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Edito : Cancer : une mortalité qui ne cesse de reculer

La dernière étude de l'INVS sur le cancer a le mérite de remettre les pendules à l'heure et de tordre définitivement le coup à un mythe tenace, souvent entretenu par les médias, qui voudrait que la lutte contre le cancer stagne et que la mortalité par cancer ne cesse d'augmenter dans notre pays.

Voyons quels sont les faits.

Depuis 1980 où le nombre de nouveaux cas de cancers s'élevait à 170 000, ce nombre a presque doublé chez l'homme (augmentation de 93 %) et a progressé de 84 % chez la femme. La prise en compte des modifications démographiques de la population française ces 25 dernières années montre que 25 % de l'augmentation du nombre de cas est due à l'augmentation de la population et 20 % à son vieillissement (le risque de cancer augmentant avec l'âge).

Un peu plus de la moitié des cas supplémentaires est due à l'augmentation du risque (52 % chez l'homme et 55 % chez la femme). Le nombre de décès par cancer en 2005 a été estimé à 146 000, traduisant une augmentation de 13 % depuis 1980. Cette augmentation du nombre de décès par cancer est très inférieure à celle que laissaient prévoir l'augmentation et le vieillissement de la population française (37 %), et le risque de mortalité par cancer a en fait diminué de 24 % entre 1980 et 2005, soit 1 point de moins par an.

Il est remarquable de constater que, si l'on tient compte de l'augmentation de notre population et de son vieillissement (2 cancers sur 3 surviennent après 65 ans), le nombre de cancers a considérablement augmenté en France depuis 25 ans, mais que le risque de mortalité par cancer a, dans le même temps, sensiblement baissé. Selon les données rendues publiques, jeudi 21 février, par l'Institut de veille sanitaire (InVS), on estime à 320 000 le nombre de nouveaux cas de cancer en 2005, contre 170 000 en 1980. En 25 ans, l'incidence du cancer - la fréquence de la maladie - a quasiment doublé chez l'homme (+93 %) et fortement augmenté chez la femme (+84 %).

La diminution du taux standardisé de mortalité par cancer est en moyenne de -1,1 % par an chez l'homme et -0,9 % chez la femme. Elle est encore plus marquée ces 5 dernières années, respectivement -2,5 % et -1,2 %. Pour l'ensemble des cancers, on constate donc que l'évolution de l'incidence et de la mortalité sont divergentes, augmentation de l'incidence et baisse de la mortalité.

Le cancer du poumon reste le plus meurtrier (26 624 décès en 2005). Mais ce sont les cancers de la prostate (62 000 nouveaux cas par an) et du sein (50 000) qui sont désormais les plus fréquents, en grande partie en raison de l'utilisation systématique du dépistage.

Cette apparente contradiction entre évolution de l'incidence et de la mortalité s'explique de manière logique par "l'évolution croisée des cancers" : les pathologies les plus agressives, comme le cancer de l'oesophage, de l'estomac et les tumeurs ORL, ont vu leur incidence chuter, du fait de la baisse de la consommation d'alcool et de tabac. Les cancers de pronostic plus favorable, comme le sein ou la prostate, sont, en revanche, en augmentation.

En outre, si le nombre de cancers augmente en France, c'est pour moitié en raison de l'augmentation et du vieillissement de la population, le risque étant plus élevé de développer une tumeur chez les personnes âgées. Mais la hausse de l'incidence du cancer est également liée à notre environnement et à l'extension du dépistage qui permet de traiter précocement des cancers qui n'étaient tout simplement pas repérés il y a encore quelques années.

Comparativement à ses voisins européens, la France affiche ainsi les plus forts taux d'incidence pour le cancer du sein et de la prostate. Or, si la mammographie de contrôle a prouvé son efficacité, en permettant une prise en charge plus précoce des tumeurs du sein, le dépistage du cancer de la prostate par test sanguin est contesté.

