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Edito : Défi énergétique, climatique et alimentaire : mobilisons toutes les ressources technologiques !

Une récente étude rigoureuse réalisée par la célèbre Université américaine d'Harvard et publiée par la prestigieuse revue "Nature" le 5 avril dernier, vient de porter un nouveau coup décisif au principal argument défendu par les "climatosceptiques" qui persistent à nous expliquer qu'il y a eu régulièrement, dans le passé de notre planète, des périodes de réchauffement climatique provoqué par des phénomènes naturels et cosmiques mais que le CO2 n'y serait pas pour grand chose et serait plutôt la conséquence de ce phénomène et non sa cause (Voir article).

S'appuyant sur l'analyse de nombreux échantillons géologiques provenant de toutes les régions du globe, cette étude montre en effet que, si une modification de l'orbite terrestre a probablement constitué l'événement déclencheur de la fin de l'âge de glace et du début du réchauffement planétaire constaté il y a 10 000 ans, c'est bien ensuite l'augmentation considérable de la concentration de CO2 qui a provoqué la fonte des calottes glacières puis, dans un processus de rétroaction positif redoutable, a accéléré les émissions massives de CO2 dans l'atmosphère, provoquant en retour, une nouvelle élévation de la température.

Cette étude qui confirme de manière très rigoureuse le rôle déterminant du CO2 comme cause majeure du réchauffement climatique, survient alors que de nombreux scientifiques tirent à nouveau la sonnette d'alarme en soulignant que notre rythme de diminution des émissions de gaz à effet de serre et notamment de CO2 reste très insuffisant pour atteindre l'objectif d'une limitation à deux degrés de la hausse moyenne de la température sur la terre à l'horizon 2050-2100.

C'est dans ce contexte et en admettant l'hypothèse probable que ni le développement massif et souhaitable des énergies renouvelables, ni les progrès dans les économies et l'efficacité énergétiques ne parviendront à répondre à eux seuls à l'explosion de la demande énergétique mondiale et à diminuer suffisamment nos émissions de CO2 (qui doivent être ramenées de 35 milliards de tonnes aujourd'hui à moins de 10 milliards en 2050), que plusieurs pistes techno-économiques commencent à être prises très au sérieux et fortement explorées. Nous en retiendrons trois particulièrement intéressantes qui pourraient changer la donne énergétique climatique et alimentaire d'ici 20 à 30 ans, à condition d'y consacrer les moyens de recherche suffisants et d'en faire des objectifs politiques majeurs.

Il s'agit, en premier lieu de la production d'hydrogène par les centrales nucléaires de prochaine génération (Réacteurs à Haute Température fonctionnant à des températures de 850 à 1000°) mais également par le parc nucléaire mondial actuel (440 réacteurs en service et 35 en construction). La question de l'utilisation massive de l'hydrogène comme vecteur énergétique se heurte en effet à un défi complexe : il faut parvenir à produire d'énormes quantités d'hydrogène avec le meilleur rendement énergétique possible, à un coût économiquement bas et surtout en émettant un minimum de gaz à effet de serre.

Il faut en effet savoir qu'un réacteur nucléaire de 1200 MW peut, en théorie, produire environ 140 millions de m3 d'hydrogène par an, ce qui est considérable. Mais l'électrolyse qui permet à partir de l’eau ou de la vapeur de séparer les atomes d'oxygène et d'hydrogène, est beaucoup plus efficace et économique lorsqu'elle utilise une vapeur très chaude.

On peut donc imaginer une adaptation de nos centrales nucléaires actuelles et une conception des futurs réacteurs qui intègrent la production d'hydrogène. L'idée est que les centrales actuelles puissent utiliser une électrolyse basse température en périodes creuses pour produire de l'hydrogène de manière particulièrement économique.

En outre, on peut imaginer que la prochaine génération de centrales nucléaires soit conçue pour produire simultanément de l'électricité et de l’hydrogène en étant capable de modifier constamment la part de production de ces deux vecteurs énergétiques complémentaires.

La deuxième piste concerne la capture et la séquestration du CO2 qui devra être utilisé à l'échelle industrielle si nous voulons à la fois répondre à l'augmentation inévitable de la demande énergétique mondiale et réduire massivement nos émissions de carbone pour mieux lutter contre le réchauffement climatique accéléré. Il faut en effet rappeler que, selon l'AIE (Agence internationale de l’énergie), la technologie "CSC" (Capture et Séquestration de Carbone) devrait contribuer pour un cinquième à la réduction des émissions humaines de CO2 d’ici à 2050, soit une contribution aussi importante que celle résultant de l'utilisation massive de l'ensemble des énergies renouvelables à cet horizon. Or, les grands pays développés maîtrisent à présent depuis une dizaine d'années les technologies de capture, de transport et de stockage du CO2 à grande profondeur.

En France, Total utilise depuis un an et demi sur son site de Lacq un système qui permet la capture du CO2 sur l'une de ses centrales à gaz puis son acheminement vers un site profond de stockage à raison d'environ 100 tonnes par jour. Mais la généralisation de ces dispositifs de piégeage et de stockage se heurte à un obstacle majeur : son coût. Le prix de la tonne de CO2 est en effet descendu à un niveau historiquement bas, de l'ordre de 8 euros la tonne en moyenne sur ces derniers mois et, pour que ces technologies de capture et de séquestration du carbone atteignent leur seuil de rentabilité, il faudrait que la tonne de CO2 coûte plus de 50 €. Il reste qu'au rythme d'augmentation actuel du prix des énergies fossiles, il n'est pas exclu que ce niveau des 50 euros la tonne de CO2 soit atteint entre 2015 et 2020, ce qui permettrait alors le véritable décollage économique de ces technologies.

