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Edito : ARN : Le vrai gouvernement de la vie

Dans mon éditorial du 28-10-2002 intitulé "Une nouvelle révolution de la biologie", j'avais souligné l'importance de la découverte du mécanisme baptisé "ARN interférents", qui permet de "mettre en veille" certains gènes pathogènes responsables du déclenchement de graves maladies. Des travaux américains avaient en effet révélé l'existence de minuscules fragments d'informations génétiques, présents dans les cellules sous la forme d'ARN - la molécule qui traduit l'ADN en protéines - capables d'"interférer" dans la lecture de l'information biologique contenue dans l'ADN. (voir lettre 210 http://www.tregouet.org/ lettres/rtflashmail.asp?theLettre=236). Longtemps considéré comme secondaire dans le domaine de la recherche sur la cellule, l'ARN, un des deux acides nucléiques cellulaires, joue donc aussi un rôle dans l'expression des gènes, le développement embryonnaire et peut-être dans le cancer. Dans son édition du 20 décembre, le magazine "Science" salue cette avancée qui figure en tête du palmarès des plus grandes découvertes scientifiques de l'année en biologie (voir le revue Science du 20-12-2002)http://www.sciencemag.org/cgi/content/summary/298/5602/2296?etoc.

On a longtemps pensé que le rôle de l'ARN, acide ribonucléique, se bornait à transcrire les informations contenues dans l'ADN qui, lui, détient les instructions génétiques de la cellule. Jusque-là, on savait que certaines formes d'ARN recueillent les instructions venant de l'ADN puis les délivrent aux organites cellulaires capables de fabriquer des protéines, où d'autres ARN suivent les instructions et assemblent les acides aminés en protéines. Mais de nouvelles recherches montrent que l'ARN pourrait être beaucoup plus impliqué dans le processus. Cet acide nucléique pourrait notamment jouer un rôle important dans la division cellulaire, lui permettant de se dérouler plus doucement. Il pourrait aussi servir à débloquer la machine quand des morceaux d'ADN se positionnent mal. Un arrêt du travail de l'ARN pourrait même jouer un rôle dans l'apparition d'un cancer : une fonction à laquelle les chercheurs s'intéressent, dans l'espoir de l'ajouter à la longue liste des cibles dans la lutte contre le cancer et bien d'autres maladies. Alors que leur mécanisme d'action commence seulement à être exploré, ces ARN interférents ouvrent déjà de remarquables perspectives thérapeutiques puisqu'il y a quelques jours, des chercheurs américains de l'Institut de Technologie de Californie et du AIDS Institute de l'Université de Californie ont annoncé qu'ils étaient parvenus à protéger des lymphocytes T d'une infection par le VIH en introduisant dans ces cellules de courts ARN (voir article dans la rubrique médecine de ce numéro). "Science" salue par ailleurs les autres grands progrès effectués en matière de santé publique. La revue rappelle ainsi que, depuis le séquençage du génome humain en 2000, des chercheurs ont réalisé le séquençage du parasite du paludisme et celui du moustique qui le transmet. 2002 aura aussi vu le décryptage des génomes de la souris, du rat et d'une douzaine de microbes. Enfin, le 18 décembre dernier une équipe internationale annonçait le décryptage du génome du riz (voir @RTFlash 222). Dans un futur proche, d'autres séquençages sont prévus, notamment ceux du chimpanzé, du chien, de la vache et du poulet. Quant à la cartographie fine, complète et vérifiée du génome humain, elle devrait être terminée en 2004. Alors que la communauté scientifique s'apprête à célébrer en grand pompe à Lyon, en 2003, le cinquantenaire de la découverte de la structure de l'ADN par Watson et Crick, on mesure un peu plus chaque jour à quel point cette découverte a bouleversé la médecine et la biologie en nous ouvrant la porte sur un nouveau continent du vivant qui se révèle chaque jour plus vaste, plus riche et plus complexe, comme vient encore de le montrer une étonnante étude suédoise qui montre que l'expression de certains de nos gènes pourrait en partie dépendre de l'environnement (voir article dans la rubrique biologie de ce numéro). Pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, l'homme commence à pouvoir agir sur les mécanismes communs fondamentaux qui gouvernent la vie dans son extraordinaire diversité. Face aux enjeux médicaux et biotechnologiques considérables que représentent les potentialités de la génétique et de la génomique, il est capital que notre pays consacre à ces recherches des moyens exceptionnels et en fasse un priorité absolue pour rester dans la compétition mondiale et maîtriser demain ces nouveaux outils qui révolutionneront la santé, l'agriculture et l'ensemble de l'économie.

René TRÉGOUËT

Sénateur du Rhône

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