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Les chercheurs en protéomique tentent d'harmoniser leurs efforts

Le génome humain, dont une description sommaire a été proposée en 2001, devrait être entièrement décrypté en 2003. Mais le plus difficile est encore à venir : identifier les protéines dont les gènes commandent la production, comprendre leur structure, leur mode d'expression et leurs fonctions, qu'elles soient normales ou pathologiques. C'est l'objectif, extrêmement ambitieux, que s'est fixé la protéomique, dont les acteurs se sont réunis du 21 au 24 octobre à Versailles, à l'occasion du premier congrès mondial de l'Organisation du protéome humain (HUPO). Créée il y a à peine deux ans, cette dernière vise à fédérer les efforts de recherche en protéomique, à fixer des priorités - l'étude de divers tissus sains comme le plasma, le cerveau ou le foie - et à doter les différents acteurs de méthodologies communes. La tâche est en effet immense. Car, si le génome humain est relativement modeste - il compterait environ 30 000 gènes -, le nombre de protéines dont il peut potentiellement commander la fabrication est beaucoup plus vaste. On compte ainsi pas moins de 29 structures différentes (isoformes) de l'albumine fabriquées à partir d'un gène unique, sans présager de formes encore inconnues. C'est qu'entre le gène et la protéine active interviennent une série de mécanismes qui peuvent modifier son expression et aboutir à des résultats différents, fonctions de l'environnement de la cellule, du tissu dans lequel elle s'insère, de la période de sa vie, de son état sain ou non. A l'inverse, des protéines peuvent activer ou inhiber certains gènes et commander en cascade la production d'autres protéines, ce qui complique encore la description des processus. La protéomique s'annonce donc comme la discipline reine de la post-génomique. Elle répond à un projet ancien, défini dans les années 1970, consistant à indexer toutes les protéines humaines. Faute d'outils permettant de mener ces analyses à haut débit, ce projet n'avait pu alors être mené à bien. "A l'époque, on partait d'une protéine pour voir si elle était impliquée dans une maladie, se souvient Raymonde Joubert-Caron, du laboratoire de biochimie des protéines et protéomique de Bobigny (université Paris-XIII). La protéomique a renversé cette approche : on part d'un tissu cancéreux, dans lequel on étudie les changements quantitatifs et qualitatifs des protéines, avant de remonter au gène." Cet exercice n'est possible, note-t-elle, que grâce aux banques de données du génome, auxquelles on peut comparer les fragments de protéines analysés. Le terme de protéomique date de 1994. Il est généralement attribué à un post-doctorant australien, Mark Wilkins. Au cours de la décennie écoulée, la priorité est allée à la génomique, qui, à travers la compétition entre secteur public et secteur privé - notamment la firme Celera Genomics Corporation, Craig Venter -, a en quelque sorte industrialisé les procédés et considérablement accéléré la description des génomes, végétaux, animaux et humain. Face à la génomique, la protéomique en est encore au stade artisanal. La raison principale en est que la protéine, contrairement à l'ADN constitutif des gènes et ses dérivés, est très fragile. En outre, on ne sait pas l'amplifier, c'est-à-dire la multiplier en réacteur. Pour détecter une protéine, il faut donc disposer d'une grande quantité de matériel. Même si l'électrophorèse en deux dimensions et la spectrométrie de masse, les deux outils de base de ce que les spécialistes appellent la "protéomique canal historique", ont considérablement progressé, la caractérisation des protéines au sein d'un tissu reste un processus délicat. En outre, les protéines membranaires, qui représentent, selon certaines estimations, 30 % du protéome et jouent un rôle fondamental dans les échanges cellulaires, sont très difficiles à extraire et à caractériser. Si les technologies restent imparfaites, elles commencent à donner des résultats, notamment en matière de diagnostic des maladies, les perspectives en termes purement thérapeutiques restant plus éloignées. La société Ciphergen se propose ainsi de "dresser des profils d'expression protéiques associés à une pathologie, explique Isabelle Buckle, directrice de la branche française de cette société britannique. C'est une approche pragmatique, on ne cherche pas forcément à comprendre le mécanisme, mais seulement la signature de la maladie." La protéomique "offre une méthode de recherche de marqueurs tout à fait fabuleuse", confirme Jean-Philippe Charrier, de BioMérieux, qui travaille sur la détection précoce des cancers de la prostate et du colon. Le protocole consiste, lors d'opérations chirurgicales, à prélever des cellules tumorales, des tissus sains et des échantillons de sang dans lesquels on étudie les compositions relatives des protéines. Et à déterminer, par analyse différentielle, celles qui, présentes dans le sang, portent le sceau de l'atteinte cancéreuse. L'objectif étant de les dépister ensuite dans des fluides, comme le sang, et d'éviter les biopsies, plus invasives. Le professeur Pierre Bedossa, anatomo-pathologiste à l'hôpital Bicêtre, spécialiste du cancer du foie, espère que des marqueurs protéiques seront identifiés d'ici deux à trois ans. "On enregistre 1 à 3 morts pour 10 000 biopsies, ce qui est loin d'être négligeable rapporté aux 600 000 porteurs de l'hépatite C en France susceptibles de développer cette maladie, indique-t-il. Des outils de dépistage seront donc très précieux."

Le Monde : http://www.lemonde.fr/article/0,5987,3244--299639-,00.html

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