La Commission européenne doit se prononcer dans les mois qui viennent sur son soutien au projet expérimental de capture et de stockage du CO2 sur le site sidérurgique d’Arcelor Mittal à Florange et d'autres projets du même type sont prévus en Pologne, en Grande-Bretagne et en Allemagne.

La Chine, pour sa part, qui est à la fois le premier consommateur d'énergie, le plus gros utilisateur de charbon et le premier émetteur de CO2 de la planète mise clairement sur ces technologies pour pouvoir exploiter ses sources d'énergie fossiles en réduisant très sensiblement ses émissions de CO2. Elle développe actuellement, en partenariat avec une société américaine un projet techno-industriel très ambitieux, "« GreenGen".
 
Dans un premier temps, cette centrale électrique très innovante de 250 mégawatts va produire un mélange de monoxyde de carbone et d’hydrogène, le syngaz. Ce mélange servira de combustible pour alimenter les turbines de cette centrale produisant de l'électricité. A moyen terme, la Chine a également prévu de réaliser une autre centrale pilote qui produira une vapeur d’hydrogène, via des piles à combustible, pour produire de l’électricité. Quant au CO2 produit, il sera récupéré et exploité à des fins industrielles. Enfin, à long terme, vers 2020, la Chine veut construire une centrale électrique de forte puissance (400 MW), d'un type nouveau intégrant un dispositif très performant de capture et de séquestration de CO2 dans le sous-sol. 

La troisième voie technologique très intéressante qui pourrait bouleverser le paysage énergétique mondial est celle de l'exploitation industrielle des fantastiques potentialités des micro-algues. L'objectif est quadruple : premièrement, produire à bas coût et de façon écologique des biocarburants de type biodiesel mais aussi de grandes quantités d'hydrogène pour répondre aux besoins de ce vecteur énergétique dans les transports. Deuxième objectif, utiliser les prodigieuses propriétés biochimiques de ces micro-algues pour utiliser et recycler de grandes quantités de gaz carbonique. Dans des conditions optimales, une tonne de CO2 permet de produire près de deux tonnes de micro-algues et l'on imagine aisément les immenses débouchés industriels que pourraient avoir ces micro-algues dans les secteurs d'activités fortement producteurs de CO2.

Troisième objectif, utiliser ces micro-algues pour assainir et retraiter de façon biologique les eaux usées. Enfin, dernier objectif mais non le moindre, alors que la surface agricole mondiale disponible stagne à cause de la pression démographique et de l'urbanisation et que les besoins alimentaires vont augmenter de 50 % d'ici 40 ans, ces micro-algues constituent une source nouvelle, remarquable et potentiellement immense, de protéines d'excellente qualité et contiennent de surcroît de précieux et utiles acides gras, comme les fameux oméga 3 et 6, nécessaires à une alimentation équilibrée et bénéfiques en terme de prévention cardio-vasculaire et neuro-cérébrale.

Ces trois voies techno-industrielles très novatrices mais encore pleines d'incertitudes et d'inconnues, synergie nucléaire-hydrogène, cogénération hydrogène-CO2 et exploitation industrielle, énergétique et alimentaire des micro-algues pourraient en une génération, de l'avis de nombreux scientifiques reconnus, changer notre monde, non seulement sur le plan énergétique et climatique mais également sur le plan alimentaire. La Chine, les Etats-Unis, la Russie ou le Japon ont parfaitement compris ces enjeux et ont lancé des projets et programmes de recherche ambitieux et à long terme pour aboutir à des ruptures technologiques dans ces voies d'avenir. Il est donc essentiel que la France et l'Europe, face aux défis de ce siècle, mettent également en oeuvre une politique de recherche industrielle et fondamentale, alliant recherche privée et publique, particulièrement volontariste dans ces domaines stratégiques qui seront peut-être au XXIe siècle ce que la vapeur, le pétrole et l'électricité ont été aux deux siècles précédents.

René TRÉGOUËT

Sénateur Honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

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  • Biomiscanthus

    20/04/2012

    Il n'y a pas plus sourd que celui qui ne veut pas entendre et pas plus aveugle celui qui ne veut pas voir. Par contre, les analyses sont bien réelles et les méfaits sur notre environnement bien effectifs

  • Biomiscanthus

    20/04/2012

    Il n'y a pas plus sourd que celui qui ne veut pas entendre et pas plus aveugle celui qui ne veut pas voir. Par contre, les analyses sont bien réelles et les méfaits sur notre environnement bien effectifs

  • HYDRO... GÊNE ? ALLONS DONC !!!

    Deux des principales (princes-si-pâles dans le Golf submergé ?) solutions ont été données :

    1) pour la rectification climatique et paysagiste du climat, L’HUMIDITÉ arborée au coefficient très performant à 35 fois moins effet de serre que l'air SEC...(sans tenir compte de la chaleur en trop...) http://greenjillaroo.wordpress.com ;

    2) la création le long des rivières et de fleuves, autant qu'on en veut, de moulins horizontaux (inspirés des cuves à pâte de l'ancienne activité cimentière en voie humide) à l’hydroélectricité durable propre, constante et souple (http://safeearthsolutions.wordpress.com - sous titre).

    Quelles questions inutiles se poser de plus ?

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