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Edito : Internet Acte II

La 26e Conférence Internationale de l'IDATE qui vient de se tenir à Montpellier fut très intéressante. Le thème central en était l'ACTE II d'Internet. Les financiers présents avouèrent, avec humour, qu'ils espéraient récupérer au cours de ce second acte tout l'argent qu'ils avaient perdu lors du premier... Mais les informations les plus importantes nous furent indubitablement apportées par les scientifiques et les stratèges des opérateurs de télécommunications.

Ainsi, le Professeur Gilles Kahn, le nouveau patron de l'INRIA, ne nous cacha pas que fusionner le monde du téléphone portable et de l'Internet n'était pas aisé car le protocole IP n'avait pas été conçu pour cela. En raison des très nombreux petits réseaux locaux qui sont en train d'apparaître, peut-être serait-il pertinent de différencier les protocoles du réseau global IP et des millions de petits réseaux « ad hoc » qui vont apparaître ? Ce n'est qu'une question mais elle a le mérite d'avoir été posée...

Le Professeur Kahn a délivré aussi une autre idée-force en affirmant que « Maintenant les évolutions technologiques sont plus liées aux mass-markets qu'à la recherche militaire ou académique qui, dans un passé récent, tirait encore l'innovation ». Si ce qu'affirme le Professeur Kahn se révèle être pertinent, et tous les développements récents semblent converger pour vérifier cette affirmation, cela signifie que les nations puissantes comme les Etats-Unis ou l'Europe qui donnaient encore le tempo dans l'innovation technologique jusqu'à la fin du 20e siècle, vont inexorablement laisser leur place à l'Asie et plus précisément à la Chine et l'Inde.

Cela serait vrai aussi dans la définition des normes du Futur. Pour confirmer cette tendance lourde qui devrait obliger tous les pays d'Occident à réfléchir, Olivier Huart, Directeur Général de Cegetel nous a appris que 2 millions d'ingénieurs nouveaux étaient diplômés chaque année, et ce pour la seule Chine... Pendant ce temps-là, les combats entre tous les acteurs des télécommunications, de l'informatique mais aussi des médias seront particulièrement saignants en Europe dans ces prochaines années. Pourquoi ?

Parce que, comme je vous l'ai dit la semaine dernière, la voix qui est encore le principal revenu des opérateurs historiques (France Télécom, British Telecom, Deustch Telecom, etc...) va devenir gratuite quand elle va se transformer en VoIP. Niklas Zennström, créateur de Skype, qui nous a délivré un message tonique sur la téléphonie gratuite, ne les a certainement pas rassurés en nous révélant que depuis quelques semaines ce sont 100.000 internautes qui, chaque jour, téléchargent son logiciel Skype pour téléphoner gratuitement sur leurs ordinateurs.

De plus, bien que cela ait plutôt fait partie du non-dit pendant ces journées de l'IDATE, les opérateurs de téléphonie mobile (dont France Télécom est l'acteur principal dans notre Pays) ont une peur bleue, actuellement, de voir s'écrouler les revenus faramineux qu'ils tirent du SMS. Le financier, David Baverez, a bien résumé la situation quand il a affirmé avec humour que « le SMS, c'est le plus grand casse de ce début de siècle » (97 à 98 % de marge), d'autant plus inacceptable qu'il se fait sur le dos des mineurs. Les opérateurs de mobile n'auraient pas dû aller si loin...

Ils ressentent bien que le mariage du portable et de l'Internet ne va pas laisser le SMS dans sa niche dorée et que l'e-mail gratuit et rénové risque de prendre en masse sa place quand la Jeunesse va prendre conscience de la spoliation dont elle est victime. Ils ont beau essayer de réagir, par avance, avec le « talk-now », le mal est fait. Les ressources essentielles (Voix et SMS) des opérateurs de télécoms s'effondrant, ceux-ci vont devoir réagir avec vigueur : cela décidera de leur vie ou de leur mort.

Certains les voient arriver sur des plates-formes de services proposés aux consommateurs. D'autres en doutent car ces opérateurs historiques n'en ont pas la culture. Mais ils ont accepté de telles transformations dans ces 10 dernières années, depuis le début de la libéralisation des télécoms en passant du téléphone de papa à Internet, que plus rien ne nous surprendrait vraiment. Les voix semblaient plus concordantes à Montpellier pour penser que les grands opérateurs étaient à l'aube d'une étape historique dans le domaine de l'image.

Ainsi, Nicolas Dufourcq, responsable de Cap Gemini, a affirmé que ces opérateurs historiques allaient devenir des « super câblo-opérateurs » en mettant à la disposition du consommateur des images de Haute Définition (TV, Vidéo, Visio, 3D, etc...) dont il va devenir de plus en plus friand. Là, c'est tout le monde des médias qui se met à trembler devant une telle perspective. En se plaçant sur ces segments, les opérateurs historiques justifieraient leur course actuelle dans le déploiement effréné des hauts débits. Les techniciens ont alors discrètement repris la parole en précisant les caractéristiques de la techno xDSL à venir. Indubitablement, l'ADSL+, le VDSL et même l'UDSL n'ont pas fini de nous surprendre.

Mais plus les débits deviendront importants et plus petites seront les surfaces utilement desservies et plus la dissymétrie deviendra criante. Tout laisse penser que le xDSL restera une solution pertinente pour les 3 à 5 ans à venir mais qu'au-delà cela ne suffira plus. Aussi, mezza-voce, le responsable d'Alcatel a précisé qu'à nouveau l'optique commençait à frémir en France. Dennis Weller, Chief Economist de Verizon, l'un des principaux opérateurs américains, a annoncé que sa compagnie avait lancé un très gros programme d' « opticalisation » de son réseau jusqu'à l'usager. Il en va de la survie de ce leader, nous a-t-il dit. C'est une leçon que devraient méditer les opérateurs historiques européens...

René TRÉGOUËT

Sénateur honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

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