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Edito : EBOLA : l’Humanité doit faire face aux nouveaux virus

Depuis l’origine de l’Homme, les virus n’ont cessé de décimer les populations et de représenter un défi médical et sanitaire considérable. Entre 1918 et 1919, la fameuse « Grippe espagnole » a tué au moins 30 millions de personnes sur l’ensemble de la planète et peut-être, selon de récentes études (voir NCBI) 50 millions, c’est-à-dire autant que la seconde guerre mondiale !

Depuis un demi-siècle et alors qu’on avait pu croire dans les années 1960 que l’éradication des principales épidémies virales était à portée de main, de nombreux nouveaux virus redoutables sont apparus et ressurgissent périodiquement, provoquant parfois de redoutables vagues épidémiques  mortelles. Citons pour mémoire les virus de Marburg (1967), Lassa (1969), Ebola (1976), le SIDA (1981), le SRAS (2002), H1N1 (2009) et H3N2 en 2012.

Le Sida aurait déjà tué, pour sa part, environ 36 millions de personnes dans le monde et les différents virus de l’hépatite tueraient presque autant que le Sida et seraient responsables, selon l’OMS, de la mort d’environ 1,4 million de personnes par an dans le monde !

Actuellement, l’épidémie Ebola, qui s’étend en Afrique de l’Ouest, a déjà fait plus de 4 000 morts en quelques mois et commence à inquiéter sérieusement la communauté internationale. Outre son coût humain, qui pourrait se traduire par plusieurs dizaines de milliers de morts d’ici la fin de l’année, si ce virus n’est pas endigué rapidement, comme l’OMS l’a rappelé le 16 octobre, cette épidémie d'Ebola pourrait avoir, selon la Banque mondiale, un coût économique de 26 milliards d'euros d'ici le mois de décembre, si le virus se propage bien au-delà de la Guinée, du Liberia et de la Sierra Leone, ce qui compromettrait gravement et durablement le développement humain et économique d’une large partie de l’Afrique.

S’agissant d’Ebola, deux vaccins candidats sont à l'étude. L'un d'eux, le CHad3, basé sur les adénovirus du chimpanzé, est en cours de test sur des êtres humains, aux Etats-Unis. Le vaccin expérimental canadien, le VSV-EBOV contre le virus Ebola a donné de très bons résultats chez l’animal ; il est testé actuellement sur l'homme au Mali et pourrait être rapidement approuvé par l'Organisation Mondiale de la Santé (O.M.S.).

Parallèlement, une équipe de chercheurs français (Inserm, Institut Pasteur) et guinéens vient de lancer un essai clinique en Guinée sur une molécule expérimentale, le favipiravir, qui semble être en mesure de bloquer la réplication du virus Ebola. Ce médicament est déjà à l’essai contre la grippe résistante aux autres traitements antiviraux.

Sur le front du Sida, les avancées scientifiques se multiplient également : un vaccin d’un type entièrement nouveau contre ce virus HIV a été mis au point par une équipe franco-chinoise dirigée par le professeur Jean-Marie Andrieu, de l'Université Paris-Descartes, et Louis Wei Lu, directeur de recherche à l'Institut de recherche pour le développement (IRD), à Montpellier (Hérault). Expérimenté sur le macaque, cette vaccination a protégé durablement 15 animaux sur 16 d'une infection par le virus de l'immunodéficience du singe, équivalent chez cet animal du virus du sida. Il y a de nombreux autres essais de candidats vaccins mais cette approche est particulièrement originale car ce vaccin ne fait appel à aucune injection et peut être administré directement par voie orale. En fait, ce vaccin neutralise l'activation des cellules infectées nécessaire à la multiplication du virus.

Sur le plan thérapeutique, les traitements antirétroviraux ne cessent également de se diversifier et de gagner en efficacité. En ciblant des molécules clés du VIH, ils permettent de contrôler la charge virale et d’élever la population de lymphocytes T4, les cellules immunitaires ciblées par le virus. Cependant, l’interruption des thérapies entraîne presque toujours la réapparition très rapide du virus. Le VIH reste en effet toujours dans un état de latence dans l’organisme.

