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Edito : Comment prévenir de manière très puissante la redoutable maladie d’Alzheimer
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Cette semaine, je vais évoquer de récentes études et recherches qui montrent qu'en combinant de manière intelligente et personnalisée l'alimentation, le mode de vie, et certains traitements pharmaceutiques préventifs et curatifs courants, il est possible de prévenir de manière très puissante la redoutable maladie d'Alzheimer, y compris chez les personnes malheureusement prédisposées à cette pathologie, pour des raisons génétiques.
Avant d'aborder cette question majeure de la prévention d'Alzheimer, je rappelle que deux nouveaux traitements, récemment autorisés aux Etats-Unis, devraient prochainement être disponibles en Europe. Il s'agit de deux anticorps monoclonaux, le lecanemab, dont les essais montrent qu'il ralentit le déclin cognitif des patients, et le donanemab, qui permet lui aussi de freiner, par un autre mécanisme, la progression de la maladie chez certains patients. Ces nouveaux médicaments, très attendus, sont les premiers à montrer des effets sur la maladie en ciblant les protéines béta-amyloïdes. Mais il est important de souligner que ces anticorps, qui ne s'adressent qu'à environ un tiers des patients (soit 300 000 malades en France), ne permettent que de ralentir, de 20 à 30 % selon les malades, le développement de la maladie d'Alzheimer, sans restaurer les capacités cognitives perdues. « Sachant que les malades d'Alzheimer peuvent vivre six ans de façon autonome après leur diagnostic, on peut espérer que ces deux nouveaux traitements permettent de gagner environ 19 mois où ils peuvent rester chez eux, et conserver des liens affectifs et sociaux », souligne le Professeur Amouyel, spécialiste de la maladie d’Alzheimer.
A plus long terme, deux autres approches thérapeutiques pourraient permettre de traiter la maladie d'Alzheimer de manière bien plus efficace, la technique des ultrasons focalisés et les vaccins thérapeutiques ciblés contre les protéines amyloïdes et Tau. Une équipe de chercheurs dirigée par Elisa Konofagou, professeur d’ingénierie biomédicale à l’université de Columbia, travaille sur de nouvelles techniques basées sur les ultrasons focalisés pour cibler l’administration de médicaments dans le cerveau en ouvrant de manière non invasive la barrière hémato-encéphalique (BHE) et moduler l’activité neuronale dans le système nerveux. Ces recherches ont montré que les ultrasons focalisés peuvent faciliter le traitement de la maladie d’Alzheimer, à la fois en améliorant la diffusion et l’expression de l’édition de gènes, et en stimulant l'action du système immunitaire qui va devenir capable d'éliminer les plaques de protéines pathogènes dans le cerveau. Selon Elisa Konofagou, « Cet effet synergique pourrait s’avérer essentiel dans le traitement de la maladie d’Alzheimer, en particulier à ses premiers stades » (Voir Theranostics).
Au Japon, des chercheurs de la Juntendo University (Tokyo) travaillent sur un vaccin thérapeutique prometteur, visant à éliminer les cellules sénescentes exprimant une glycoprotéine associée à la sénescence (SAGP). Par rapport aux autres candidats-vaccins contre Alzheimer, ce qui rend ce nouveau vaccin si intéressant, c'est sa capacité inédite à restaurer une fonction cérébrale normale. Ces résultats peuvent être obtenus en supprimant la suractivation de la microglie, une substance dont on sait à présent qu'elle joue un rôle essentiel dans le bon fonctionnement du cerveau (Voir EurekAlert).
Toutefois, il faut bien comprendre que ces ruptures thérapeutiques très attendues contre Alzheimer ne seront dans doute pas disponibles pour les malades avant plusieurs années et devront être validées par de longs mais indispensables essais cliniques sur l'animal, puis sur l'homme. Dans ce contexte, on comprend mieux pourquoi il est si important de mettre en œuvre dès maintenant une stratégie beaucoup plus ambitieuse de prévention active contre cette maladie ravageuse, en s'appuyant sur de récentes découvertes scientifiques.
