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Edito : Avons-nous bien conscience combien notre vie va changer avec les récentes décisions européennes ?

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EDITO :

Nous n’en avons pas toujours conscience, mais la transition énergétique mondiale est bel et bien en route au niveau mondial. Selon l’AIE (Agence Internationale de l'Environnement), dans 5 ans, 90 % des nouvelles installations de capacités de production d’électricité dans le monde concerneront des projets solaires et éoliens, notamment marins. Le solaire représentera, à lui seul, la moitié des capacités de production d'électricité installées d'ici 2025 dans le monde. A ce rythme, les énergies renouvelables devraient être la première source de production d’électricité dans le monde devant le gaz, mais aussi le charbon.

C’est dans ce contexte que, le 7 octobre dernier, les eurodéputés ont adopté la loi climat qui vise à faire respecter les engagements européens dans le cadre de l’accord de Paris pour lutter contre le réchauffement de la planète. La principale disposition de ce texte prévoit que l’Union européenne devra atteindre la neutralité climatique d’ici 2050, en réduisant dès 2030 ses émissions de gaz à effet de serre de 60 %.

Ce nouvel objectif européen, il faut bien le comprendre, est un véritable défi de société et suppose que les pays-membres doublent le rythme annuel de leur réduction d’émissions de CO2. Pour parvenir à atteindre cet objectif, qui répond à une exigence climatique incontestable, nos sociétés développées vont devoir actionner de manière puissante 6 leviers simultanément : le logement sobre, les énergies renouvelables, la réduction à la source de la consommation d’énergie, la mobilité durable, l’économie circulaire et rationalisée et l’agriculture verte.

L’effort le plus important à accomplir devra concerner le domaine du bâtiment et du logement, qui représente 46 % de notre consommation d’énergie et 25 % de nos émissions de CO2. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que la France est très en retard en matière de mise aux normes énergétiques de ses bâtiments et logements. La rénovation énergétique du bâti touche environ 100 000 logements par an. Or, si nous voulons atteindre les objectifs de l'accord de Paris sur le climat, il faudra rénover un million de logements par an, d’ici 2050. Atteindre un tel objectif aura un coût élevé, 25 milliards par an d’ici 2030 pour rénover d’abord les 5 millions de « passoires thermiques » que compte notre pays, puis 40 milliards d’euros par an, entre 2030 et 2040.

Reste que ces dépenses peuvent générer à terme des économies considérables. Une étude réalisée par le cabinet Citzing spécialisé dans l’évaluation des politiques publiques montre en effet que si nous tenons le cap de nos nouveaux objectifs nationaux, notre collectivité nationale pourrait économiser au total (en tenant compte des bénéfices sociaux, environnementaux et sanitaires) 113 milliards d’euros d’ici 2030, dont 58,4 milliards d’euros d’économies profitant directement aux ménages.

Il y a quelques jours, le gouvernement a dévoilé sa feuille de route pour l’application de la nouvelle norme thermique RE2020, pour les constructions neuves, qui entrera en vigueur à l’été 2021. Le nouvel objectif vise à réduire d’au moins 30 % la consommation énergétique des logements et leurs émissions de CO2 d’ici 2030. Parmi les mesures fortes prises pour tenir cette feuille de route, on trouve notamment l’interdiction du chauffage au gaz dans les logements neufs dès l’année prochaine, pour réduire plus vite les émissions de CO2. Les chaudières à condensation, couplée avec des pompes à chaleur, ainsi que le développement du solaire thermique, pour fournir le chauffage et l’eau chaude seront systématiquement privilégiés.

Mais peut-on aller plus loin et imaginer se passer complètement des énergies fossiles dans le bâtiment à l’horizon 2050 ? A cette question cruciale, la majorité des chercheurs et ingénieurs répondent à présent « oui ». Des travaux de l’ADEME et d’EDF ont notamment montré qu’il est possible, sans tabler sur des ruptures technologiques majeures, en réduisant globalement les besoins en énergie, et en développant les énergies renouvelables, de se passer totalement d’énergies fossiles dans 30 ans pour nos bâtiments et logements. Dans ce scenario, volontairement prudent et réaliste, la part de la biomasse augmenterait d’environ 40 TWh par rapport à 2020, la demande finale serait assurée principalement par les énergies renouvelables et la récupération gratuite d’énergie, grâce à la généralisation des différents systèmes de pompes à chaleur. Mais, fait remarquable, en agissant sur les leviers de la performance énergétique et de la gestion intelligente des bâtiments, les besoins globaux en énergie pour ce secteur-clé connaîtraient, en dépit de l’augmentation du nombre d’habitants et de logements, une diminution de plus de 20 %.

