprise, Michael Laine. Même la société américaine Otis a exprimé son soutien au projet dès 2000 en informant la Nasa que le numéro un mondial des ascenseurs avait "ce qu'il faut" pour aider l'agence spatiale américaine à réaliser son rêve. L'ascenseur spatial repose sur une idée simple, géniale et révolutionnaire : remplacer les fusées -au coût exorbitant, gourmandes en énergie et polluantes- par un câble reliant une station spatiale à la terre, le long duquel on pourrait hisser sur orbite, pour un coût 10000 fois plus faible, des véhicules de transport de passagers ou de fret. Selon les études, l'énergie requise pour hisser une charge utile de 6 tonnes sur orbite ne reviendrait qu'à 17700 dollars, soit 1,48 dollar/kg, contre 22000 dollars/kg aujourd'hui avec une navette spatiale. L'envoi d'un passager avec bagage (de l'ordre de 150 kg) ne coûterait que 222 dollars. Quant au coût de la construction de cet ascenseur, il est estimé à quelque 40 milliards de dollars, un coût tout à fait raisonnable, compte tenu de l'utilité et de la longévité de cet ascenseur spatial, et bien moindre que la construction de l'actuelle Station spatiale internationale qui devrait revenir à 60 milliards de dollars. Concrètement, l'ascenseur serait constitué d'un ensemble de câbles d'une longueur de 91000 km. Ce filin serait mis en orbite à l'aide d'une navette spatiale aidée de quelques propulseurs supplémentaires, qui, une fois en orbite géostationnaire, serviraient de contrepoids. Les forces centripètes repousseraient alors la partie haute du filin vers l'espace tandis que la partie basse serait attirée par la Terre, mettant le tout en tension. Ce premier lien serait capable d'envoyer plus d'une tonne en orbite. Il suffira ensuite d'utiliser ce premier câble pour en mettre en orbite de nouveaux. Ces filins seront constitués de nanotubes de carbone. Ces molécules composées de plusieurs milliers d'atomes de carbone sont 50000 fois moins épaisses qu'un cheveu et 600 fois supérieure à celle de l'acier à poids égal! Mais le plus gros défi technologique serait de construire 91000 Km de nanotubes car aujourd'hui la technologie ne permet d'en construire seulement quelques centimètres. Pourtant en seulement 4 ans les progrès dans ce domaine ont été considérables : en 1999, le plus long nanotube réalisé mesurait 100 nm. Aujourd'hui, certains laboratoires sont capables de faire croître des nanotubes jusqu'à ce qu'ils atteignent une longueur de 200 millions de nanomètres c'est-à-dire 20 cm. Autre défi, le ratio actuel nanotube/résine époxy est de 60/40. Il faudra réussir à descendre à 98/2. Une fois construit, l' ascenseur spatial pourrait permettre d'acheminer en orbite géostationnaire, à un coût mille fois moindre qu'aujourd'hui, des hommes et du matériel. Cette possibilité ouvrirait naturellement des perspectives immenses en matière de conquête, d'exploration et d'exploitation de l'espace, tant sur la plan scientifique qu'industriel. Il serait notamment possible de construire de grandes centrales solaires orbitales à un coût accessible aux pays en voie de développement, mais aussi de vastes unités de production de médicaments ou de matériaux nécessitant une fabrication en apesanteur. On pourrait également construire en orbite les vaisseaux d'exploration du système solaire, vaisseaux qui partiraient directement de bases orbitales, et non plus de la terre, ce qui permettrait d'énormes économies de poids et d'énergie. Ce projet d'ascenseur spatial pourra sembler à beaucoup utopique, irréalisable ou même fantaisiste. Je crois qu'il n'en n'est rien et que ce fantastique projet deviendra une réalité plus tôt que nous pouvons le penser. Rappelons-nous qu'il y a bientôt 100 ans, le vol historique des frères Wright ouvrait l'ère de l'aviation. Les enfants qui avaient été témoins de cet évènement pouvaient-ils un instant imaginer qu'ils verraient, seulement 66 ans plus tard, l'homme marcher sur la lune ! Avec l'ascenseur spatial, la conquête de l'espace entrera dans une nouvelle dimension et l'Humanité, après l'exploration de notre système solaire et la colonisation de Mars, pourra préparer, à l'aube du XXIIe siècle, son grand saut vers les étoiles.

René TRÉGOUËT

Sénateur du Rhône

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