Commençons par l'alimentation. Une récente étude, publiée en août dernier, réalisée par une équipe de chercheurs du Harvard T.H Chan School of Public Health, a montré, sur plus de 90 000 Américains, que la consommation d’huile d’olive pourrait limiter les risques de mourir de démence (Voir Neuroscience News). Ces recherches ont établi que les personnes qui consomment plus d’une demi-cuillère à soupe d’huile d’olive par jour ont 28 % moins de risque de mourir d’un déclin cognitif que celles qui ne consomment pas ce type d'huile dans leur alimentation. « Notre étude renforce les directives alimentaires recommandant les huiles végétales telles que l’huile d’olive et suggère que ces recommandations favorisent non seulement la santé cardiaque mais aussi potentiellement la santé cérébrale », assure Anne-Julie Tessier, principale auteure de l’étude. Plus largement, une vaste étude britannique, publiée en mars dernier 2023, montre que le régime méditerranéen réduit les risques de démence de 23 %, ce qui est considérable (Voir BMC Medicine).
Dans ce travail, les chercheurs ont analysé les données de 60 298 personnes dans le pays, en s’intéressant à leurs habitudes alimentaires pendant dix ans. Selon le Docteur Oliver Shannon, maître de conférences en nutrition humaine et vieillissement à l’Université de Newcastle, qui a dirigé cette étude, les résultats « suggèrent que manger un régime plus méditerranéen pourrait être une stratégie simple et efficace pour aider les individus à réduire leur risque de démence ». Rappelons que le régime méditerranéen repose sur une alimentation saine, composée de produits frais et non transformés, de féculents complets, huiles végétales et huile d’olive, et de poissons gras. Riche en vitamines, oméga-3, antioxydants et fibres, ce régime limite sensiblement les risques de cancers, de maladies cardiovasculaires et de déclin cognitif.
En juin 2022, des scientifiques américains et espagnols, dans une étude sur 1.490 adultes de plus de 65 ans, suivis pendant sept ans, ont par ailleurs montré que le risque de survenue de la maladie d'Alzheimer chez les volontaires ayant un taux sanguin d’oméga-3 DHA élevé était diminué de 49 % par rapport aux personnes ayant un faible taux d'omega-3. En outre, les auteurs ont noté qu'un apport accru en oméga-3 DHA pouvait en particulier diminuer le risque de souffrir la maladie d'Alzheimer chez les patients porteurs du fameux gène de prédisposition APOE-ε4, ce qui suggère que ces personnes plus vulnérables à la maladie pourraient bénéficier davantage de niveaux plus élevés d’acide docosahexaénoïque que ceux qui ne possèdent pas ce gène (Voir MDPI).
Des scientifiques de l’université de Californie ont mis en évidence le lien entre le mauvais cholestérol et la protéine amyloïde, présente dans le cerveau des malades d’Alzheimer. Les chercheurs ont effectué ces recherches sur 74 personnes âgés de 70 ans et plus. Ces travaux ont montré que, plus les taux de cholestérol étaient élevés, plus les plaques amyloïdes étaient présentes en grande quantité (Voir JAMA Network). Une autre étude néerlandaise publiée en 2019 a montré que la nilvadipine, un médicament bloqueur des canaux calciques utilisé contre l'hypertension, permettrait d'augmenter la circulation sanguine dans les zones de la mémoire et de l’apprentissage chez les personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer et pourrait peut-être prévenir ou ralentir la maladie. Cette étude du Centre médical de Nimègue (Pays-Bas) a découvert comment ce médicament améliore le flux sanguin, en particulier dans l’hippocampe (Voir AHA Journals). En 2017, des chercheurs de l'Université de Californie du Sud ont examiné les dossiers médicaux de 400 000 patients qui prenaient des statines (un médicament contre le cholestérol) quotidiennement et ont observé que 12 % des hommes et 15 % des femmes avaient un risque réduit de souffrir de la maladie d'Alzheimer. Cette vaste étude a également pu déterminer que deux de ces statines, la pravastatine et la rosuvastatine étaient particulièrement associées à un risque réduit de maladie d'Alzheimer chez les femmes blanches. « Le type de statine pour la bonne personne au bon moment peut fournir un moyen relativement peu coûteux de réduire le fardeau de la maladie d'Alzheimer » a déclaré le professeur Julie Zissimopoulos (Voir JAMA Network).