Le mécanisme par lequel le VIH persiste au sein de ses réservoirs viraux reste encore mal connu mais il pourrait être dû à sa capacité d'empêcher certaines cellules infectées de mourir par apoptose. C’est cette propriété qui permettrait au virus de rester « silencieux », prêt à ressurgir dès l’arrêt des médicaments.

Cependant, cela pourrait bientôt changer. Une équipe de la New Jersey Medical School aux États-Unis vient de mettre en évidence un nouveau médicament capable de tuer le VIH de manière permanente (Voir PLOS ONE).

La molécule en question, appelée ciclopirox, est déjà sur le marché et utilisée pour traiter certaines infections. En travaillant sur son mécanisme d’action, les chercheurs ont remarqué qu’elle était également capable de bloquer l’expression des gènes du VIH et d’empêcher sa multiplication dans les cellules. Mais il y a mieux : le ciclopirox agirait également sur les cellules infectées par le virus et provoquerait leur mort cellulaire. Ce médicament irait donc plus loin que tous les autres antiviraux et pourrait « débusquer » le VIH partout où il se cache et l’empêcher de former des réservoirs !

Sur le front de la lutte contre le virus de l’hépatite C, contre lequel il n’existe pas encore de vaccin, des avancées considérables ont eu lieu au cours des trois dernières années. Lorsque le virus de l’hépatite C a été découvert au tout début des années 1990, le seul traitement disponible était l’interféron-alpha et les taux de guérison de l’infection ne dépassaient pas 10 %. La combinaison de l’interféron et de la ribavirine permit ensuite de guérir environ 50 % des hépatites C chroniques traitées mais au prix d’effets secondaires lourds.

Depuis 2011, l’arrivée des premiers inhibiteurs directs du virus de l’hépatite C a permis, combinée à l’interféron et à la ribavirine, d’améliorer encore de 20 % les taux de guérison, mais seulement pour un certain type de virus qui représente environ la moitié des hépatites C traitées en France.

Au début de cette année, deux nouveaux médicaments, appartenant également à la famille des inhibiteurs de protéase du virus, sont venus s’ajouter à cette panoplie thérapeutique et permettent à présent, en association avec l’interféron et les autres molécules, d’arriver à des taux de guérison de 90 % après trois mois de traitement.

Mais la lutte contre les virus passe également par de nouvelles approches conceptuelles. Il y a trois ans, des chercheurs du laboratoire Lincoln, rattaché au prestigieux MIT, dirigés par Todd Rider, ont annoncé qu’ils avaient franchi une première étape importante vers la mise au point d’un traitement révolutionnaire contre une large variété de virus (voir PLOS ONE).

Le traitement appelé Draco, pour double-stranded RNA activated caspase oligomerizers, pourrait être aussi efficace contre les virus que les antibiotiques contre les bactéries. DRACO est conçu pour détecter des cellules qui ont été infectées par le virus et peut ensuite éradiquer uniquement ces cellules infectées. Pour parvenir à cette efficacité thérapeutique parfaitement ciblée, DRACO se lie à un type spécifique d’ARN propre aux infections virales. DRACO présente deux caractéristiques remarquables : il possède une action à large spectre et il est dépourvu de toxicité pour l'être humain.

Lors d'essais en laboratoires sur des cellules animales et humaines, ce nouveau traitement s’est montré efficace contre 15 virus dont celui de la grippe H1N1, du rhume commun, de la dengue, de la polio et plusieurs types de virus responsables de fièvres hémorragiques.

Pour parvenir à ce résultat, les chercheurs du MIT ont adopté une stratégie originale : pousser les cellules infectées au «suicide» pour ne laisser subsister que les cellules saines. Pour combattre l’infection virale, les cellules humaines disposent de protéines qui s’attachent à l’ARN double-brin et déclenchent une cascade de réactions stoppant la réplication des virus. Partant de ce mécanisme, les chercheurs ont réussi à combiner ces protéines avec une autre protéine qui pousse les cellules au suicide grâce au phénomène naturel appelé apoptose ou mort cellulaire programmée. Il en résulte une autodestruction de toutes les cellules infectées.

