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351 espèces de virus géants découvertes

L’équipe de Jillian Banfield, de l’Université de Berkeley, aux États-Unis, a décrit plus de 300 nouvelles espèces de phages, tous de très grande taille. Pour un virus, « de très grande taille » signifie que son ADN comporte au moins 200 000 paires de bases azotées. Ce matériel génétique est contenu dans une structure appelée capside, dont le volume augmente avec la longueur du génome.

En 2017, seuls 93 de ces virus géants avaient été décrits. Et cela pour une raison simple : lorsque les biologistes souhaitent étudier la diversité des virus présents dans la nature, ils recensent le matériel génétique dans des échantillons de sol ou des prélèvements d’eau filtrés. « Or, les filtres utilisés ont un maillage de 0,2 micromètre de diamètre », précise Marie-Agnès Petit, directrice de recherche du laboratoire de dynamique des génomes de bactériophages, au centre INRA de Jouy-en-Josas.

« Les phages dont les capsides contiennent des ADN longs ne passent donc pas à travers ». Une grande quantité de matériel génétique passe néanmoins à travers le filtre, avec des origines diverses : bactérien, viral, animal, végétal, etc… Après tri, seul le génome viral est étudié, les autres sont écartés.

L’équipe de l’Université de Berkeley a fait évoluer ce protocole. Pour contourner le problème du filtrage, elle s’est intéressée aux génomes d’origine bactérienne, et non plus seulement virale. En effet, une bactérie infectée renferme de l’ADN viral, qui n’est donc plus contenu dans une capside. Libre, l'ADN peut s’étirer et ainsi passe à travers le filtre. « Cette méthode est simple, mais personne n’y avait pensé avant », apprécie Marie-Agnès Petit. 351 nouvelles espèces ont ainsi pu être découvertes, dont beaucoup sont présentes dans le microbiote humain. Certains de ces phages ont même un matériel génétique avec une longueur supérieure à 540 kilobases, le plus grand jamais signalé dans notre organisme.

Parmi les nouvelles espèces recensées par l’équipe de Julian Banfield, certaines présentent une particularité génétique inattendue : elles possèdent le gène de la protéine CRISPR. Ce « ciseau génétique », composé notamment d’une enzyme qui coupe l’ADN, était considéré jusque-là comme réservé à ses proies, les bactéries. Ironiquement, CRISPR est justement un mécanisme antiviral, permettant aux bactéries de supprimer les fragments d’ADN identifiés comme provenant d'un virus.

Pour comprendre comment les phages s’en servent, il faut revenir sur leur mode de vie. Comme tous les virus, les phages tirent avantage d’un hôte, une bactérie dans leur cas. Après s'être accrochés à sa surface, ils y injectent leur ADN, qui est alors répliqué pour produire de nouveaux virus. Ces derniers quittent ensuite leur hôte pour infecter d'autres cellules encore saines. Ce cycle provoque la mort de la bactérie-hôte.

En plus d’injecter leur matériel génétique complet dans la bactérie, les phages identifiés par l’équipe américaine utilisent CRISPR pour intégrer quelques-uns de leurs gènes dans l’ADN bactérien. L’ADN ainsi modifié est transmis à chaque nouvelle génération bactérienne. Ces gènes viraux n’ont pas d’effet immédiat sur la vie de la bactérie-hôte : ils entrent en action dans des circonstances précises. Par exemple, lorsque d’autres virus tentent d’infecter la bactérie.

Les gènes viraux déclenchent alors un processus de réplication de l’ADN viral et la mort de la bactérie. Les phages équipés de CRISPR conservent ainsi un avantage évolutif en limitant la propagation de virus concurrents. Une trouvaille supplémentaire dans le matériel génétique de ces phages est troublante. Des gènes comparables à ceux des bactéries y ont été découverts.

Ces gènes aideraient les bactéries infectées à répliquer l’ADN viral. Cela pose de nouvelles questions, notamment sur leur évolution. « Les bactériophages ont-ils toujours été des parasites des bactéries, ou avaient-ils tout le matériel nécessaire pour la traduction de leur ADN, avant de le perdre peu à peu au fil du temps ? »

Article rédigé par Georges Simmonds pour RT Flash

Nature

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