Des chercheurs de l'Université de San Diego ont montré qu'il est possible de corriger les perturbations circadiennes observées dans la maladie d'Alzheimer, grâce à une pratique de jeûne intermittent. Chez des souris nourries selon un horaire restreint, les chercheurs ont découvert que plusieurs gènes associés à la maladie d’Alzheimer ne s'exprimaient plus. Ils ont également constaté que ce type de restriction alimentaire contrôlée permettait de réduire la concentration de protéine amyloïde accumulée dans le cerveau. De manière très intéressante, cette étude modifie également l'approche théorique de cette redoutable pathologie. « Pendant de nombreuses années, nous avons supposé que les perturbations circadiennes observées chez les personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer étaient le résultat d'une neurodégénérescence, mais nous apprenons maintenant que ce pourrait être l'inverse : les perturbations circadiennes pourraient être l'un des principaux moteurs de la pathologie d'Alzheimer » a déclaré l'auteur principal de l'étude, Paula Desplats.
Dans le cadre d'une étude épidémiologique, une équipe de chercheurs de l'Université de Californie a suivi, durant neuf ans, 579 personnes âgées de 60 ans et plus. Les résultats montrent que les personnes qui consommaient environ 400 microgrammes (µg) par jour d'acide folique ont deux fois moins de risques de contracter la maladie d'Alzheimer que celles dont l'apport est moindre (Voir NIH). Appelée aussi vitamine B9, l'acide folique pourrait abaisser les taux sanguins d'homocystéine, une substance associée aux troubles cardiovasculaires. Selon Maria Corrada, qui dirigeait cette étude, l'acide folique pourrait contribuer à prévenir l'apparition de la maladie ou à en freiner la progression. Mais elle ne recommande pas pour autant d'augmenter la consommation de vitamine B9 au-delà de l'apport nutritionnel recommandé de 400 µg par jour. L'acide folique est notamment présent dans les abats, la levure, les fruits, les légumes verts, les légumineuses, le pain de blé entier, les œufs et le lait. En 2016, une autre étude française, réalisée par l'Université et le Centre Inserm de Bordeaux, a cherché à évaluer les effets d’un apport en vitamines B sur le risque de démence. A l’issue de leur étude menée pendant dix ans sur 9294 Français de plus de 65 ans, les chercheurs ont constaté que les personnes ayant une prise plus importante en acide folique présentaient moins de risque de démence que les autres personnes de l’étude (Voir NIH).
Autre découverte intéressante, Le Docteur Mahyar Etminan, de l'Université de Toronto, a présenté, à l'occasion du congrès annuel de l'Académie américaine de neurologie, une étude qui confirme le bénéfice des AINS, (Anti-Inflammatoires Non Stéroïdiens), mais pas de l'aspirine, pour la prévention de la maladie d'Alzheimer. Selon d'autres recherches menées par une équipe de l'Université de Californie à San Francisco, et utilisant la tomographie par émission de positons (TEP), le risque de maladie d'Alzheimer chez les consommateurs d'AINS serait diminué, en moyenne, de 28 %. Cette réduction du risque pouvant atteindre 73 % après au moins deux ans de prise régulière de ces médicaments...
Plus surprenant, une étude menée par l’Université du Kansas, et publiée en 2022, a montré que les personnes qui maintiennent une bonne santé bucco-dentaire peuvent réduire leur risque de démence et de déclin cognitif. A contrario, les personnes ayant une mauvaise hygiène dentaire seraient 21 % plus susceptibles de développer la maladie d'Alzheimer plus tard dans la vie (Voir AGS).
En janvier dernier, une étude néo-zélandaise a montré qu’un cycle court mais intense d’exercices physiques augmente la production d’une protéine essentielle à l’apprentissage et à la mémoire, appelée facteur neurotrophique dérivé du cerveau (ou BDNF pour Brain-Derived Neurotrophic Factor), qui favorise la neuroplasticité (la capacité du cerveau à former de nouvelles connexions) et la survie des neurones. Les auteurs ont comparé plusieurs approches susceptibles d’augmenter les niveaux de BDNF : jeûner pendant 20h, pratiquer un exercice léger (90 minutes de vélo à faible intensité) ou un exercice de haute intensité (six minutes de vélo à un rythme intense). Ils ont découvert qu’un exercice bref mais vigoureux était finalement le moyen le plus efficace de produire plus de BDNF (Voir The Physiological Societey).