Et justement, nous en venons à la dimension numérique de cette problématique, à la fois énergétique et environnementale, que j’ai déjà évoquée dans mon édito sur la 5G, le 16 octobre dernier. Nous savons en effet, grâce à plusieurs études prospectives, et notamment grâce à une étude du Cabinet Mc Kinsey réalisée il y a déjà plusieurs années, que, schématiquement, la réduction massive des émissions de CO2 passe par trois leviers majeurs. Le premier est la montée en charge des énergies renouvelables et la sortie des fossiles ; le deuxième est l’amélioration de l’efficacité énergétique (à performance égale) de tous nos appareils ménagers, et numériques, de nos systèmes de chauffage, et d’éclairage des bâtiments, de nos process industriels et, bien sûr, de nos systèmes et moyens de transport individuels et collectifs. Enfin, le troisième est la réduction, "à la source", de nos besoins énergétiques, grâce à une réorganisation de nos modes de travail et de consommation et de nos déplacements.

Actionner vigoureusement les deux derniers leviers, efficacité énergétique et réduction de la demande à la source, passera obligatoirement par une généralisation de la 5G, de l’Internet des objets et de l’IA. Ces trois outils technologiques combinés vont en effet nous permettre de gérer de manière interactive et intelligente tous nos bâtiments, mais également nos usines et nos réseaux de transport. Or, si les avancées techniques et matérielles dans le bâtiment et les transports vont permettre de diminuer sensiblement les besoins en énergie de ces secteurs qui représentent les deux tiers de notre consommation énergétique, la gestion intelligente et prédictive devrait également contribuer, d’ici 2050, à diminuer sensiblement la quantité d’énergie absorbée par ces deux secteurs. Au final, en combinant toutes ces avancées, nous pouvons espérer atteindre les nouveaux objectifs européens pour 2030 et ceux définis par les accords de Paris pour 2050.

Mais cette décarbonisation à marche forcée de notre économie passera également, sur le plan macroéconomique et systémique, par la généralisation de l’économie-circulaire, basée sur le recyclage massif et la valorisation des produits et des biens. Dans ce cadre, les entreprises vont devenir les acteurs essentiels de la réduction des émissions de CO2, en intégrant, dès la conception de leurs produits, la gestion prévisionnelle complète du cycle de vie et le coût-carbone de leurs productions.

Signe des temps, Renault a annoncé, il y a quelques jours, qu’il comptait arrêter en 2024 l’assemblage de véhicules neufs dans son usine de Flins et fermer son site de recyclage d’organes mécaniques de Choisy-le-Roi. Le constructeur automobile va remplacer ces deux unités industrielles par sa première « Re-Factory » la première usine européenne d’économie circulaire dans le domaine de la mobilité. Cet « écosystème industriel et commercial », comme l’appelle Renault, devrait employer 3000 personnes à l’horizon 2030 et sera dédié au reconditionnement de véhicules d’occasion, au recyclage de véhicules hors d’usage, au recyclage des batteries, et à la recherche.

Autre mutation majeure qui va contribuer à réduire sensiblement la pollution, les nuisances environnementales et les émissions de CO2 : le développement spectaculaire du télétravail qui a connu une accélération sans précédent sous l’effet de la pandémie de Covid-19. En deux ans, le taux de salariés pratiquant le télétravail est en effet passé de 7 à 25 % et, d’ici 2030, on estime que 15 millions de personnes adopteront le télétravail, soit plus de la moitié de notre population active. Ce changement fondamental dans l’organisation et le mode de travail va permettre une réduction sensible de la consommation d’énergie et des nuisances liées aux déplacements individuels intra-urbains effectués en voiture.

En matière de production et de distribution d’énergie, la menace climatique est également en train d’accélérer la fin inévitable des énergies fossiles, dont les coûts moyens de production sont en passe de devenir supérieurs à ceux des énergies propres –éolien et solaire notamment. Il est vrai que depuis 2010, le coût de l'énergie a baissé de 82 % pour le solaire photovoltaïque, de 47 % pour l'énergie solaire à concentration (CSP), de 39 % pour l'éolien terrestre et de 29 % pour l'éolien offshore. A ce rythme, Bloomberg prévoit que le coût moyen du kWh solaire et éolien terrestre passera d’environ 7 centimes à seulement deux centimes en 2030 ; le coût de production de l’éolien marin devrait pour sa part, avec l’arrivée récente d’éoliennes géantes de plus de 10 MW, descendre à 10 centimes le kWh d’ici 2030.

Et c’est bien sur les mers que va se jouer largement l’avenir énergétique de la planète car le potentiel de production éolien marin est estimé à 420 000 TWH par an, plus de dix fois la production mondiale d’électricité prévue en 2040. L’arrivée d'éoliennes géantes des mers, chacune capable d’alimenter plus de 10 000 foyers, va changer la donne énergétique, ainsi que la maîtrise de l’éolien flottant qui permet d’envisager une production d’énergie encore plus efficace, en haute mer. Il y a quelques jours, la Commission européenne a dévoilé sa nouvelle feuille de route énergétique et annoncé qu’elle allait multiplier par 25 la production d’énergie éolienne marine d’ici à 2050. Cette montée en puissance impressionnante se fera par un réseau interconnecté d’éoliennes, installées en mer du Nord, en Baltique, en Atlantique et en Méditerranée. A terme, l’éolien marin européen devrait couvrir au moins le tiers de la consommation électrique du continent, soit produire 300 gigawatts, contre 12 gigawatts pour toute l’Union européenne actuellement.

