RTFlash

Edito : La diminution de la mortalité par cancer se confirme dans les pays développés

L'OMS estime qu'il y a dans le monde 12 millions de nouveaux cas de cancer par an et 7 millions de décès et ces chiffres pourraient malheureusement être multipliés par trois d'ici 2030, notamment à cause du vieillissement démographique de la planète. Mais si la mortalité par cancer augmente au niveau mondial, elle ne cesse de diminuer dans les pays développés depuis une vingtaine d'années.

En Europe, une étude publiée début 2011 dans la revue Annals of Oncology montre que, si l'on tient compte de l’augmentation de la population, le taux de mortalité par cancer a baissé de 7 % pour les hommes (721 000 décès en 2010) et de 6 % pour les femmes (560 000 décès en 2010) depuis 2007. Cette tendance est principalement due à la diminution des décès par cancer du sein chez la femme alors que chez l'homme, ce sont les cancers colorectaux et du poumon qui font moins de victimes. Selon cette étude très sérieuse, la mortalité par cancer devrait continuer à baisser en 2011 dans l’Union européenne, même si l'on constate bien entendu de grandes disparités entre pays. Cette tendance est observée pour tous les cancers, notamment ceux du poumon chez l’homme et du sein chez la femme.

Cependant, chez la femme, les mortalités par cancer du pancréas et cancer du poumon sont en légère augmentation. Cette diminution globale de la mortalité par cancer en Europe est d'autant plus remarquable que le nombre de nouveaux cancers a, lui, augmenté d'environ 20 % en Europe depuis 10 ans, ce qui montre bien que les progrès de la biologie et de la médecine ont fait reculer de manière très sensible la mortalité due à ce fléau.

Aux Etats-Unis, les derniers chiffres publiés en mars 2011 que le taux de mortalité globale due au cancer a baissé de 22 % chez les hommes et de 14 % chez les femmes entre 1990 et 2007, ce qui s'est traduit par 898.000 décès évités, selon la Société américaine contre le cancer.

Le rapport 2011 publié par le « Journal of the National Cancer Institute » montre qu'entre 2003 et 2007, le taux de mortalité par cancer a baissé annuellement de 1,6 %. Les statistiques américaines montrent notamment une très nette diminution des décès liés au cancer du poumon chez les femmes qui, 10 ans après les hommes, ont diminué leur consommation de tabac.

En outre, entre 2003 et 2007, ce rapport indique une diminution de 1 % par an du taux de nouveaux cancers diagnostiqués. A cet égard, le rapport 2011 montre chez les hommes une baisse de la fréquence des cancers du poumon, colorectal, de la cavité buccale, du pharynx, de l'estomac et du cerveau. Néanmoins, les taux de cancer du rein, du pancréas, du foie et de la peau ont, quant à eux, augmenté.

En France, le dernier rapport de l'Institut national du cancer intitulé « Dynamique d’évolution des taux de mortalité des principaux cancers en France » nous révèle une diminution globale de la mortalité par cancer depuis 20 ans et confirme la tendance déjà observée fin 2010 par le rapport de l'Institut national du cancer, en lien avec l’InVS et l’Inserm. Celle-ci est de 22 % pour les hommes et de 14 % chez les femmes.

La mortalité par cancer diminue chez l’homme en moyenne de 1,5 % par an, depuis 1989 et de 0,7 % par an chez la femme. Cette diminution résulte surtout de la baisse de la mortalité par cancers des voies aérodigestives supérieures (VADS), de la prostate, du poumon, de l’intestin et de l’estomac.

Cette étude confirme donc une tendance constatée dans tous les pays développés et notamment aux Etats-Unis et en Europe : si l'on tient compte de l'augmentation et du vieillissement de la population, la mortalité par cancer diminue régulièrement depuis une vingtaine d'années.

Aujourd'hui, 70 % des décès par cancer surviennent après 65 ans, dont 50 % après 75 ans et 20 % après 85 ans. La baisse de la mortalité se retrouve dans toutes les tranches d'âge, mais est particulièrement significative pour les plus jeunes. La mortalité avant 65 ans a diminué de 28 % chez les hommes, même si elle demeure supérieure à celle des femmes.

Il est remarquable de constater que toutes ces études très sérieuses et publiées dans des revues médicales de référence vont à contre courant de certains discours alarmistes qui ignorent les règles de l'épidémiologie et confondent incidence et mortalité. Cette baisse remarquable et continue de la mortalité par cancers est principalement due aux progrès constants enregistrés depuis 20 ans en matière de traitements et de détection précoce mais elle résulte également du changement d'habitudes, au premier rang desquelles la diminution de la consommation de tabac, observé dans certains pays .

Mais comme nous l'avons souvent souligné dans notre lettre, nous devons également faire un effort beaucoup plus important en matière de prévention car nous savons à présent qu'au moins 40 % des cancers sont provoqués directement ou indirectement par nos modes de vie et peuvent être évités en changeant nos habitudes alimentaires et en modifiant nos comportements : de récentes études ont en effet montré que la simple pratique régulière d'un exercice physique modéré diminuait sensiblement les risques d'apparition de nombreux cancers mais diminuait également les risques de récidives pour les personnes déjà atteintes par le cancer !

Enfin, dernier élément important mais négligé ou sous-estimé depuis des décennies, la prévention et la lutte contre les différentes formes de pollution, air, eau et sols. A cet égard, certaines études scientifiques montrent qu'il existe bien une corrélation entre le fait d'habiter à proximité d'un lieu fortement pollué par la circulation routière et le risque de développer certains types de cancer.

Une remarquable étude britannique publiée en 2005 dans la revue médicale britannique Journal of Epidemiology and Community Health est particulièrement éclairante à ce sujet. Portant sur 22.500 enfants décédés de leucémie ou de cancer entre 1953 et 1980 en Grande-Bretagne, elle montre que les enfants vivant à moins d’un kilomètre d’une source importante de pollution ont un risque sensiblement plus important de mourir d’un cancer).

Mais il faut également s'attaquer avec vigueur aux pollutions chimiques diffuses dans les bâtiments et habitations (notamment par les Composés Organiques Volatils présents dans de nombreux matériaux et produits) qui commencent seulement à être évaluées scientifiquement et sont enfin prises en compte dans l'élaboration de nouvelle normes sanitaires.

Il faut également poursuivre l'effort de réduction de l'utilisation de pesticides dans l'agriculture, prévu par les lois "Grenelle" et l'évaluation systématique, prévue par la Directive européenne "REACH", des effets sur notre santé des 100 000 substances chimiques qui composent notre environnement. En France, en actionnant simultanément l'ensemble de ces leviers, c'est au moins 60 000 cancers par an qui pourraient être évités en développant sur une génération une prévention à la fois globale et personnalisée des cancers.

Dans quelques années seulement, la possibilité de décoder intégralement et à bas coût le génome de chaque individu, combinée avec la connaissance fine de la "signature" génétique de chaque tumeur, permettront de mettre en oeuvre une prévention et des traitements entièrement individualisés et porteront au cancer un coup décisif. Mais quelles que soient les avancées de la science, la victoire finale contre le cancer passera également par la compréhension et la prise en compte des dimensions économiques, environnementales, sociales et culturelles de cette maladie redoutable.

René TRÉGOUËT

Sénateur Honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

Noter cet article :

 

Vous serez certainement intéressé par ces articles :

Recommander cet article :

back-to-top