En août dernier, une nouvelle étude américaine a montré que des taux plus élevés de muscle ou de masse maigre pourraient protéger contre la maladie d'Alzheimer. Les scientifiques ont mené l’enquête auprès de 21 982 volontaires atteints de la maladie d’Alzheimer et 41 944 personnes non atteintes. Grâce à un outil appelé impédancemétrie, un courant électrique a permis d’évaluer la quantité des masses musculaire et graisseuse au niveau des bras et des jambes des participants. Les chercheurs ont découvert que la quantité de masse musculaire était corrélée à une réduction du risque d’Alzheimer (Voir BMJ).
Je termine enfin ce trop rapide tour d'horizon des nombreux outils de prévention potentiellement efficaces contre Alzheimer par la découverte récente, peut-être la plus surprenante. Depuis une vingtaine d’années, diverses études ont montré que le fait d’être vacciné semble protéger contre le risque de maladie d’Alzheimer ou de démence apparentée. En mai 2022, une vaste méta-analyse chinoise, portant sur un million de personnes, a montré que le fait d’être vacciné, quel que soit le vaccin, diminuait de 35 % le risque de pathologie démentielle. De manière étonnante, tous les vaccins semblent avoir un effet protecteur contre cette maladie. Le fait d’avoir reçu au moins deux vaccins différents semble également augmenter cette protection. Parmi les vaccins qui ont un fort taux de protection, on trouve le vaccin diphtérie-tétanos-coqueluche, le vaccin zona, le vaccin contre la grippe et le bon vieux BCG. Le vaccin contre la grippe diminuerait, à lui seul, de 40 % le risque de maladie d’Alzheimer.
Selon le Docteur Christophe Trivalle, chef du service de gériatrie de l’hôpital parisien Paul-Brousse, plusieurs hypothèses pourraient expliquer cet effet protecteur. Il pourrait s’agir d’une protection directe contre les infections (virus ou bactéries) pouvant favoriser la démence par le biais d’une inflammation chronique au niveau cérébral. Autre hypothèse, comme le vaccin contre la grippe diminue notoirement le risque d’AVC, il pourrait également diminuer le risque de démence vasculaire.
On le voit, en attendant que la recherche débouche enfin sur des traitements novateurs et efficaces contre cette terrible maladie dont l'incidence ne fait qu'augmenter avec le vieillissement inexorable de notre population, nous avons déjà à notre disposition une panoplie de plus en plus vaste d'outils et de moyens qui pourraient être utilisés dès maintenant, de manière combinée et personnalisée, pour prévenir de manière puissante, à partir du milieu de la vie, les risques de développer cette pathologie neurodégénérative destructrice. A ce propos, il convient de rappeler que les nouveaux cas d'Alzheimer sont aujourd'hui inférieurs d'au moins 20 % aux prévisions réalisées il y a vingt ans, ce qui semble résulter d'une meilleure prise en charge de l'hypertension et des maladies cardiovasculaires. Je crois que nous pouvons aller beaucoup plus loin et réduire de moitié, en une génération, grâce à une ambitieuse politique de prévention personnalisée, les risques d'Alzheimer dans notre pays. Et je le redis avec force, le coût budgétaire de cette politique de prévention serait dérisoire, par rapport aux immenses bénéfices humains, médicaux, économiques et sociaux qui en résulteraient à terme pour tous nos concitoyens et notre société toute entière...
René TRÉGOUËT
Sénateur honoraire
Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat
e-mail : tregouet@gmail.com
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victorpatrick
2/11/2023Great site keep posting more! retro bowl college
noahbrown123u
21/11/2023Honestly thank you so much for your page Immaculate grid
Charmaine
30/11/2023I am very impressed with the new incredibox findings on the prevention of Alzheimer's disease. These studies show that there are different ways to reduce the risk of the disease, even in people at high risk.
Deximenis
12/12/2023Des connaissances vraiment utiles. De là, il est facile de voir l’importance de combiner activité et alimentation. La science apporte une santé plus saine. J'ai absorbé beaucoup de connaissances utiles fournies par le soccer random site Web.
Annata34
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