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La décohérence prise sur le vif

Sacré chat ! Depuis plus de soixante-dix ans il empêche les physiciens de dormir sur leurs deux oreilles. A sa décharge, il faut dire que tel qu'il a été imaginé par Erwin Schrödinger, il est lui-même dans état inconfortable : ni mort, ni vivant.

Dans cette expérience de pensée, le matou est enfermé dans une boîte avec un dispositif qui tue l'animal dès qu'il détecte la désintégration d'un atome d'un corps radioactif. Si les probabilités indiquent qu'une désintégration a une chance sur deux d'avoir lieu au bout d'une minute, la mécanique quantique indique que, tant que l'observation n'est pas faite, l'atome est simultanément dans les deux états (désintégré/ non désintégré). L'état superposé de l'atome se propage, en suivant scrupuleusement les règles quantiques, à l'état du chat qui devrait également être dans un état superposé (mort/vivant). Ce qui est bien entendu impossible dans le monde réel, c'est-à-dire au niveau macroscopique.

La théorie de la décohérence s'attaque à ce problème de la disparition des états quantiques superposés au niveau macroscopique. L'idée de base de la décohérence est qu'un système quantique ne doit pas être considéré comme isolé, mais en interaction avec un environnement possédant un grand nombre de degrés de liberté. Ce sont ces interactions qui provoquent la disparition rapide des états superposés.

Des chercheurs du CNRS/ENS/Collège de France ont réussi à « photographier » des photons en train de glisser d'un état quantique superposé vers un état classique en passant par une succession d'étapes intermédiaires. Ils ont ainsi réalisé le premier film de la décohérence. Pour ce faire, ils ont fabriqué une « boîte à photons » isolée de l'environnement au sein de laquelle les corpuscules de lumière sont préservés de toute interaction pour un temps suffisamment long (plusieurs dizaines de millisecondes) permettant de déterminer leur état quantique et d'étudier leur évolution.

L'état du système quantique est ensuite matérialisé sous la forme d'une figure géométrique, appelée fonction de Wigner, les états « normaux de la lumière » apparaissent comme des pics positifs au-dessus du plan de la figure. A l'inverse, les états superposés apparaissent comme des oscillations négatives sous le plan de la figure. Les mesures réalisées montrent que ces oscillations s'effacent progressivement, illustrant ainsi la transition d'un état superposé vers un état macroscopique « classique ».

Cette avancée, publiée dans la revue Nature du 25 septembre, ouvre la voie à la manipulation et au contrôle de la décohérence. La maitrise du phénomène permettra de conserver plus longtemps les propriétés quantiques de la lumière ; une nouvelle étape vers l'ordinateur quantique.

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