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Les créatures virtuelles deviennent de plus en plus « vivantes

« SPÉCIALISTE du personnage virtuel. » Telle est la qualité revendiquée par la société Attitude Studio, fondée en mars et dirigée par un jeune homme de vingt-quatre ans, Marc Viance. La première création de l'entreprise se nomme Eve. Elle a vingt-deux ans et toutes les ambitions. Un premier clip vidéo d'une minute trente démontre son réalisme. « La pierre angulaire de notre travail consiste à donner de la vie à nos personnages », résume Marc Viance. En quoi Eve se distingue-t-elle d'autres personnages virtuels tels qu'Ananova, la première présentatrice artificielle d'information (Le Monde du 21 avril), ou Lara Croft, l'héroïne du jeu vidéo Tomb Raider ? « La première n'existe que sur Internet, elle est coupée aux épaules et ne dispose que de deux formes de bouche tandis que la seconde n'évolue que dans des situations de combat et d'action sans grande expressivité du visage », répond sans ménagement le PDG. Attitude Studio prétend, avec Eve, créer une « véritable » personne. Relever un tel défi impose de franchir une étape technique décisive. Il s'agit en effet de doter le comportement de la créature virtuelle d'un degré de réalisme suffisant pour faire tomber le spectateur sous le charme. Intégrée à un décor artificiel ou réel en compagnie d'autres acteurs, en chair et en os ou en images de synthèse, Eve doit paraître vivante, faire preuve d'un caractère propre et exprimer des émotions humaines. La courte vidéo suffit pour démontrer que le pari est pratiquement gagné. Eve « existe » et, avec un peu d'entraînement, elle devrait rapidement démontrer qu'elle est « vivante ». Pour parvenir à un tel résultat, Attitude Studio ne lésine pas sur les moyens et va jusqu'à se priver de l'un des atouts du recours à l'informatique. En effet, au lieu de faire l'économie d'un acteur humain, elle fonde sa technique sur la numérisation en trois dimensions (3 D) du corps et du visage d'un comédien en chair et en os. L'entreprise fait appel aux techniques connues de capture de mouvement (motion capture). Plusieurs caméras enregistrent les déplacements dans l'espace de trente-six marqueurs, des repères visuels fixés sur les membres et les articulations de l'acteur. Thierry Mugler a utilisé ce procédé pour donner à son mannequin virtuel la démarche caractéristique des modèles de défilé de mode. A ce stade, le personnage virtuel peut être créé en associant des caractéristiques physiques prédéfinies, correspondant à Eve par exemple, et le jeu enregistré de l'acteur humain. Il ne reste plus qu'à intégrer l'ensemble dans un décor, réel ou artificiel, en tenant compte des effets de lumière et d'ombres. La recherche de réalisme peut s'appliquer également à des créatures aussi imaginaires que les célèbres monstres d' Alien en leur donnant des attitudes humaines. Un véritable comédien peut jouer une scène avec Sigourney Weaver avant qu'il ne soit remplacé par le corps fantasmagorique du visiteur venu de l'espace. « Les créatures de science-fiction sont souvent bipèdes », remarque Marc Viance. Et l'humanisation des monstres est déjà largement utilisée « comme dans Dragon Heart où le monstre prend des expressions de Sean Connery », précise-t-il. Au-delà des applications dans les trucages cinématographiques, Attitude Studio vise le débouché des nouvelles formes de narration issues des jeux vidéo. « D'ici quatre ans, les »films jouables« en trois dimensions envahiront Internet », assure Marc Viance en s'appuyant sur le succès rencontré au Japon par des jeux comme Shen Mue conçu pour Sega par « Yu Suzuki ». Le réalisme des images et la complexité des interactions avec environ 300 personnages tendent à donner au joueur une sensation croissante d'immersion dans l'univers du jeu et d'identification avec le héros dont il contrôle chaque geste. « L'objectif, c'est d'atteindre la même qualité d'image qu'au cinéma. » Attitude Studio est en cours de négociation pour lancer, d'ici six mois, un personnage de jeu vidéo. Une version exécutable via Internet est tout à fait envisageable pour Marc Viance. Il estime qu'un ordinateur équipé d'un modem 56 kbps et d'une carte accélératrice 3 D fournira des images fluides même si la définition sera inférieure à celle du CD-ROM ou du DVD-ROM.

Le Monde :

http://www.lemonde.fr/article/0,2320,seq-2077-131133-QUO,00.html

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