En laboratoire, Draco a déjà permis de guérir des souris infectée par le H1N1. Mais ces chercheurs sont convaincus que ce traitement pourrait également stopper les épidémies liées à de nouveaux virus. Des essais cliniques de phase I sont déjà en route sur l’animal et ce traitement révolutionnaire pourrait être disponible chez l’homme à l’horizon 2025.

Début 2014, une autre équipe du Laboratoire américain Charles Stark Draper (Massachusetts), dirigée par Jim Comolli, a annoncé que DRACO était efficace in vivo contre le virus de la grippe et trois virus de fièvre hémorragique, et in vitro contre 15 virus différents – parmi lesquels les virus du rhume, H1N1, les adénovirus, le virus de la poliomyélite, le virus de la dengue. Cette nouvelle approche antivirale a été expérimentée avec succès chez la souris mais également sur 11 types de cellules humaines et animales différentes, présentes dans différents organes, comme le cœur, les poumons, le foie et les reins (Voir R & D Magasine).

Mais même si les vaccins et les médicaments antiviraux restent les armes principales et irremplaçables contre les virus, de nouveaux outils issus de la physique, de la robotique et des nanotechnologies sont venus récemment s’ajouter à cette panoplie thérapeutique et pourraient permettre rapidement de nouveaux progrès décisifs dans la lutte et la prévention des épidémies virales les plus dangereuses.

Une entreprise texane, Xenex, a ainsi présenté récemment son robot destructeur de virus. Baptisé Little Moe, cet engin permet de détruire toutes les bactéries et les virus présents dans une pièce en moins de dix minutes. Commercialisé depuis 2010 pour un montant de 80 000 euros, Little Moe équipe déjà 250 hôpitaux aux Etats-Unis. Il émet des rayons ultra-violets qui endommagent l’ADN des virus, et les empêchent de muter et de se reproduire (Voir San Antonio Business Journal).

« Le nettoyage et la désinfection complète d’une chambre contaminée par un virus est une entreprise longue et très difficile. Mais notre robot peut remplir cette tâche rapidement et de manière sûre avec de simples rayons lumineux » indique Mark Stibich, l’inventeur de Little Moe. L’originalité de ce robot tueur de virus est d’employer du xénon, un gaz non toxique à la place du mercure. « La lumière dégagée par le xénon est environ 25 000 fois plus puissante que les UV émis par le Soleil, ce qui permet de désinfecter totalement une pièce en moins de 10 minutes » précise Mark Stibich.

Utilisé contre le virus Ebola, ce laps de temps pourrait même être réduit à environ deux minutes pour désinfecter une chambre contaminée et l’hôpital de Dallas vient d’ailleurs d’acquérir ce robot.

On imagine évidemment l’intérêt d’une utilisation à grande échelle de ce genre de robot dans les établissements de soins africains qui doivent accueillir les malades d’Ebola. Cinq robots conçus par une autre firme et baptisés « TRU-D » (Total Room Ultraviolet Disinfection) viennent d’être envoyés au Liberia où ils doivent être utilisés dans deux hôpitaux.

Mais la France est également en pointe dans ce nouveau défi scientifique et technologique. Il y a quelques jours, Calixar, une start'up de Macon et Virpath, un laboratoire lyonnais, ont présenté un purificateur d'air médical capable d'endiguer des virus mortels (Voir BioPharma Dive). Ce système innovant qui utilise un procédé électrochimique a déjà conquis l'Arabie Saoudite, un pays qui doit régulièrement affronter le coronavirus qui sévit lors du pèlerinage à la Mecque. Cette machine redoutable, capable de détruire virus, bactéries et molécules polluantes, et de produire un air tout à fait sain pourrait rapidement s’imposer, non seulement dans les structures de soins et les hôpitaux, mais également dans de nombreux bâtiments publics, crèches, écoles, maisons de retraite…

Enfin, il y a quelques semaines, une équipe américaine de l’Institut de bio-ingénierie de Harvard (Massachusetts) a présenté un dispositif encore expérimental qui a été testé sur des rats et s’est avéré capable de nettoyer physiquement du sang contaminé par des virus ou des microbes à l'aide de nano-billes magnétisées qui ont été préalablement injectées dans le système sanguin des cobayes.

