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Bientôt des prothèses avec la sensation du toucher ?
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Une interface cerveau-machine avec retour sensoriel tactile permet à des singes d'activer un bras virtuel et de choisir des objets virtuels au toucher, par le seul biais de leur activité cérébrale.
Agir sur un appareil – un ordinateur, une prothèse, un robot… – par la seule entremise de son activité cérébrale : ce rêve de tout patient paralysé semble de plus en plus accessible ces dernières années. Miguel Nicolelis, de l'Université Duke, à Durham en Caroline du Nord – un des pionniers des recherches sur ce que l'on nomme les interfaces cerveau-machine –, et ses collègues viennent de franchir une nouvelle étape. Ils ont mis au point une interface cerveau-machine avec retour sensoriel tactile.
Le contrôle d'une machine par la seule activité cérébrale nécessite un échange d'informations dans les deux sens entre l'homme et la machine : d'une part, l'activité cérébrale de l'homme associée à une commande doit être analysée, puis traduite en action par la machine ; d'autre part, la machine doit transmettre à l'homme un retour – une rétroaction – pour qu'il puisse ajuster son action en temps réel.
Jusqu'à présent, les progrès ont surtout concerné le premier aspect. En 2006, l'équipe de M. Nicolelis a ainsi appris à un rat à abaisser un levier grâce à l'activité de quelques dizaines de neurones de son cortex moteur – la région du cerveau qui commande la motricité. En 2008, Andrew Schwartz, de l'Université de Pittsburg, aux États-Unis, et ses collègues ont entraîné un singe à se nourrir en actionnant un bras mécanique à l'aide d'électrodes implantées elles aussi dans le cortex moteur. D'autres systèmes testés chez le singe ont permis de stimuler des muscles pour bouger un membre paralysé.
Dans toutes ces expériences, la rétroaction était principalement visuelle : l'animal ajustait son comportement en observant le résultat. Toutefois, un tel contrôle est insuffisant pour reproduire des mouvements complexes, telle la marche. Des stimuli tactiles ont parfois été utilisés (vibrations dans une autre région du corps, détournement de l'innervation du membre paralysé vers d'autres régions du corps), mais ces approches sont peu exploitables. La nouvelle interface cerveau-machine conçue par M. Nicolelis et son équipe s'appuie aussi sur une rétroaction tactile, mais qui agit directement au niveau cérébral, et en temps réel.
Chez deux singes, les neuroscientifiques ont implanté des microélectrodes, d'une part dans le cortex moteur primaire et, d'autre part, dans certaines zones du cortex somatosensoriel primaire (la région du cerveau qui traite l'information tactile) : la zone de représentation de la main chez l'un, et de la jambe chez l'autre. Les singes ont d'abord appris à utiliser la rétroaction tactile. En manipulant un bras virtuel sur un écran grâce à une manette, ils devaient retrouver, parmi trois disques virtuels, identiques à l'œil, celui qui présentait la « bonne » texture – celle qui entraîne une récompense (du jus de fruit). Cette texture était indiquée par un signal haute fréquence envoyé directement au cortex somatosensoriel (un autre signal correspondait au deuxième disque, et aucun signal n'était associé au troisième).
Puis les neuroscientifiques ont désactivé la manette. Les singes ont alors appris à commander le bras virtuel via les électrodes implantées dans leur cortex moteur pour retrouver leur récompense. Un obstacle de taille résidait dans le fait que les deux régions corticales implantées sont très proches et interconnectées, ce qui engendre des interférences dans les signaux reçus et émis. M. Nicolelis et ses collègues ont pallié cette difficulté en alternant toutes les 50 millisecondes stimulation et enregistrement de l'activité cérébrale, après avoir vérifié que cela ne perturbait pas l'apprentissage des singes.
Avec ce dispositif, non seulement le singe commande un bras virtuel par sa seule activité cérébrale, mais il a un retour tactile direct qui lui permet d'ajuster les mouvements imprimés au bras virtuel. « S'il ne s'agit pas encore d'une stimulation permettant de ressentir pleinement la présence et l'appartenance du bras virtuel, c'est une étape importante. À ma connaissance, il s'agit là de la première interface cerveau-machine-cerveau », explique Jérémie Mattout, chercheur au sein de l'équipe Dynamique cérébrale et cognition du Centre de recherche en neurosciences de Lyon. Prochaine étape : améliorer la sûreté et la compatibilité des implants cérébraux, ainsi que la longévité des enregistrements, afin d'utiliser durablement de tels dispositifs chez l'homme.
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- Publié dans : Neurosciences & Sciences cognitives
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