Cette méthode présente en effet un risque de sur-diagnostic : des patients porteurs d'une pathologie dormante sont ainsi soumis à des traitements invasifs. Pour le docteur Françoise Weber, directrice générale de l'InVS, l'extension annoncée des pratiques de dépistage "doit amener à reposer, pour chaque patient, sur le fait d'engager ou non un traitement." "On doit maintenant s'habituer à l'idée qu'on peut vivre aussi avec un cancer, souligne pour sa part le professeur Dominique Maraninchi, président de l'Institut national du cancer (INCa).

Cette étude de l'INVs est à rapprocher des chiffres publiés récemment par l'Institut National du Cancer des Etats-Unis. Ces statistiques américaines montrent que le taux de mortalité par cancer a baissé de 2,1 % par an entre 2002 et 2004. C'est deux fois plus que la baisse annuelle de 1,1 % enregistrée dans ce même pays entre 1993 et 2002. Fait encore plus remarquable, depuis 5 ans, la mortalité par cancer baisse en valeur absolue aux Etats-Unis et a retrouvé le niveau des années 30 dans ce pays alors que la population américaine a considérablement augmenté et vieilli depuis 70 ans.

Ces résultats sont attribués à la politique anti-tabac, mais aussi à de meilleures mesures de dépistage et à l'amélioration de l'alimentation avec notamment depuis 1998 l'enrichissement des aliments de base en vitamine B9. La baisse concerne la plupart des cancers, en particulier le cancer du sein chez la femme, les cancers du poumon et de la prostate chez l'homme, les cancers colorectaux dans les deux sexes. Chez la femme, la mortalité par cancer du poumon se stabilise après avoir augmenté ces dernières années.

On observe la même tendance au niveau européen : une étude publiée dans la revue britannique The Lancet Oncology et qui a porté sur la survie des personnes dont le cancer a été diagnostiqué entre 1995 et 1999 dans 23 pays européens montre que le taux de survie relatif à cinq ans atteint 44,8 % pour les hommes et 54,6 % pour les femmes tous cancers confondus, soit 51,9 % en moyenne. Comparés aux résultats d'EUROCARE-3 qui portait sur les cancers diagnostiqués entre 1990 et 1994, les taux de survie relative se sont améliorés pour toutes les localisations étudiées.

On voit donc que, dans l'ensemble des pays développés, et contrairement aux prévisions ou allégations pessimistes que l'on entend encore trop souvent, la mortalité globale par cancer ne cesse de diminuer depuis plusieurs années en dépit de l'augmentation et du vieillissement de la population. Cette évolution très encourageante est incontestablement due à une amélioration continue des traitements et outils de détection précoce mais également à une amélioration des politiques de prévention, notamment en ce qui concerne le tabagisme, l'alcoolisme et les mauvaises habitudes alimentaires.

Il reste qu'un effort considérable reste à accomplir dans ce domaine essentiel de la prévention car 30 à 50 % des cancers pourraient très probablement être évités si l'ensemble de la population adoptait un mode vie sain qui peut se résumer ainsi : pas de tabac, peu d'alcool, réduire globalement son apport calorique, manger moins de protéines animales et plus de protéines végétales, manger plus de fruits et légumes frais tous les jours, faire de l'exercice physique régulièrement et limiter, autant que faire se peut, l'exposition à la pollution atmosphérique et à la pollution chimique diffuse et intérieure dont on commence seulement à mesurer le pouvoir cancérogène.

Un long chemin reste à accomplir mais nous savons à présent avec certitude, grâce à ces études convergentes, que le cancer n'est pas une fatalité et qu'il sera vaincu au cours de ce siècle. Mais pour que cette victoire soit plus proche, nous devons attaquer ce fléau sur tous les fronts en même temps et admettre que la médecine seule ne suffira pas à atteindre ce but si nous n'agissons pas également de manière puissante et déterminée pour transformer nos habitudes de vie et améliorer la qualité de notre environnement.

René Trégouët

Sénateur honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

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