Ces nanoparticules sont recouvertes d'une protéine sanguine humaine génétiquement modifiée, qui se lie spécifiquement aux agents pathogènes et aux toxines. Le sang contaminé par des bactéries ou des virus a ainsi pu être nettoyé à 90 % puis réinjecté sans problèmes dans les rats utilisés pour ces essais. A terme, les chercheurs pensent pouvoir éliminer par ce procédé la totalité des agents pathogènes –virus ou bactéries – responsables chaque année de la mort de plus de 6 millions de personnes dans le monde.

Dans cette lutte sans fin contre ces ennemis invisibles mais redoutables que sont les virus, dont l’extraordinaire capacité d’adaptation et de mutation est le fruit de plusieurs milliards d’années d’évolution, il est à présent clair que les outils médicaux et biologiques de prévention et de lutte –vaccins et antiviraux – ne suffiront pas et qu’il faudra également développer et utiliser à grande échelle de nouveaux outils de très haute technologie, issus de la physique, de la chimie, de l’informatique et des nanotechnologies.

Face aux menaces de très grandes ampleurs que font peser sur la santé humaine ces nouvelles épidémies virales, la communauté internationale doit mettre en œuvre sans tarder un vaste programme de recherche et d’action visant à déployer dans les régions les plus exposées à ces risques sanitaires ces nouveaux outils, en combinaison bien entendu avec la vaccination et l’utilisation des nouveaux médicaments antiviraux. Soyons certains que le prix à payer pour un tel programme mondial sera toujours infiniment moins élevé que le coût humain effroyable que pourrait avoir aujourd’hui au niveau mondial une épidémie comme celle de la grippe espagnole de 1918-1919.

Sans faire preuve d’une fierté déplacée, nous pouvons tout de même nous réjouir que notre Pays, présenté parfois comme déclinant, soit à la pointe de ce combat scientifique et technologique contre les virus. L’actualité brûlante concernant la propagation inquiétante d’Ebola dans le monde nous montre à quel point il est vital pour notre avenir de garder au plus haut niveau l’excellence de notre recherche scientifique et médicale et d’accroître notre effort financier collectif dans ce domaine si essentiel pour notre Pays et, au-delà, pour l’Humanité toute entière.

René TRÉGOUËT

Sénateur Honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

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  • zelectron

    20/10/2014

    - pourquoi pas les sulfamides ? (hypothèse non-vérifiée)

  • Jacques Tesseire

    20/10/2014

    "Ai-beau-là" ...?

    Nous avons continuellement le choix quantique précis de toutes nos énergies, y compris cellulaires, physiques.

    De nombreuses expériences scientifiques fines, sur les micro-organisme, les plantes, les animaux ont montré en fin du siècle dernier que l'intention maintenue et ciblée est toujours créatrice.

    A Soi de choisir les siennes pour éviter de finir "sOI-NIE-EST"...!

    Quelles vibrations préférons-nous intégrer ? Celles naturelles d'ensemble, d'Amour, de paix et de joie, de compassion...?
    Ou celles plus faciles mais combien destructrices et séparatrices de peur et de doute de Soi ?

    Entre les deux, ce sont des réalités opposées à mémoriser, à croire, donc à vivre !
    Livre "La science de l'Intention" éditions Ariane, ISBN978-2-89626-034-8

  • Martine MOULY

    27/10/2014

    Bonjour, je souhaite contacter René TRÉGOUËT pour un démenti

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