De manière complémentaire à cet essor de l’éolien marin, la Commission européenne veut aussi consacrer 10 milliards d’euros par an sur un développement massif de l’hydrogène, à la fois comme vecteur énergétique de stockage des énergies renouvelables et comme carburant propre, pour atteindre son nouvel objectif ambitieux de 60 % de réduction de ses émissions de CO2 en 2030.

Mais l’amélioration de l’efficacité énergétique et la réduction des émissions de CO2 vont également passer par l’essor de technologies dont on parle peu mais qui sont promises à un grand avenir : les systèmes de récupération de chaleur issue des bâtiments et égouts. L’idée est d’exploiter une partie des gisements variés de chaleur dite « fatale ». Selon l'ADEME, pour la seule industrie, cette perte de chaleur représente un potentiel de 109,5 TWh / an, plus de 20 % de la consommation annuelle d’électricité de la France.

Mais, selon l'Institut national de l'économie circulaire, on peut aller encore plus loin et récupérer également une partie de la chaleur perdue produite par les 29 millions de ménages français. Cet organisme a réalisé une étude qui montre que l'électroménager représente en moyenne 1,3 MWh de chaleur perdue par an et par ménage, et les eaux usées 1,2 MWh/an. L’étude rappelle qu’un foyer français consomme en moyenne 14,7 MWh / an et souligne qu’il est tout à fait possible, en utilisant des technologies existantes, de diminuer de 20 % la consommation de chaleur des ménages. De manière très parlante, cette étude estime par exemple qu’il serait possible de récupérer 3,4 TWh, avec les technologies disponibles, dans les immeubles tertiaires du Grand Paris, soit l'équivalent de la consommation de la métropole de Dijon (250 000 habitants).

Evoquons enfin une récente décision qui pourrait bien accélérer la transition énergétique européenne, notamment dans le secteur-clé des transports. Il y a quelques jours, le Premier ministre britannique Boris Johnson a annoncé, à la surprise générale, que le Royaume Uni allait interdire dès 2030, et non plus en 2040, la vente de nouveaux véhicules essence et diesel en Grande-Bretagne. Cette mesure forte s’inscrit dans le cadre d’un vaste et ambitieux plan visant à faire de la Grande-Bretagne un des leaders mondiaux en matière d’énergies renouvelables et de technologies propres dans 10 ans.

Car Boris Johnson ne s’en cache pas, ce « plan vert global » qui va mobiliser 13 milliards d’euros ne répond pas seulement à des attentes écologique et des préoccupations environnementales ; il vise également, de manière claire, à relancer l’industrie et l’emploi et à réorienter l’innovation vers des produits, techniques et services indispensables à la lutte contre le changement climatique – comme la capture de CO2, l’éolien marin, l’énergie des vagues ou le stockage-hydrogène, que la Grande-Bretagne compte bien exporter dans le monde entier.

Sur le plan interne, la Grande-Bretagne a également tout à gagner en accélérant sa mutation énergétique et en sortant le plus rapidement des énergies fossiles. Au Royaume-Uni, huit foyers sur dix utilisent une chaudière à gaz pour se chauffer et produire l'eau chaude. Mais demain, grâce à une production décuplée d’hydrogène vert, rendue possible par l’électricité excédentaire des éoliennes, il sera possible, moyennant certaines adaptations techniques, d’injecter de l’hydrogène directement dans les réseaux existants, en remplacement du gaz. Cet hydrogène pourra également être retransformé, à la demande, en électricité décarbonée, et utilisé pour alimenter, en substitution des carburants fossiles, essence et diesel, la mobilité lourde (camions, trains cars et navires) puis, dans un second temps les véhicules particuliers.

On le voit, en à peine un an, les nouveaux objectifs européens en matière de réduction d’émission de CO2 et de développement de l’éolien marin, la loi-énergie-climat de novembre 2019, l’ambitieux « plan vert » britannique, la loi de février dernier sur l’économie circulaire et l’annonce de la nouvelle réglementation énergétique française pour le bâtiment ont jeté les bases, non seulement d’une transition énergétique irréversible, mais bien d’un véritable changement de société au niveau européen. Cette mutation majeure, qui va profondément modifier nos modes de production, de travail et de vie, s’annonce bien plus rapide et puissante que prévue. Espérons que notre pays aura la clairvoyance, le courage et la volonté, alors que se profile une possible maîtrise de la pandémie de Covid-19 en 2021, de mobiliser toutes ses ressources humaines, économiques et technologiques pour ne pas rater ce train de l’histoire qui ne passera qu’une fois…

René TRÉGOUËT

Sénateur honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

e-mail : tregouet@gmail.com

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