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Nanotechnologies : les bâtisseurs atomiques

«Si vous essayez de prédire ce qui se passera dans 30 ans et que ça ressemble à de la science-fiction, ça pourrait être faux. Mais si ça ne ressemble pas à de la science-fiction, c'est certainement faux», a déjà dit la présidente du Foresight Institute, Christine Peterson. Les scientifiques ont l'habitude de voir grand, même dans l'infiniment petit. Si la miniaturisation a déjà étonné en donnant naissance, par exemple, à des ordinateurs toujours plus petits et plus puissants, il semble que l'on n'ait encore rien vu. La nanotechnologie commence à peine à opérer sa révolution...Commençons par le commencement, disent les nanotechnologues. Au départ, il y a l'atome. Un ordinateur, un gratte-ciel, un hamburger, tout est d'abord un assemblage d'atomes. Si l'on arrivait à placer les atomes un par un, on pourrait arriver à créer des objets «mini-minuscules», comme des nanocaméras pour filmer des cellules. Ou des matériaux sans défaut. Ou n'importe quel objet, sans perte, puisqu'on utilise seulement les atomes dont on a besoin. Utopie? À peine. Même si la nanotechnologie suscite pour le moment plus de rêves qu'elle ne comporte de réalités, les scientifiques sont convaincus d'avoir en main tous les ingrédients du succès. Ne manque que la recette. Au pays du nanomètre, le millimètre est un géant. Un millimètre égale 1000 micromètres, soit 1 000 000 de nanomètres. Le nanomètre mesure quatre atomes de long. L'épaisseur d'une feuille de papier, par exemple, mesure environ 100 000 nanomètres. La nanotechnologie se consacre généralement sur des structures d'au plus 100 nanomètres. La nanotechnologie pourrait être une révolution du même type que l'a été la microélectronique. Au moment où les premiers transistors ont donné naissance aux ordinateurs, les experts jubilaient. «À la fin du siècle, on arrivera à faire 5000 opérations par seconde avec un appareil de 3000 livres qui consommera des kilowatts», avait déclaré un comité américain, qui avait également estimé que le pays aurait besoin, au plus, d'une dizaine d'ordinateurs. C'était avant la microélectronique. Les puces sont aujourd'hui de plus en plus gourmandes d'informations, elles absorbent maintenant des systèmes entiers. Le scientifique Gordon Moore a d'ailleurs énoncé une loi pour expliquer le phénomène: le nombre de transistors par puce double tous les 18 mois. Mais il y a une limite jusqu'où la microélectronique peut aller, croit le chercheur Mohamed Chaker, de l'Institut national de recherche scientifique (INRS-Énergie et matériaux). La microélectronique, comme tous les procédés actuels d'assemblage, est du type top-down: créer à partir de matériaux qu'on taille et qu'on réduit pour donner un objet. La nanotechnologie utilise la technique inverse, le bottom-up: en assemblant un atome à la fois, on crée un objet. L'assemblage d'atomes est pour l'instant un travail de moine. Les chercheurs arrivent à voir leur travail grâce aux microscopes ultraprécis à effet tunnel et à force atomique. Mais le concept a été imaginé bien avant que les appareils ne permettent d'y travailler. En 1959, le Prix Nobel Richard Freynman rappelait que les lois de la physique autorisent a priori la manipulation et le positionnement contrôlé des atomes et des molécules. Dans ce cas, s'est-il demandé, pourquoi ne pourrait-on pas écrire les 24 volumes de l'Encyclopédie Britannica sur une tête d'épingle ? Depuis Freynman, d'autres chercheurs ont pu prouver qu'il était possible de créer dans l'infiniment petit. En plaçant un par un les atomes, les chercheurs ont réussi, en 1990, à écrire le nom de leur employeur, IBM, sur une plaque de nickel. En 1997, des chercheurs de l'Université Cornell ont sculpté une guitare de 10 000 nanomètres de long, soit le dixième de l'épaisseur d'un cheveu. Le défi est de trouver la façon d'agencer les atomes selon les lois de la nature. La nature maîtrise très bien l'art d'agencer les atomes pour créer de formidables structures, que ce soit un métal, un liquide, un gaz. «Le vrai défi est de comprendre comment se font les choses dans la nature, ce qu'on appelle la nanoscience. En appliquant ces lois de la nature, on pourrait orienter les atomes pour qu'ils fassent des silos, des trous, des étages.» Les nanotechnologues voient grand dans l'infiniment petit. Dans les laboratoires du monde, les chercheurs se penchent sur les propriétés des nanomatériaux, dont les possibilités seraient extraordinaires. Par exemple, explique Mohamed Chaker, des particules longues de quelques nanomètres qui auraient la propriété d'absorber de l'hydrogène. «Imaginez que vous avez des milliards de ces nanoparticules que vous mettez dans un pot. Elles auront la capacité d'absorber énormément plus d'hydrogène qu'un matériau solide dont la surface serait plus petite que ces milliards de nanoparticules. Vous venez alors de construire un réservoir d'hydrogène extrêmement puissant, et ça pourrait servir pour de nouveaux moteurs qui fonctionneraient à l'hydrogène, une énergie propre.» Mohamed Chaker ne fabule pas, jure-t-il. «On ne verra pas ça dans vingt ans. On parle de quelques années !»

Le Devoir : http://www.ledevoir.com/pla/2001a/nano190201.html

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